L’éducation : une arme contre la corruption

L’éducation : une arme contre la corruption

Chaque année, Transparency International mesure les niveaux perçus de corruption du secteur public à travers le globe à partir d'enquêtes indépendantes et d’avis d'experts issus du monde entier. Leur dernier Corruption Percentage Index a été publié le mois dernière, et met au jour un constat inquiétant: aujourd'hui, plus de deux tiers des pays du monde obtiennent moins de 50 sur une échelle allant de 0 (plus haut niveau de corruption) à 100 (plus bas niveau de corruption). La situation semble encore plus alarmante quand on prend en considération toutes les conséquences indirectes de la corruption: la richesse et la puissance pour une minorité de personnes, la pauvreté pour le reste.

Mais l'une des corrélations les plus intéressantes est le lien, ou l’absence de lien, entre la corruption et l'éducation. En effet, un niveau élevé de corruption entrave  non seulement la croissance économique (en décourageant les investissements et l'esprit d'entreprise et la promotion de l'inégalité des revenus) mais il a également un impact direct sur la manière de gouverner, ce qui aggrave les manques éducatifs dans le segment le plus pauvre de la population.

Les économies les plus pauvres tendent à avoir des systèmes d'imposition inefficaces, de sorte qu'elles n’ont tout simplement pas les moyens pour financer les infrastructures d’éducation publique et donc peinent à assurer ce ne serait qu’une éducation élémentaire. Dans les pays les plus corrompus, le secteur public (qui devrait régir l'éducation et assurer le bien-être de la société) est la cause première d'un cercle vicieux de pauvreté et d’ignorance.

L’éducation comme solution à la corruption

Alors que l'on pourrait faire valoir que le secteur privé a une obligation morale de prendre les devants dans la lutte contre cette corruption, les entreprises sont souvent prisonnières des structures et des pratiques corruptrices du secteur public. Ce sont des forces puissantes qui font perdurer le statu quo. Pourtant, l'éducation pourrait être la meilleure arme pour mener la contre-attaque.

Prenons l'exemple du Cambodge, un pays qui se classe 136e sur 187 dans l'indice d’éducation du PNUD, et 156e sur 175 dans l’indice de la corruption perçue. Ici, l'ONG française Pour un Sourire d'enfant (PSE) a utilisé l'éducation comme un moyen de sortir de cette spirale de corruption et de pauvreté. En 1995, PSE a été créé par un couple de Français à Phnom Penh pour fournir les vivres, le logement, les soins médicaux et des bases d’enseignement  et de formation professionnelle aux enfants démunis, maltraités et sans instruction à Phnom Penh, Sihanoukville et Siem Reap. Aujourd'hui, PSE aide plus de 6500 enfants, en en soutenant environ 3.000 dans des écoles publiques, 1500 dans des programmes de rattrapage scolaire, et 1500 dans des programmes de formation professionnelle. Environ 500 enfants bénéficient de ces programmes éducatifs spécifiques: les classes pour les enfants handicapés, les garderies et le bien-être de l'enfant.

Encouragé par le succès de ses programmes de formation professionnelle, PSE a créé l'École de commerce PSE (BS) en 2000. Ayant commencé comme une Ecole orientée vers la comptabilité et l’administration, elle a depuis évolué vers une école de commerce à part entière en couvrant l'ensemble des disciplines fondamentales du commerce et de la gestion. L’employabilité, les perspectives de carrière et les salaires des diplômés de BS respectent parfaitement les normes cambodgiennes. La forte demande des entreprises locales et internationales pour les diplômés de l'enseignement supérieur de BS a poussé PSE à augmenter la taille de son Ecole  avec la scolarisation de près de 400 élèves pour l'année scolaire 2014-2015.

Après avoir visité et enseigné deux fois à PSE (un partenaire de l'ESSEC Business School), je peux témoigner de l'engagement de nombreux de ses professeurs. Ils deviennent les vecteurs d'un véritable changement dans le pays, en aidant leur communauté et en donnant aux enfants issus de milieux socio-économiques pauvres une chance de créer une vie meilleure pour eux et leur famille. Pour la plupart des professeurs de l'école de commerce de PSE, l'enseignement et leurs responsabilités vis-à-vis des étudiants dépassent la salle de classe. Cela signifie pour eux de longues heures passées à l'école et sur le campus pour relativement peu d'argent. Beaucoup d’entre eux ont quitté des emplois bien rémunérés, et d'autres ont refusé des offres d’emplois bien payés dans le secteur privé.

Après la tentative des Khmers rouges d’éradiquer les intellectuels, les universitaires et les autres citoyens instruits dans les années 1970, les professionnels du marketing, de la finance, de la comptabilité, de la gestion, et de l’IT sont encore peu nombreux au Cambodge. Par conséquent, les professeurs d'EPS font l’objet d’une forte demande. Le Cambodge est rapidement devenu un excellent exemple de la capacité de l'éducation à changer les fondements d'une société, à faire sortir les gens de la pauvreté et à créer une classe ouvrière forte et capable de riposter contre la corruption.

En fin de compte, l'éducation offre un moyen de sortir de la pauvreté en remettant en cause les structures et les systèmes corrompus du secteur public. Alors que les organisations transnationales et le secteur privé ont encore du mal à lutter contre la corruption avec succès, les écoles de commerce (et d'autres institutions) peuvent jouer un rôle beaucoup plus important dans la lutte contre la corruption en commençant à mettre davantage l'accent sur l'enseignement de sujets comme l'éthique des affaires ou en soutenant activement les ONG du secteur éducatif des pays en développement ayant des taux élevés de corruption.

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