Le commerce électronique est en plein essor et s’accroîtrait de 20 % par an selon un rapport récent. Mais, en dépit des ces changements dans nos habitudes de consommation, la plupart des paiements en ligne sont réalisés grâce à la bonne vieille carte de crédit, dont la technologie n’a pas beaucoup évolué au cours des décennies. Elle est familière aux clients, lesquels ont tendance à oublier certains de ses aspects négatifs, les frais supplémentaires et les questions de confidentialité n’étant pas des moindres. Est-il alors temps de chercher de nouveaux moyens de paiement ?
Entrez dans le monde des monnaies virtuelles. Bien qu’elles ne soient pas des nouveautés absolues, les monnaies virtuelles sont continuellement montées en puissance au cours des dernières années, notamment depuis l’apparition du bitcoin en 2009.En effet, les bitcoins et les autres monnaies virtuelles pallient certains inconvénients des monnaies traditionnelles ou des cartes de crédit.
À la suite de la crise économique et financière, nombreux ont été ceux qui ont déclaré que le bitcoin pouvait révolutionner le paysage financier voire, à terme, remplacer le dollar. Néanmoins, Ashwin Malshe, professeur de marketing, affirme que si les signes sont encourageants, leur « grand soir » ne sera pas pour demain.
Quels sont donc les avantages de la monnaie virtuelle et qu’est-ce qui lui fait obstacle ?
L’avantage des économies sur les frais de transaction
« Un des avantages manifestes des monnaies virtuelles est qu’elles permettent tant aux entreprises qu’aux clients d’économiser de l’argent, explique les professeur Malshe. Les entreprises utilisant la monnaie virtuelle suppriment l’intermédiaire de la société de la carte de crédit : elles en paient plus de frais dès qu’un client utilise sa carte de crédit et peuvent facilement faire faire des économies au client.
Le taux de change peut également engendrer des coûts pour les entreprises : si elles paient un employé en monnaie virtuelle, il n’y aura plus de perte d’argent dès qu’un chèque passera entre de nouvelles mains. Facebook paie déjà ses développeurs en monnaie virtuelle.
Les monnaies d’entreprises, fonctionnant en écosystème fermé, comme les Facebook Credits, dont la valeur est décidée par l’entreprise, commencent à se multiplier. Après le succès de Facebook, Amazon a lancé le mois dernier le Amazon Coin. Selon le professeur Malshe, l’adoption des ces monnaies est facilitée dans cet environnement car les clients sont déjà familiers du système ; des systèmes semblables, comme les Air Miles et les points des cartes de fidélité, existent déjà depuis un certain temps.
Le bitcoin –la crypto-monnaie flottante la plus connue, qui se comporte beaucoup comme une monnaie traditionnelle- gagne également en popularité, notamment auprès des petites entreprises : les économies sur les coûts de transaction peuvent faire une grande différence dans leur comptabilité.
Si donc les monnaies virtuelles permettent à tous de faire des économies, qu’est-ce qui empêche leur expansion ?
« Ce sont surtout les établissements monétaires traditionnels, comme les sociétés émettrices de cartes de crédit, qui se révèlent les plus adversaires de la montée en puissance des monnaies virtuelle, déclare le professeur Malshe. Elles barrent le chemin et ne se laisseront pas facilement convaincre. »
L’inconvénient de la volatilité
Dans la cas des monnaies virtuelles d’entreprise, ce sont les entreprises elles-mêmes qui contrôlent leur valeur, tandis que dans le cas des bitcoins, c’est une question d’algorithme. Selon le professeur Malshe, c’est un avantage sur certains aspects, car les entreprises et les gouvernements ne peuvent pas inonder le marché et cause de l’inflation. Mais, d’un autre côté, ces monnaies, encore fragiles, sont à la merci de la volatilité.
« Certains ont imaginé que les bitcoins allaient s’envoler lors de la crise financière de Chypre. Certes la valeur du bitcoin a augmenté pendant quelque temps, mais elle est rapidement devenue volatile : comme cette monnaie est relativement nouvelle, les investisseurs sont très sensibles aux moindres éléments d’information.
Le problème est que personne n’est sûr si la volatilité est inhérente aux monnaies virtuelles. Dans les faits, il semble que ce soit un système assez robuste. Même si les statistiques montrent que les gens ont assez peu confiance en ce type de système, cela peut changer à l’avenir. »
La question de la protection de la vie privée
La polémique sur l’extraction de données de la National Security Agency (NSA) a remis au centre du débat le thème de la protection de la vie privée sur Internet, a fait monter les ventes de 1984 d’Orwell (allant jusqu’à 112 % d’augmentation sur Amazon) et a fait du jour au lendemain une célébrité d’Edward Snowden, le dénonciateur. Il est apparu que la NSA avait espionné non seulement l’activité des réseaux sociaux et des portables, mais aussi, très certainement, l’activité des cartes de crédit. Les bitcoins proposent une solution à ce problème concernant la protection des données personnelles car il est totalement de les pister. Mais c’est justement cela qui pose problème.
Le programme de surveillance de la NSA a mis en colère beaucoup de monde, notamment les Européens qui craignent que les données aient quitté le territoire américain et aient été partagées avec le Royaume-Uni. Mais de nombreuses autres personnes, dont une majorité d’Américains, estiment que sacrifier la protection de leur vie privée en ligne vaut la peine si cela permet d’arrêter les criminels et d’assurer la sécurité.
« C’est un exemple classique de compromis d’erreur de type 1 et de type 2, déclare le professeur Malshe. En l’absence de surveillance, il est facile de manquer des informations sur les activités terroristes –c’est l’erreur de type 1- tandis que la surveillance peut utiliser des informations contre un innocent –c’est l’erreur de type 2. En choisissant une des deux options, vous faites un compromis et acceptez une certaine quantité d’erreurs. Et c’est exactement la même problématique qui est sous-jacente au débat entre les partisans et les adversaires des monnaies virtuelles. »
En effet, le bitcoin a été très critiqué car il n’est pas possible de le pister. Si cela peut assurer la protection de la vie privée, cette invisibilité peut aussi faire du bitcoin une cible pour le blanchiment d’argent, le terrorisme et d’autres activités criminelles. Et comme les bitcoins sont une technologie en open source, de nombreuses personnes pensent qu’ils sont soumis au risque de piratage.
« Néanmoins, la protection de la vie privée n’est pas un problème pour les monnaies virtuelles d’entreprise car elles facilitent plus que jamais la collecte de données sur le comportement réel des consommateurs, ajoute le professeur Malshe. Facebook profite particulièrement de ces informations pour le marketing car le réseau en sait déjà beaucoup sur ses utilisateurs. Tandis qu’avec les intermédiaires, il y a toujours des barrières légales qui limitent l’accès aux données. »
Sommes-nous donc à la veille d’une révolution monétaire ? « Ce n’est pas demain que les monnaies virtuelles vont remplacer le dollar, mais leur utilisation va aller croissant, notamment dans les écosystèmes fermés, conclut le professeur. Et si les bitcoins disparaissent d’ici dix ans, ils seront certainement remplacés par d’autres monnaies virtuelles.