Les énergies fossiles n’étant pas renouvelables, le paradigme actuel des constructeurs automobiles n’est par conséquent pas infini, si bien que les industriels et les universitaires sont d’accord : la démocratisation du paradigme de l’électro-mobilité n’est plus qu’une question de temps. Néanmoins, cette montée fait face à des obstacles majeurs.
La Chaire Armand Peugeot de l’ESSEC, qui a pour objectif de traiter et analyser les questions majeures concernant l’électro-mobilité, a récemment organisé sa première conférence internationale en rassemblant un groupe unique d’experts, dont :
- Carole Donada, professeur de management, directrice de la Chaire Armand Peugeot de l’ESSEC
- Igor Demay, Vice-président de PSA Peugeot Citroën
- John Paul MacDuffie, professeur associé et directeur du Program on Vehicle and Mobility Innovation, Wharton School
- Giuseppe Giulio Calabrese, chercheur au Ceris-CNR
- Willett Kempton, professeur de politiques publiques et d’administration à l’Université du Delaware
Voici leur opinion sur les défis qui se présentent aux automobilistes et aux constructeurs :
Les véhicules électriques ressemblent à des voitures à essence, mais les automobilistes (et les constructeurs) doivent les appréhender d’une toute autre manière.
Le premier obstacle majeur est d’ordre psychologique. « Les automobilistes sont habitués à l’essence. Ils ont l’habitude de remplir rapidement le réservoir, sur le trajet, et d’avoir ainsi une large portée de déplacement. Les voitures électriques sont différentes sur ces trois aspects, explique Willett Kempton. Les automobilistes devront s’y habituer : même si elles ressemblent aux voitures à essence, les voitures électriques fonctionnent autrement. »
Posséder une voiture électrique comporte sans aucun doute de nombreux avantages, dont les plus importants sont la possibilité de recharger sa voiture chez soi et la réduction significative des coûts à long terme pour le propriétaire. En revanche, l’investissement dans une voiture électrique peut paraître bien plus coûteux au premier abord si vous ne l’appréhendez pas correctement, en ne tenant pas compte des économies de carburant à long terme.
En outre, les jeunes générations, en particulier, sont nettement moins attachés émotionnellement aux voitures. Il se pourrait même qu’ils soient plus attachés à leur téléphone. Qu’est-ce que le paradigme de l’électro-mobilité va pouvoir changer, si tant est qu’il puisse changer quelque chose ?
Sur ce point, les constructeurs automobiles rencontrent les mêmes obstacles psychologiques. En effet, comme l’explique Carole Donada, le passage d’une industrie purement automobile à une industrie de l’électro-mobilité demandera aux constructeurs de penser différemment leurs produits et leurs services, et par conséquent de s’adapter pour trouver des revenus. Le paradigme de l’électro-mobilité va entièrement bouleverser le modèle économique de l’industrie, car les constructeurs automobiles non seulement cherchent à vendre un produit, mais aussi à s’aventurer dans un nouveau territoire peut-être inexploré.
Les infrastructures doivent rester en phase avec la technologie
Selon John Paul MacDuffie, le plus grand obstacle à surmonter est liéaux infrastructures. En même temps que la technologie électrique se développe, ces voitures électriques devront être rechargées, à la fois chez les automobilistes et sur la route. Comment l’industrie va-t-elle répondre à ces besoins ? Les acteurs majeurs n’ont pas encore la réponse à l’heure actuelle.
« Nous sommes en quelque sorte confrontés au scénario de l’œuf et de la poule. Les avancées dans divers domaines doivent être nécessairement simultanées pour créer un point de bascule. »
Une grande partie des activités de la Chaire Armand Peugeot de l’ESSEC est consacré au défi du branchement de la voiture au réseau : où branchera-t-on les voitures, comment le réseau électrique sera-t-il organisé et cela poussera-t-il les gens à acheter une voiture électrique ?
Ce sera un nouvel obstacle à la fois pour les constructeurs et les propriétaires de voitures électriques : sur quels mécanismes la relation entre les deux acteurs se basera-t-elle ?
La popularité des voitures hybrides sera un obstacle pour le développement à court terme des voitures électriques
La technologie hybride peut apparaître comme un pas infime entre le paradigme des énergies fossiles et celui de la mobilité électrique. Néanmoins, en raison de la montée de la popularité des voitures hybrides, les propriétaires de voitures à essence se sentiront moins incités à passer directement aux voitures électriques. Cela peut même ralentir sur le court terme la montée du paradigme de l’électro-mobilité.
Sur le long terme, tous ces changements font partie d’un mouvement de fond qui éloignera de plus en plus les automobilistes et les constructeurs du paradigme des énergies fossiles, auxquels ils étaient au départ habitués.