Déjà très imposant, le marché des adolescents ne fait que croître. En 2020, près de 2,5 milliards de personnes dans le monde auront moins de 18 ans et les campagnes marketing des entreprises multinationales vendant de la musique, des vêtements et d'autres produits vont très certainement cibler de plus en plus les adolescents.
Les adolescents ne se comportent pas de façon uniforme : de grandes différences à la fois culturelles et comportementales peuvent être identifiées d’un pays à l'autre.
Par exemple, les enfants canadiens d'origine chinoise ont un esprit plus pratique que leurs amis caucasiens et sont parfois débordés face au large choix de marques et magasins.
Dans notre recherche "How national culture impacts teenage shopping behavior : Comparing French and American consumers", nous voulions examiner la façon dont les différentes cultures nationales influencent le comportement d’achat des adolescents. Pour ce faire, nous avons comparé des adolescents français à des adolescents américains, en analysant la façon dont leurs motivations sociales influencent leurs habitudes de consommation.
Ces deux pays ont des attitudes très différentes à l’égard de la valeur d’individualisme. Leur tolérance à l’ambiguïté et à l’incertitude est aussi très contrastée, ce qui est susceptible d’impacter certains comportements de consommation (par exemple, l’achat de nouveaux produits).
Étant semblables, être différents
Tous les adolescents ressentent un besoin d'appartenance. À l’adolescence en effet, les jeunes prennent de la distance vis-à-vis de leurs parents dans le but de former de nouveaux liens avec leurs pairs. Cette appartenance s’exprime très souvent à travers des goûts communs, en particulier dans des domaines tels que la mode.
En parallèle cependant, les adolescents ressentent le besoin de se différencier des autres. Dans le domaine vestimentaire par exemple, ils apportent souvent de "petites touches" personnelles à leur style.
Le besoin d’appartenance est universel à l’adolescence, mais il se manifeste de façons différentes selon les cultures. Parce que les Américains attachent avant tout de l’importance à l’autonomie individuelle, ils apprennent à leurs enfants à être indépendants et à se démarquer. À l’inverse, les Français sont beaucoup plus interdépendants, et encouragent un respect pour l'autorité et le souci de ce que les autres pensent.
Ainsi, les adolescents américains apprennent rapidement à faire du "shopping" tout seul, alors qu'en France, ils recherchent plus souvent l'aide et les conseils des autres. Nous avons montré que la relation entre le besoin d'appartenance sociale et le besoin d'unicité est plus fort chez les adolescents américains et qu’à l’inverse, la susceptibilité à l’influence des autres revêt plus d’importance chez les adolescents français.
La mode et le fun
Parmi l’ensemble des motivations qui sous-tendent les activités de shopping des adolescents, nous en avons choisi deux : celle qui consiste à faire du shopping pour trouver de produits nouveaux, et celle qui consiste à faire du shopping "pour le fun", c’est-à-dire le plaisir de partager un moment avec ses amis.
Nous avons montré que la recherche de produits nouveaux était le reflet du besoin d’unicité que ressentent les adolescents.
Cependant, la relation entre le besoin d’unicité et la recherche de produits nouveaux est plus forte aux États-Unis qu'en France pour deux raisons : la culture américaine est très individualiste et les américains apprécient l'incertitude et le risque.
De leur côté, les Français sont moins susceptibles de faire un saut dans l'inconnu et ainsi de prendre des risques. Le besoin d'unicité est également lié positivement à l'idée de faire du shopping entre amis, juste "pour le fun". C’est en effet au sein du groupe que les adolescents affirment leur liberté et leur individualité.
Là encore, la relation entre le besoin d’unicité et la motivation ludique du shopping est plus forte chez les adolescents américains, dont l’esprit est beaucoup plus indépendant que les français.
Tous les adolescents soucieux de la mode se tournent vers leurs amis pour savoir ce qui est cool, c’est la raison pour laquelle la susceptibilité à l’influence des autres est positivement liée à la recherche de nouveautés. En France cependant, nous avons montré que cet effet était beaucoup plus fort qu’aux États-Unis, les adolescents français accordant davantage d’importance à l’avis de leurs pairs.
Enfin, faire du shopping avec des amis réduit l'incertitude d'acheter de nouveaux vêtements, aidant ainsi les adolescents à faire de "bons" choix, validés par leur groupe. Si la susceptibilité à l’influence des autres est positivement liée au plaisir de faire du shopping, cela est tout particulièrement important pour les adolescents français.
Le besoin d’appartenance sociale est un besoin universel à l’adolescence : tous les adolescents partagent le désir de s'intégrer à leur groupe de pairs. Cependant, la façon dont ils répondent à cette volonté diffère selon les cultures. Dans les pays individualistes comme les USA, le besoin d’unicité est clé : il faut manifester sa différence pour être accepté.
Les adolescents américains ont plaisir à faire du shopping parce que cela leur donne l’occasion d’affirmer leur individualité au sein du groupe. Dans les cultures plus interdépendantes et averses au risque comme la France, la susceptibilité à l’influence des autres est plus importante. On du plaisir à faire du shopping en groupe parce que cela permet d’avoir la validation de ses pairs, notamment sur les produits nouveaux.
Ce que cela implique pour les marques
Les marques peuvent partir de ce constant pour changer la façon dont elles ciblent les adolescents dans différents pays. Par exemple les détaillants de mode ciblant les adolescents français devraient insister sur la dimension sociale du shopping, par exemple en concevant des magasins avec de plus grands espaces, permettant aux groupes d’adolescents de repérer des vêtements ensemble. Les espaces d’essayage pourraient également être plus spacieux.
En revanche, les entreprises souhaitant séduire les adolescents américains devraient insister sur les avantages personnels et l'unicité, peut-être en offrant des invitations à des événements spéciaux comme des défilés de mode ou des lancements en avant-première.
Pour conclure, soulignons cependant que bien qu’elles soient différentes à certains égards, les cultures française et américaine ont pourtant beaucoup en commun. Les contrastes culturels pourraient être beaucoup plus prononcés avec des pays comme la Chine, le Japon, le Brésil ou l’Inde.
Pour approfondir :
"Unique but integrated: The role of individuation and assimilation processes in teen opinion leadership", paru dans Journal of Business Research.