Il était une fois une époque où les entrepreneurs devaient suivre un parcours prédéterminé s’ils voulaient réaliser leur projet. Première étape : frapper à toutes les portes à la recherche d’investisseurs et essuyer un grand nombre de refus. Deuxième étape : dépenser une bonne partie du capital d’amorçage pour réaliser des prototypes et les premières séries de production. La dernière étape consistait à aller voir les clients. Et comme les produits étaient mis sur le marché sans que l’on sache exactement comment les clients allaient réagir, la plupart des fonds devaient être utilisés pour le marketing destiné à sensibiliser le public.
Le financement participatif est une révolution industrielle au sens où il met sens dessus-dessous ce modèle d’investissement. Des sites comme Kickstarter (américain), Seedrs (britannique) et KissKissBankBank (français) permettent aux entrepreneurs de s’adresser directement à leurs clients potentiels dès les premières phases de développement –et de faire d’une pierre de deux coups en récoltant des fonds tout en recevant l’approbation du marché.
C’est la plus belle nouvelle pour les rêveurs : la collecte de fonds pour monter une start-up n’a jamais été aussi facile. Néanmoins, le modèle de financement participatif est toujours confronté à des obstacles de taille :
Attention lors de la collecte de fonds
Le changement le plus important pour les start-up qui passent du modèle de collecte de fonds via un capital-risque au modèle de financement participatif consiste en ce que la logistique et la production apparaissent en aval.
Comment un bien de consommation peut-il être produit à grande échelle ? Quelle procédure existe- t-il pour les produits défectueux ? Quels recours aura l’entreprise s’il y a des problèmes liées à la santé ou à la sécurité ? Ce sont les questions classiques que les investisseurs en capital-risque posent avant d’investir. Or, avec le modèle de financement participatif, le risque apparait après-coup, après une phase relativement facile de levée de fond et de mise développement produit. Des solutions à ces problèmes sont néanmoins en cours d’émergence, par exemple, de nombreuses entreprises comme Shipwire proposent maintenant des solutions logistiques modulables aux entreprises qui recourent au financement participatif.
Toutefois, de nombreux porteurs de projets financés de manière participative se rendent rapidement compte que la collecte de fonds et l’approbation du marché sont une chose, mais que répondre aux besoins de centaines voire de milliers d’investisseurs en est une autre. Cela explique pourquoi 75 % des produits actuellement financés sur Kickstarter sont expédiés avec du retard, à la grande frustration de nombreux investisseurs. Face à ce problème, Kickstarter est allé jusqu’à afficher un nouveau slogan : « Nous ne sommes pas un magasin » (« We’re not a store »). Dans les faits, cette précision souligne l’image plutôt floue que nous avons de l’« investisseur participatif ».
D’ailleurs, qui sont les investisseurs ?
L’annonce « Nous ne sommes pas un magasin » a été conçu en ayant en vue un type d’investisseur particulier : le consommateur qui commande purement et simplement un produit qu’il n’a pas encore trouvé sur le marché. Avec Kickstarter, cette relation est directe, car la contribution au projet implique pour contrepartie l’obtention in fine d’un exemplaire du produit et l’assurance d’être parmi les premier à le posséder.
En revanche, d’autres investisseurs investissent dans une idée car elle les passionne vraiment et ils croient à son succès potentiel à un niveau plus émotionnel. Ils montrent leur attachement affectif en donnant plus que ce que la future étiquette indiquera, et parfois les sommes peuvent être importantes. Leurs contributions sont un signe d’affection et de confiance.
Mais entre ces deux extrêmes –ceux qui passent une simple commande et ceux qui soutiennent de manière altruiste--se trouve toute une palette de nuances.
En fin de compte, le financement participatif peut consister plus à créer une communauté qu’à simplement identifier de futurs consommateurs. Les pratiques du financement participatif, bien qu’elles soient plus adaptées pour la phase de lancement, peuvent même aider les entreprises établies à construire ce type de communauté et à toucher un public plus large.
Qu’attendent-ils de leur investissement ?
Quand un investisseur de capital-risque investit dans une start-up, son objectif est clair : il veut être partie prenante dans l’entreprise et pouvoir donner son avis sur la direction qu’elle emprunte. Il cherche à faire croître une affaire, à avoir un retour sur investissement.
Cette relation est moins claire avec le financement participatif, où le retour sur investissement n’est pas toujours facile à définir. Par exemple, quand Oculus VR a été acheté par Facebook pour 2 milliards de dollars, nombre de contributeur au projet sur Kickstarter se sont sentis trahis. Des plateformes comme Crowdcube proposent des contrats réciproques entre l’entrepreneur et les investisseurs. Cependant, les relations avec les investisseurs sont compliquées en temps normal, alors quand il y en a des centaines…
Le financement participatif est une bonne méthode pour obtenir des liquidités sans pour autant se diluer en fonds propres –en d’autres termes, vous n’avez plus besoin de faire une place à ces investisseurs dans votre entreprise, vous pouvez simplement leur demander de commander le produit à l’avance afin d’assurer la viabilité de l’entreprise. En un sens, la récompense d’avoir pris des risques avec ses fonds propres s’est transformée en une récompense pour les consommateurs enthousiastes d’être les premiers soutiens et utilisateurs de produits « incroyablement bons » (insanely great), comme disait Steve Jobs pour décrire les premiers produits d’Apple.
Dans l’ancienne économie, les produits « qu’on espère bons » étaient poussés vers le consommateurs, avec force budget marketing nécessitant de grosse levées de fonds auprès de fonds de capital risque. Grâce à la combinaison du meilleur de l’entrepreneuriat frugal (« lean », utilisant des outils de prototypage rapide comme l’impression 3D par exemple) et des outils du web 2.0, le financement participatif nous conduit vers une économie de la participation où les bonnes idées se distinguent beaucoup plus tôt des moins bonnes et où la relation entre les clients et les entrepreneurs est devenue directe.
Posez-vous ces questions pour savoir si le financement participatif est adapté à votre projet:
- Êtes-vous dans la phase de lancement ? Même si le financement participatif peut être une bonne méthode pour développer une communauté dans des entreprises mature, il est plus efficace lors du lancement d’une start-up.
- Est-ce que le public va se prendre d’affection pour vos idées ? Vous chercherez le soutien d’une sorte de famille élargie, si bien que vos soutiens devront se prendre d’affection pour votre projet. De nombreuses entreprises qui cherchent un financement participatif investissent d’abord dans une vidéo ou des réseaux sociaux pour présenter leur projet et enflammer les participants potentiels.
- Est-ce que votre projet commercial se prête aux principes de l’entrepreneurial frugal (« lean »)? Vous devriez être capable de produire par exemple un premier prototype avec une imprimante 3D et des tous petits lots avec un coût initial minime.