L’idée selon laquelle les entreprises devraient être responsables de plus que de leurs actionnaires n’est pas nouvelle. En revanche, cette notion de responsabilité est de plus en plus rentrée dans l’usage courant, surtout depuis 2009, et il est devenu quasi obligatoire pour une entreprise à la mode de faire étalage de ses engagement sociaux et environnementaux. Mais comment ses promesses et bonnes intentions se traduisent-elles en actes ?
« De nombreuses entreprises parlent de RSE, mais rares sont les actions collectives fortes à l’échelle générale, déclare Stefan Gröschl, professeur de management et co-directeur de la chaire Leadership et diversité. Faire des affaires, ce n’est pas appliquer à tout et à tous le même schéma, car la crise morale et financière et l’absence de leadership qui en découle ont changé les règles du jeu. »
Son nouvel ouvrage, Uncertainty, Diversity and the Common Good s’attaque aux questions fondamentales : comment pouvons-nous changer les normes et entrer dans un nouveau modèle ?
ESSEC Knowledge : Qu’est-ce qui empêche les entreprises d’être plus responsables ?
Stefan Gröschl : Je pense que la terminologie est le premier obstacle. Les notions telles que la responsabilité sont connues pour être difficiles à définir en raison de leur grande complexité. Qui a besoin de se sentir responsable et envers qui ? Au nom de quoi ? Jusqu’à quel point cette responsabilité descend-elle le long des échelons ? Quelles actions la responsabilité implique-t-elle ?
Je pense que cela donne toute son importance à ce livre, qui adopte une approche selon plusieurs facettes face à un problème complexe et variable. Les contributeurs sont des experts en stratégie, des philosophes et des économistes, mais aussi des experts en politique publique, écologie et éthique des affaires, tous venant du monde entier. Les ingénieurs et les économistes font leurs analyses et leurs graphiques. Mais les psychologues, les sociologues et les philosophes apportent leur compréhension des valeurs et des mentalités, ce qui est également très important. C’est seulement l’adoption d’un point de vue englobant qui peut réellement entraîner un changement.
ESSEC Knowledge : Qui conduit ce changement ?
Le changement concret est encouragé au niveau individuel. Tandis que de nombreux dirigeants d’entreprise délèguent la responsabilité à leur service de RSE ou la considèrent comme une image publicitaire pour leurs services de marketing et de relations publiques, des dirigeants comme Paul Polman (PDG d’Unilever) font preuve d’un engagement très personnel, estimant que nous devons faire attention à ce que nous laissons aux générations futures.
Autonomiser les individus, stimuler la diversité, encourager la pensée hors des sentiers battus, mais aussi être authentique et transparent, tout en ayant une approche des choses et des personnes qui soit holiste, systémique et sur le long terme, tout cela n’est pas un luxe superflu mais bien au contraire la base pour devenir un dirigeant et preneur de décisions plus responsable, dans l’optique d’un avenir durable. Cet ouvrage contribue à la discussion en apportant un panel de pensées, concepts, méthodes, vues, idées et inspirations.
En fin de compte, des individus responsables et des dirigeants responsables permettent d’instaurer un effet domino nécessaire : quand une entreprise adopte des pratiques plus soutenables et responsables, les autres peuvent ressentir une pression publique et se sentir en concurrence, et donc lui emboîter le pas. Mais avant que nous n’entrions dans un nouveau modèle de leadership responsable, de nombreuses entreprises continueront à contourner ces mesures et nous ne pourront pas entrer de plain-pied dans les vraies questions. En d’autres termes, la liberté individuelle sur le court terme ne conduit qu’à la ruine collective sur le long terme.
ESSEC Knowledge : Comment construire ce nouveau modèle ?
La crise financière et politique a eu pour conséquence une disparition du leadership que nous devrons combler. Uncertainty, Diversity and the Common Good présente et discute ce à quoi ce nouveau modèle devrait ressembler, à l’aide de modèles et d’études de cas, et peut être utilisé par les dirigeants comme un outil pour adopter un style de direction plus responsable. Bien faire doit être un moyen, pas une fin en elle-même.
Les écoles de commerce ont alors un rôle important à jouer : je pense nous avons la responsabilité de présenter à nos étudiants le plus d’approches possibles et d’acclimater cette approche systémique au management. Dans la dernière partie de l’ouvrage, deux contributeurs traitent du devoir des éducateurs d’éduquer et d’instruire les futurs managers et leaders dans une mentalité plus responsable.