Avec ESSEC Knowledge Editor-in-chief
Sans aucun doute, les marques vont saisir l’opportunité d’exploiter l'énergie des Jeux Olympiques de Paris 2024. La question est de savoir quelle est la stratégie publicitaire la plus efficace pour atteindre cet objectif. Une nouvelle publication par Marc Mazodier, Professeur de marketing et responsable du département marketing de l'ESSEC, François A. Carrillat (Griffith Business School) et Christine Eckert (UTS Business School, EBS Business School) (1) examine comment les publicités adaptées aux événements sportifs influencent les attitudes et les choix des marques par rapport aux stratégies publicitaires traditionnelles.
En règle générale, les experts et chercheurs sont unanimes : pour que les publicités soient efficaces, il est préférable de rester cohérent et d'avoir des annonces qui correspondent à la catégorie de produits. Prenez les publicités pour les voitures dans lesquelles le client, heureux, conduit sur une jolie route , ou bien les publicités pour les banques, où les clients ont l'air confiants dans des situations financièrement sûres. La supériorité de la publicité typique sur la publicité atypique peut surprendre si l'on ignore que la plupart des consommateurs ne prêtent guère attention aux publicités. Des recherches antérieures suggèrent que notre exposition moyenne aux publicités en ligne et sur des panneaux extérieurs est inférieure à une seconde (2,3,4). Par conséquent, les publicités qui sont facilement reconnaissables du point de vue de la marque et de la catégorie de produit sont en moyenne plus performantes.
Professeur Mazodier et ses collègues ont découvert qu'une publicité qui fait allusion à un événement donne aux individus un sentiment plus positif à l'égard de la marque et les rend plus susceptibles d'acheter cette marque. Cette exception à la règle est importante car les entreprises dépensent des millions de dollars pour les créneaux pendant des grands événements sportifs, qui obtiennent des millions de vues. Les spécialistes du marketing peuvent appliquer cette stratégie dans le cas des Jeux Olympiques, en utilisant des symboles de la ville hôte et des Jeux eux-mêmes - comme les baguettes, les bérets et l'architecture haussmannienne pour Paris 2024. Ce type de publicité n’est pas représentative de la catégorie de produits, mais attire l'attention du spectateur.
L'équipe de recherche a comparé des publicités appartenant à différentes catégories :
Les publicités typiques du produit : elles représentent le produit lui-même - la conduite dans une publicité pour voiture, par exemple. Cela permet aux consommateurs de reconnaître facilement l’objet de la publicité. L'Oréal utilise souvent ce type de publicité, avec des stars et une photo du produit.
Les publicités typiques d'événement : elles représentent l'événement, mais pas la catégorie de produits. Par exemple, la nouvelle campagne d'Air France pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024 montre une femme dont le visage est peint aux couleurs du drapeau français, comme si le drapeau flottait au vent.
Les publicités à double typologie : elles comportent des éléments des deux catégories, comme la dernière publicité de Renault pour Roland Garros, qui montre des joueurs de tennis, des courts en terre battue et des voitures en mouvement.
Publicité atypique : ni l'événement ni le produit ne sont explicitement indiqués, et il y a des éléments inhabituels, ce qui peut susciter l'intérêt du consommateur. Par exemple, Audi a montré des voleurs attendant leur chauffeur qui "ne pouvait pas s'arrêter de conduire" au lieu d'une voiture.
L'objectif de la publicité est que les consommateurs reconnaissent l’offre et de créer des attitudes positives à son égard. Les grands événements sportifs, où les supporters affluent vers un lieu donné et les téléspectateurs sont rivés sur leurs écrans, offrent une occasion unique de faire connaître une marque à un plus grand nombre de personnes. Alors, comment les entreprises peuvent-elles frapper un grand coup ? Professeur Mazodier et ses collègues ont entrepris d'étudier quel type de publicité était le plus performant, et pourquoi.
Viser l'or en marketing
Pour déterminer quel type de publicité a le plus d'impact, les chercheurs ont examiné la réaction des consommateurs à plusieurs publicités.
Les chercheurs ont mené quatre expériences sur le terrain et en laboratoire sur un total de 32 publicités. Elles ont eu pour objectif d'étudier l'impact du type de publicité sur l'attitude et le choix de la marque par le consommateur, en soumettant différentes catégories de produits (voitures, nourriture et boissons, soins de la peau) et d'événements sportifs (Jeux Olympiques, Wimbledon et la Coupe du Monde FIFA). Grâce à une approche systématique, fondée sur les résultats de chaque étude, ils ont examiné comment les participants (étudiants et répondants de panels d'enquête en ligne) réagissaient à une publicité à différentes durées d'exposition et quels étaient les mécanismes à l'origine de ces effets. Un graphiste professionnel a conçu des publicités réalistes pour les expériences afin de s'assurer que les personnes interrogées n'étaient pas biaisées par une exposition antérieure.
Les participants ont été interrogés sur leur attitude à l'égard de la marque après avoir vu la publicité, ainsi que sur leur opinion sur la publicité elle-même et sur les attributs qu'ils associaient à la marque.
