Sites de réservation d’hôtels en ligne : attention à tout ce qui se dit !

Sites de réservation d’hôtels en ligne : attention à tout ce qui se dit !

Peter O’Connor, Professeur du Département Systèmes d'Information, Sciences de la Décision et Statistiques et auteur des MOOCs Fundamentals of Hotel Distribution et Revenue Management, jette un regard sur l’actuel antagonisme entre les marques d’hôtel et les agences de réservation en ligne afin de distinguer réalité et fiction. 

Traditionnellement, l’industrie hôtelière se compose de trois ou quatre acteurs majeurs. Il y a en premier lieu le propriétaire de l’hôtel, qui possède le bâtiment et peut en jouir. Il y a ensuite l’entreprise qui gère l’hôtel et son activité, de façon quotidienne. Le troisième acteur classique est ce qu’on appelle la « marque », la franchise qui vient s’apposer sur la devanture d’une multitude d’hôtels à travers le monde, et qui s’incarne par les grands groupes comme Hilton, Mariott ou encore Holiday Inn.

Aujourd’hui, on peut retenir un quatrième acteur, qui, en dépit de de sa contribution reconnue, fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques : le site de réservation en ligne, qui consolide la demande des voyageurs, comme Booking.com ou Expedia. De plusieurs façons, ces agences de voyage en ligne sont en coopétition avec les marques d’hôtel au sens où elles travaillent pour eux en facilitant les réservations en ligne, tout en étant des concurrentes. Or, elles prennent tout de même une certaine marge sur chaque réservation, marge qui n’existe pas si le client passe par la plateforme de réservation de l’hôtel.

De nombreuses critiques envers les sites de réservation en ligne

Malgré le fait qu’elles fournissent, en partie, énormément de revenus aux hôtels, les marques critiquent depuis quelque temps les plateformes de réservation en ligne car elles seraient trop chères, pénalisant les entreprises ayant recours à leurs services. Les plateformes les plus chères sont Booking.com et Expedia, qui prennent respectivement une commission de 17% et de 22% par réservation.

Ces honoraires élevés sont en partie dus aux coûts importants auxquels font face ces plateformes en ligne, qui doivent, afin d’assurer leur survie, générer de vastes quantités de trafic sur leur site. En particulier, un des postes de dépenses les plus importants de Booking.com est le référencement sur les moteurs de recherche comme Google, pour s’assurer que les résultats des recherches des internautes affichent toujours les pages du site dans les premières places, avant même le propre site de l’hôtel recherché. Que le classement soit obtenu organiquement ou via des techniques payantes d’optimisation des moteurs de recherche, cet effort s’avère très cher. Typiquement, les plateformes de réservation en ligne dépensent la plupart de leurs revenus dans le marketing et la technologie nécessaire pour l’accompagner. 

Les critiques sont donc dirigées vers les taux de commission importants que proposent ces sites pour les hôteliers, accompagnées d’un second argument qui est que ces plateformes n’apportent finalement aucune valeur ajoutée à la matière qu’elles traitent (faciliter la vente de nuits d’hôtels). Le recours à ces services serait donc devenu un passage obligé relevant plus de la contrainte obligée que du service à proprement parler. Il y a donc une campagne continue de discrédit à l’encontre de Booking.com, Expedia et leurs concurrents de la part de plusieurs grandes marques d’hôtels, qui vise à redonner de l’importance à la distribution contrôlée.

La désolidarisation des plateformes grâce aux recours aux programmes de fidélité

Aujourd’hui, la stratégie des marques pour se désolidariser des plateformes de réservation repose sur la mise en place de rabais pour les clients ayant souscris, le plus souvent gratuitement, à leurs programmes de fidélité. Par exemple, si vous rejoignez le Hilton Honours Club, vous bénéficierez immédiatement de 10% de réduction sur vos nuits d’hôtels, le but étant de créer une différence de prix entre le site de réservation et le propre site de la marque. Habituellement mis en œuvre via une inscription « instantanée », l’effet est double pour la marque en augmentant à la fois les statistiques de réservation directe et le nombre d’adhérents aux clubs de fidélité, les deux étant des métriques très citées dans les négociations de contrats entre les marques et les propriétaires d’hôtels.

Cependant, en réalité il est peu probable que de tels clients – éphémères, sans doute sensibles aux prix – soient fidèles. Cela veut dire que les marques gonflent, actuellement, les chiffres de leurs clubs fidélité sur le fond de ristournes finalement payées par le  propriétaire de l’hôtel !  

Une équation de coûts pas si évidente

Certes, du point de vue du propriétaire, ces nouveaux faits peuvent sembler très suspects. Le simple fait d’apposer une marque sur un établissement, auquel on ajoute des coûts d’incitation, de marketing, la création d’un club fidélité royautés, peuvent facilement peser jusqu’à 10 à 12% des revenus. Si on ajoute à cela les 10% de réduction due au rabais que les marques utilisent aujourd’hui pour encourager des clients à réserver, le niveau des coûts de commissions versées aux plateformes de réservation en ligne – c’est-à-dire près de 20 – est facilement atteint, voire dépassé. En effet, cela veut dire que l’argument principal utilisé par les marques contre les plateformes de réservation en ligne – qu’elles sont en comparaison plus chères – ne tient plus dans ce cas.  

Aujourd’hui, étant donné les actions à encourager les réservations directes et leurs implications, les propriétaires d’hôtels doivent nécessairement prendre du recul pour pouvoir examiner à la fois leur distribution, et la contribution réelle de leur marque, d’une manière plus profonde. Il est sans doute vrai que les marques apportent de la valeur, mais comprendre l'envergure de cette valeur, et à quel coût, devient de plus en plus complexe. 

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