La gestion de la diversité devient une préoccupation de plus en plus importante pour les entraîneurs et les managers des équipes professionnelles de football. Il est évident que de nombreuses équipes de la Ligue 1 en Europe se composent de joueurs de multiples origines ethniques et linguistiques. Même dans les équipes nationales, le sentiment d'appartenance nationale n'est pas toujours aussi clair qu'on pourrait le penser. Et au-delà de l'ethnicité, n'oublions pas les différences d'origine socio-économique, d'éducation, d'âge, d'expérience et de religion.
Mener une équipe professionnelle de football à la victoire, c'est aussi gérer efficacement la diversité au sein du groupe.
Prenons l'exemple du club de football anglais Chelsea FC qui a remporté la saison 2011/12 de la Ligue des Champions : le club se compose de 19 étrangers pour six joueurs anglais, tandis que le personnel d'entraînement compte 17 membres dont huit sont anglais. On peut remarquer une composition similaire au Paris Saint-Germain, où la première équipe de France compte 14 joueurs étrangers et 11 Français.
Des défis évidents surgissent alors, tels que les barrières linguistiques lorsqu'il s'agit de communiquer avec les joueurs sur le terrain et dans le vestiaire, ainsi que des plus subtiles, tels que la reconnaissance de l'individualité qui permet à l'entraineur de créer ces moments de surprise et de créativité dans un match, tout en créant un esprit d'équipe et un fort sentiment collectif. Bien sûr, il y a aussi des questions de nature discriminatoire comme la l'intolérance envers les homosexuels, et les injures raciales et religieuses par les fans et les joueurs des autres équipes.
En particulier, nous parlons beaucoup aujourd'hui des tensions raciales - par exemple, lorsque l'équipe de l'AC Milan a quitté collectivement la pelouse en signe de solidarité avec son équipier Boateng qui a été insulté par les partisans de l'autre équipe. Beaucoup de fédérations nationales de football ont réagi à ce phénomène. La Première Ligue anglaise a pris la décision de lancer ce mois-ci une formation qui vise à informer les joueurs sur comment reconnaître et prévenir les abus.
La prise de conscience et la sensibilisation des membres d'une équipe et du public est une première étape dans la lutte contre les comportements et les actions discriminatoires. Je pense que ce dialogue sur le racisme est un très bon signe, en particulier après l'affaire John Terry au Royaume-Uni. Toutefois, d'autres aspects discriminatoires comme l'homophobie sont un défi tout aussi important dans le football professionnel masculin. Il est encore très rare pour les joueurs professionnels de se déclarer ouvertement gay.
La création d'une équipe gagnante signifie non seulement la mobilisation et la création de synergies entre différents joueurs, mais aussi la prévention des discriminations qui peuvent être suscitées par ces différences. Les chefs d'équipe doivent créer de solides liens de confiance entre leurs joueurs. Sans liens forts, les joueurs ne seront pas en capacité de suivre leurs entraîneurs. Et sans leurs joueurs les entraîneurs ne peuvent pas gagner des matchs.
Raymond Domenech et la question du leadership
Raymond Domenech et le fiasco de Knysna est un bon exemple illustrant un tel manque de confiance mutuelle entre le coach et les joueurs. Dans ma dernière étude de cas sur le leadership et la diversité (Le Fiasco De Knysna ou une question d'échec du leadership?), je fais l'analyse de la grève des Bleus et les événements qui ont conduit au refus collectif de s'entraîner deux jours avant un match décisif lors de la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud.
Le fiasco de Knysna nous offre un exemple où plusieurs obstacles de leadership se sont réunis et où les réponses de la direction du manager ? à plusieurs niveaux n'ont pas eu l'effet escompté. L'affaire met en évidence l'échec des managers, du capitaine, de la fédération et même des dirigeants informels au sein de l'équipe. Ce fut un échec très médiatisé, mais cela aurait-il pu être fait différemment?
Alors que vous pourriez penser que la gestion de la diversité au sein d'une équipe nationale peut être simple et directe - après tout, ils jouent tous pour leur pays - les tensions provoquées par la diversité peut encore être un sérieux défi. En effet, les différences culturelles dans les équipes nationales peuvent être un problème, surtout en France. Les minorités visibles en France, généralement originaires du Maghreb et d'autres parties de l'Afrique, sont souvent issues de milieux socio-économiques défavorisés et beaucoup d'entre eux ont été victimes de discrimination. Pour moi, personnellement, il ne serait pas si facile de se sentir des affinités, et de jouer pour un pays dans lequel j'ai eu de telles expériences par le passé.
Mais Raymond Domenech a été confronté à plus que des joueurs de diverses origines ethniques et socio-économiques. Il menait une équipe de joueurs avec différents niveaux d'expérience professionnelle, de maturité, d'âge, et d'attentes. La grève de l'équipe de France le 20 Juin 2010 a été en grande partie basée sur le fait que Raymond Domenech n'arrivait pas à gérer avec succès la diversité au sein de son équipe, et à renforcer la confiance entre lui et les joueurs et entre les joueurs. La recherche désespérée du traître qui a informé les médias au sujet de l'incident avec Anelka le 17 juin illustre bien l'atmosphère de méfiance qui existait au sein de l'équipe à l'époque.
Mais mon étude de cas sur Knysna n'est pas seulement utile pour le football professionnel. L'affaire et ses leçons peuvent être appliquées à tous les types d'organisations, et permettent de montrer aux dirigeants et décideurs l'importance de la gestion de la diversité de l'effectif lorsque l'on veut créer une équipe efficace.
Pour approfondir :
Uncertainty, Diversity and the Common Good: Changing Norms and New Leadership Paradigms
Diversity Quotas, diverse Perspectives: The Case of Gender
Diversity in the Workplace