Cédomir Nestorovic, professeur de Management à l’ESSEC Business School et auteur de l’ouvrage Understanding the Socio-Economic, Cultural, and Politico-Legal Environment, explique le contexte et les défis du marketing des entreprises pour s’adapter à la culture musulmane.
Il y a à peine 10 ans, les entreprises occidentales avaient tendance à adopter une attitude impérialiste vendant les mêmes produits ou services dans le monde. Aujourd'hui, les distributeurs doivent être prêts à examiner, analyser et tenir compte des divers éléments culturels s’ils veulent être présents ou lancer un produit sur les marchés étrangers.
Ceci est peut-être particulièrement vrai pour les entreprises qui cherchent à faire des affaires dans les pays musulmans, où la religion peut être considérée comme un élément immuable de l'environnement économique, culturel et politique et qui oblige les entreprises à adapter leurs pratiques d'offre et de marketing. Aujourd'hui, les musulmans représentent plus de 23% de la population mondiale - soit plus de 1,7 milliard de personnes. Alors, comment une entreprise doit ajuster ses tactiques pour exploiter le potentiel énorme de ce marché?
3 clés pour bien vendre dans les pays musulmans
- Le pouvoir d’achat des potentiels consommateurs
D’un point de vue culturel, mais aussi économique, les pays à majorité musulmane sont un groupe extrêmement diversifié d'Etats. Le choix entre les stratégies globales et locales de marketing dépend beaucoup des pays où l'entreprise est présente. Le Qatar, par exemple, est le premier pays dans le monde en termes de PIB par habitant. Des pays tels que l'Indonésie et la Turquie ont également un PIB global élevé. D'autre part, il y a beaucoup de pays à majorité musulmane avec un PIB extrêmement bas, comme la Somalie ou les Comores.
Bien qu'il puisse être plus difficile pour les entreprises de traiter avec les régions les plus pauvres, les possibilités existent encore en raison du transfert des travailleurs et du potentiel de ces marchés comme l’explique l’approche « Bottom of the pyramid ». Dans l'ensemble, la croissance du PIB de ces pays, conjuguée à une démographie en expansion, signifient que le monde musulman présente de vrais opportunités de croissance.
- Les habitudes de consommation
La religion est toujours considérée comme l'élément culturelle statique, quelque chose que les entreprises ne peuvent pas et ne doivent pas essayer de changer. D'autres éléments de la culture islamique sont plus dynamiques par exemple internet et les médias peuvent avoir un impact énorme sur le comportement des consommateurs et s’aligner avec les tendances occidentales. Les arts, les normes de beauté et la mode sont les zones les plus dynamiques et les évolutions culturelles peuvent donner à certaines entreprises un coup de pouce.
Cependant, en dépit des facteurs d'unification de la religion, les pays musulmans affichent toujours une grande variété de modèles sociaux et culturels. Pour Geert Hofstede les dimensions de la culture, qui identifient les différences telles que le respect de la hiérarchie ou le degré d'individualisme, peuvent être très utiles pour identifier ces différences. Par exemple, certaines sociétés islamiques ont un score bas sur l’index Hofstede’s Power Distance - l'identification d'un attachement à l'égalitarisme – et le fait de paraitre riche ne pose pas de problème. Les publicités proposant des articles de luxe et un mode de vie luxueux sont donc définitivement acceptables.
- Les obstacles juridiques locaux
Est-ce que cette entreprise sera en mesure d'entrer dans un pays donné, ou sera-t-elle confrontée à des obstacles politiques et juridiques? Un exemple majeur de barrière politique est le boycott d'une entreprise ou d'un pays - comme cela est le cas avec le boycott d’Israël par la Ligue Arabe. Cela oblige les entreprises à choisir si elles servent le marché israélien ou les marchés membres de la Ligue Arabe. En outre, d'autres boycotts existent et ne sont pas réellement officiels, mais néanmoins percutants.
L'environnement juridique aborde également l'utilisation ou non de la charia, ainsi que les questions de normalisation et de certification. Pour deux industries au moins (Finance Islamique et l’alimentation Halal) l'harmonisation des normes et l'acceptation mutuelle par les organismes de certification est une condition préalable à l'expansion du marché. La commercialisation est donc coincée entre la logique économique de servir une population croissante et plus riche, et les connotations politiques.
Prof. Cedomir Nestorovic sur ESSEC TV (en anglais): Islamic marketing explained in 3 minutes
A propos de l’ouvrage Islamic Marketing: Understanding the Socio-Economic, Cultural, and Politico-Legal Environment
Ce nouveau livre analyse la place du marketing islamique dans un monde musulman qui est extrêmement diversifié en termes de développement économique, de coutumes, de traditions et de systèmes politiques et juridiques. Cette diversité signifie qu'il est vital pour les entreprises et les experts du marketing d'analyser l'environnement avant de tenter de répondre à ces marchés. Tout au long du livre, le Professeur Cedomir Nestorovic met l'accent sur trois points à prendre en compte pour élaborer des stratégies de distribution et de promotion : le marché doit exister en termes de puissance ou de données démographiques d'achat; les consommateurs potentiels doivent croire que les produits et services répondent à leurs besoins et exigences; et enfin, il faut identifier s'il existe des obstacles politiques et juridiques aux entreprises qui veulent entrer sur ces marchés.
Le Marketing islamique offre un aperçu détaillé de l'environnement économique, socio-culturel et politico-juridique du monde musulman, aperçu essentiel pour les entreprises et les experts du marketing qui doivent comprendre afin de mettre en place une stratégie marketing efficace.