Aujourd’hui, la réalité de l’Union européenne est totalement différente de celle de ses débuts il y a une vingtaine d’années. La concurrence internationale, complexifiée par l’apparition de nouveaux États en tant qu’acteurs économiques majeurs, est devenue aujourd’hui une lutte pour contrôler les ressources mondiales limitées, au niveau naturel et financier. Est-il alors temps de réévaluer la dimension traditionnelle de l’Union Européenne et de son marché commun ?
Le principe fondateur de l’Union européenne était de réduire les empêchements légaux aux investissements étrangers au nom de la libéralisation. Au contraire, les investissements étrangers, comme les marchés publics internationaux et les outils commerciaux défensifs de l’Europe comme la lutte contre le dumping, est un des facteurs qui mettent la question du patriotisme économique au premier plan.
Le marché commun : une notion en pleine évolution
De par ses engagements historiques pour la libéralisation, l’Union européenne est devenue la plus grande source et la plus grande destination au monde pour les investissements directs étrangers. Mais, tandis que les multinationales continuent à chercher du soutien de la part des gouvernements nationaux, il est désormais clair que la localisation géographique de la prise de décision en entreprises entraîne des conséquences importantes pour la souveraineté et la sécurité nationales.
Par conséquent, la Commission européenne a déjà fait preuve, à plusieurs occasions, d’un désir de dépasser la conception néolibérale traditionnelle du marché commun pour s’adonner, dans une certaine mesure, au patriotisme économique. Le changement d’attitude s’est surtout produit sur les questions de sécurité énergétique.
Outre sa « clause Gazprom » en 2007, la Commission européenne a aussi autorisé les « actions privilégiées » de la France sur GDF Suez. Et depuis 2007 une série de documents produits par la Commission sur les politiques industrielles a de nouveau renforcé l’idée qu’il existe des secteurs « stratégiques » en Europe.
Depuis que la crise financière a éclaté en 2009, la Commission européenne a consacré beaucoup d’efforts à la compétitivité européenne et a identifié plusieurs priorités stratégiques. La stratégie Europe 2020, qui remplace la stratégie de Lisbonne, déjà bien ambitieuse, a reçu les louanges de José Manuel Barroso qui l’a décrite comme « un projet pour le monde de l’après-crise ». Cette stratégie demande de libérer les meilleures cartes pour les marchés étrangers tout en s’adressant de manière agressive à la compétitivité européenne au travers de cinq domaines clés : l’emploi, la recherche et le développement, la durabilité énergétique, l’éducation, la pauvreté et l’exclusion sociale.
Les outils pour que l’Europe soit agressive sur le plan économique
Aujourd’hui, l’Europe est confrontée à un double dilemme : les investissements internationaux étant nécessaires pour la croissance économique, l’Europe doit chercher à attirer les capitaux tout en évitant de perdre le contrôle des entreprises stratégiques ou « vitales ».
Pour ce faire, l’Europe s’est dotée d’outils, parmi lesquels se trouvent, en premier lieu, des restrictions juridiques et des lacunes qui entourent les investissements directs étrangers, qui entrent en jeu quand un investisseur étranger menace de racheter une entreprise considérée comme un champion national. Des exemples d’actions juridiques de ce type existent en France, en Allemagne, Espagne, Italie, pour divers cas.
Peut-on imaginer une approche cohérente en Europe, au nom d’un intérêt stratégique de l’Europe ? Un système commun pour contrôler les investissements directs étrangers ? Une action privilégiée au niveau européen ? Peter Mandelson une fois a plaidé en faveur d’une proposition de l’Union européenne pour la création d’une « action privilégiée » qui garantirait la supervision européenne des « secteurs économiques vitaux » au nom de l’intérêt de l’Europe. Il se pourrait que nous voyions la fin des logiques nationales au sein de l’Europe.