Il s'avère que les publicités typiques d'un événement sont les plus performantes, même pour des expositions très rapides (moins de 500 ms) et que ce phénomène est amplifié pour des temps d'exposition "plus longs" (jusqu'à 2 secondes). Bien que les publicités typiques du produit ont également obtenu de bons résultats après une exposition très brève, ce sont les publicités typiques d’événement qui ont donné lieu aux meilleures évaluations de la marque et aux évaluations publicitaires les plus positives, peu importe la durée de l'exposition. Il est surprenant de constater que les publicités à double typologie ne sont jamais les plus performantes dans aucune des quatre expériences. Cela va à l'encontre de l'intuition puisque les experts du secteur et les chercheurs universitaires pensaient que ce type de publicité donnait de bons résultats.
Ensuite, les auteurs se sont penchés sur le "pourquoi" : qu'est-ce qui conduit à ces résultats ? Ils ont mis en évidence trois mécanismes :
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Savoir de quoi parle la publicité : les publicités typiques d’événement donnent suffisamment d'informations pour y parvenir, même avec une exposition rapide.
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Susciter la curiosité : le consommateur veut en savoir plus sur la publicité. Même si la catégorie de produits n'est pas liée au sport, il veut en savoir plus (quel est le lien entre le produit et l'événement ?) et cela attire son attention.
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Transférer les attributs que les individus associent à l'événement à la marque elle-même. Des attributs tels que populaire et emblématique, qui sont associés aux Jeux Olympiques, peuvent se traduire par des sentiments positifs à l'égard de la marque.
Ces résultats vont à l'encontre de des croyances conventionnelles, qui veulent que les publicités à double typologie soient le moyen idéal de tirer profit des méga-événements. En effet, les performances médiocres des publicités à double typologie signifient qu'elles ne sont jamais la meilleure stratégie publicitaire, car elles risquent d'embrouiller le consommateur. Les effets des mécanismes et la performance gagnante de l'annonce typique d’événement sont amplifiés par une exposition accrue à la publicité.
Que doivent prendre en compte les équipes de marketing ?
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Soyez créatifs ! S'il y a un grand événement, sportif ou autre, identifiez comment vous pouvez impliquer des symboles emblématiques dans votre stratégie de marketing, même si l'événement n'est pas directement lié à votre produit ou à votre marque.
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Les publicités typiques d'événement fonctionnent bien même après une brève exposition, que ce soit dans la presse, en extérieur ou en ligne, c'est donc une stratégie qui vaut la peine d'être développée.
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Résistez à l'envie d'utiliser des publicités à double typologie et donnez la priorité aux publicités d’événement, qui pourraient susciter le plus d'intérêt de la part des consommateurs.
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Les sponsors d'événements devraient prendre note de la manière d'adapter leurs activités de marketing à l'événement afin d'accroître l'impact de leur parrainage, plutôt que d'utiliser des publicités standard.
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Lorsqu'il s'agit d'utiliser des symboles emblématiques, vérifiez les aspects juridiques - par exemple, les anneaux olympiques et les scènes de la Tour Eiffel la nuit sont soumis à des conditions strictes en matière de droits d'auteur. Si vous êtes un sponsor d'événement, ces dispositions légales peuvent ne pas s'appliquer, mais il convient tout de même d'appeler le service juridique.
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Il n'est peut-être même pas nécessaire d'utiliser des symboles déposés - les recherches du Professeur Mazodier suggèrent que des symboles plus génériques (comme des stades ou des sportifs en compétition), accessibles à tous, feront l'affaire.
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Les sponsors d'événements doivent identifier les symboles les plus représentatifs d'un événement et se coordonner avec le comité d'organisation de l'événement pour enregistrer ces symboles (si possible) afin de créer des publicités uniques plus efficaces.
Aujourd'hui, nous sommes submergés par les publicités : sur nos téléphones, dans le métro, à la télévision... mais combien d'entre elles retiennent réellement notre attention ? Professeur Mazodier et ses collègues proposent une stratégie pour renforcer l'impact d'une publicité malgré cette attention limitée en alignant les campagnes publicitaires sur les méga-événements sportifs. Avec les Jeux Olympiques et Paralympiques qui approchent à grands pas, les publicités typiques d'événement offrent un moyen de marquer le but gagnant pour augmenter l'impact et susciter la curiosité et les sentiments positifs des consommateurs. À l'instar des équipes qui joueront cette année, chaque action doit compter. Les marques peuvent exploiter l'énergie de la foule et remporter la médaille d'or dans l'opinion des consommateurs.
Références
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Carrillat, F. A., Mazodier, M., & Eckert, C. (2024). Why advertisers should embrace event typicality and maximize leveraging of major events. Journal of the Academy of Marketing Science, 1-23.
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Decker, J. S., Stannard, S. J., McManus, B., Wittig, S. M. O., Sisiopiku, V. P., & Stavrinos, D. (2015). The impact of billboards on driver visual behavior: A systematic literature review. Traffic Injury Prevention,16(20), 234–239.
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Marketing Week (2016). Marketers continue to ‘waste money’ as only 9% of digital ads are viewed for more than a second. Retrieved July 12, 2022 from https://www.marketingweek.com/marketers-continue-to-waste-money-as-only-9-of-digital-ads-are-viewed-for-more-than-a-second/.
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Pieters, R., & Wedel, M. (2012). Ad gist: Ad communication in a single eye fixation. Marketing Science,31(1), 59–73.