Comment bien partager ses idées

Comment bien partager ses idées

Avec ESSEC Knowledge Editor-in-chief

Pourquoi certaines conférences TED deviennent virales — et d'autres tombent à plat ? Amir Sepehri, professeur assistant en marketing à l’ESSEC Business School, le professeur Rod Duclos (Western University) et Nasir Haghighi (University of Washington à Tacoma) ont découvert que tout dépend de la charge informationnelle présentée lors de la conférence. Lorsqu’une présentation déborde de contenu et touche plusieurs sujets, le spectateur a tendance à subir une surcharge informationnelle, ce qui le pousse à quitter la vidéo. Alors, comment les speakers peuvent-ils s’assurer que leur message soit entendu et que leur public accroche à leur prestation ?

Les recherches précédentes sur les produits culturels (chansons, livres, films, etc.) suggèrent que la popularité d’un contenu est plus difficile à prédire qu’on ne pourrait le croire (par exemple, Salganik et al. 2006). Bien que l’influence sociale joue un rôle conséquent — c’est-à-dire que le contenu déjà populaire attire davantage, là où le contenu moins populaire se diffuse peu —, il reste difficile de déterminer à l’avance quel type de contenu va rencontrer le plus grand succès.

Trop d’info tue l’info

Pour comprendre comment affiner les prédictions de popularité sur les marchés culturels, les chercheurs se sont penchés sur le rôle joué par la charge informationnelle, dans un article récemment publié dans The Journal of Personality and Social Psychology. Dans ce contexte précis, la charge informationnelle fait référence au nombre de sujets abordés lors d’une seule conférence. Si une conférence dure, par exemple, dix minutes, mais saute de la biologie aux sciences de l’environnement, puis à l’éthique, en passant par la philosophie, cette abondance d’informations — bien qu’elle puisse sembler utile et enrichissante — rend surtout la présentation plus difficile à assimiler que si elle ne traitait que de biologie et de sciences de l’environnement. En clair : notre cerveau traite mieux les informations… quand il y en a moins à traiter.

Lorsque l’information est facile à assimiler, nous y prêtons plus attention, et notre intérêt est stimulé. Au contraire, trop d’informations nous submergent et rendent leur traitement plus difficile. Ce n’est pas anodin si, lorsque nous consommons de l’informations pour le plaisir ou le divertissement, nous cherchons souvent à nous détendre avec quelque chose qui ne sollicite pas trop notre cerveau.

Pour explorer ce lien entre surcharge informationnelle et popularité des conférences TED, les chercheurs ont mené une série d'études. Les participants y ont visionné des extraits de conférences TED, puis ont donné leur avis quant à leur intérêt et leur appréciation des vidéos. L’équipe de recherche a aussi analysé l’ensemble des conférences TED disponibles en ligne grâce à des techniques de traitement automatique du langage naturel (NLP), afin de comprendre le lien entre le nombre de sujets abordés et le nombre de vues sur les réseaux.

Trop d’infos met l’attention du spectateur en pause

Il s’avère que les vidéos qui abordent plusieurs sujets à la fois sont, en réalité, moins accrocheuses aux yeux des spectateurs. Bien que leurs créateurs aient sans doute voulu offrir une expérience enrichissante, ils ont surtout noyé leur audience sous un flot continu d’informations — et, par la même occasion, compromis le succès de leur intervention. Pourquoi de tels résultats ? Parce qu’un spectateur satisfait et captivé est bien plus enclin à liker, commenter, et partager une vidéo et ces réactions créent un cercle vertueux qui génère encore plus de vues.

Le paradoxe, c’est que l’étude montre aussi que les spectateurs cliquent plus volontiers sur des vidéos qui annoncent une grande diversité de sujets. À terme, la conclusion demeure cependant identique : même si le public croit préférer les contenus riches et denses, il finit presque toujours par valider ceux qui sont plus simples, plus ciblés, plus digestes. 

Bien sûr, certains spectateurs échappent à cette tendance — notamment ceux qui regardent ces vidéos dans un objectif éducatif ou cognitif, plutôt que pour se divertir. Mais, en définitive, cette étude rappelle surtout une chose : « plus » ne veut pas dire « mieux », surtout si le public n’est pas prêt à s’engager pleinement dans ce qu’on lui propose.

Leçons clés à retenir

  • Polyvalence rime souvent avec superficialité : mieux vaut se concentrer sur quelques idées fortes et les explorer en profondeur, plutôt que de survoler un grand nombre de sujets.

  • Il est capital de connaître son public : si les spectateurs viennent pour apprendre, on peut se permettre plus de complexité. Sinon, il vaut mieux aller droit au but.

  • Choisir le bon format : si votre message nécessite d’aborder plusieurs thématiques, l’écrit est souvent plus adapté que la vidéo — il permet au spectateur de mieux digérer l’information.

  • Se connaître soi-même : en tant que spectateur, demandez-vous ce que vous attendez d’un contenu. Vous instruire ? Ou juste vous détendre ? Cette clarté vous aidera à faire les bons choix.

Dans l’ensemble, cette étude livre des enseignements précieux — autant pour les créateurs de contenu que pour ceux qui cherchent à mieux savourer les contenus qu'ils consomment.

Cette recherche a été soutenue par une subvention CERESSEC et une subvention Ivey Research Policy.

Référence

Salganik, M. J., Dodds, P. S., & Watts, D. J. (2006). Experimental study of inequality and unpredictability in an artificial cultural market. Science (New York, N.Y.)311(5762), 854–856. https://doi.org/10.1126/science.1121066 

Sepehri, A., Duclos, R. et Haghighi, N. (2025). Ideas Worth Spreading? When, How, and for Whom Information Load Hurts Online Talks’ Popularity. Journal of Personality and Social Psychology, 128(2), pp. 281-299.

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