La diversité des genres : Faire que ça marche

La diversité des genres : Faire que ça marche

A quelques jours de la journée mondiale de la femme, Stefan Gröschl, Professeur de Management et Cofondateur de la Chaire Leadership et Diversité de l'ESSEC Business School, apporte un regard critique sur le débat actuel concernant la diversité des genres et fournit des suggestions pour rendre la diversité et l'inclusion sociale plus efficaces sur le lieu de travail.

Le débat sur le genre commence trop tard dans la vie

J'ai récemment dû acheter un cadeau d'anniversaire pour la fille de sept ans d'un ami. Je suis allé en ligne pour voir ce qui pourrait l’intéresser. La première image est l'une des premières images que j'ai trouvé lors de ma recherche avec les mots-clés « jouets pour filles ». Par pure curiosité, j'ai aussi cherché des « jouets pour garçons » et j'ai trouvé la deuxième photo. 

Les deux images illustrent comment le développement de nos constructions sociales et la catégorisation des hommes et des femmes et leur rôle dans la société semblent être influencés à un stade très précoce de la vie. Pourtant, une grande partie du débat sur la diversité des genres s'est concentrée sur les aspects éducatifs et en particulier sur les lieux de travail - étapes de la vie où les stéréotypes et les catégorisations sont bien développés et très difficiles à inverser ou à éradiquer. Le débat sur le genre commence à une période trop tardive, et c'est peut-être pour cette raison qu’il continue d'être confronté à de grands défis et à de nouveaux obstacles lorsqu'il introduit et développe la diversité et l'inclusion sociale sur le lieu de travail. 

En dépit de nombreux quotas et objectifs permettant aux femmes dirigeantes de se hisser au sommet des entreprises, du nombre d'histoires relatant la réussite de femmes et de pays qui ont atteint l'égalité entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration, les chiffres mondiaux montrent que le nombre de femmes occupant des postes de décision reste faible. L'exemple le plus frappant et le plus récent a été les choix de Donald Trump pour son cabinet et les positions de la Maison Blanche qui incluent cinq femmes pour 21 hommes. En Europe, la plus récente étude de la CE sur les 613 plus grandes sociétés cotées en bourse dans les états membres montre que 5% des cadres féminins occupent des postes de PDG et que 15% des femmes occupent d'autres postes de direction. Au niveau non exécutif, la représentation féminine était de 25%. 

Concentrez-vous sur ce qui compte vraiment

Les femmes continuent d'être sous-représentées aux postes de direction pas seulement du fait de la lutte contre les stéréotypes bien établis et des catégorisations développées dès l'enfance, mais aussi du fait de la réduction et de la généralisation du débat sur le genre et l'élaboration des politiques à ce sujet. Les différents types de conseils d'administration (conseils de surveillance, conseils de direction et conseils unifiés), les différences entre les conseils publics et privés, les différences entre les conseils qui existent dans différents contextes juridiques et les conseils d'influence limités peuvent rendre le débat général sur le genre quelque peu complexe et futile.

Une autre raison clé de la lutte pour l'égalité des sexes et pour l'inclusion sociale est que le débat sur le genre est souvent et en grande partie un débat parmi les femmes sur les femmes et pour les femmes. Cela s'est traduit par des initiatives de diversité en entreprises qui sont souvent menées par des groupes d'intérêts qui défendent  leurs membres, qu'il s'agisse de femmes, de personnes en situation de handicap ou de personnes ayant des orientations sexuelles différentes. Les groupes d'intérêt qui incluent les hommes non handicapés, les hommes blancs et les hommes d'âge moyen sont rares. Les dernières recherches ont montré qu'avec de telles structures de diversité en place, les entreprises créent des silos dans leurs organisations qui sont de nature excluant, d’intérêts concurrents et déconnectés les uns des autres.

Les initiatives et structures de diversité organisationnelle qui entravent le dialogue intra-organisationnel entre les sexes ont été influencées par des mouvements et des dynamiques extérieurs au contexte organisationnel. Par exemple, la demande des militantes féministes en Allemagne d'utiliser un suffixe tel que -x (Professx, Doctorx, etc.) créerait plus d'obstacles artificiels qu’elle n’aiderait à développer et à ouvrir un dialogue constructif entre les genres. La décision, dans la capitale allemande, de ne plus nommer de nouvelles rues avec des noms masculins jusqu'à ce que la moitié de toutes les rues portent un nom féminin, détournent les barrières et défis plus fondamentaux et imminents qui empêchent ou ralentissent les progrès dans l'égalité des genres et l'inclusion sociale.

Repenser la diversité des genres et l'inclusion sociale

Il ne fait aucun doute que nous avons besoin d'une plus grande diversité sous toutes ses formes au sein de nos institutions et organisations, ainsi que des dirigeants et décideurs différents qui répondent à nos défis socioéconomiques et environnementaux complexes d'une manière plus responsable et durable que beaucoup de nos anciens dirigeants. Mais par où commencer ? Edgar Morin considère qu’on ne peut pas réformer les institutions sans avoir réformé l'esprit individuel, et qu’on ne pourra pas réformer l'esprit individuel sans avoir réformé les institutions ?

Voici quelques propositions pour créer des initiatives qui appuient et encouragent une plus grande diversité des genres et une inclusion sociale sur le lieu de travail :

  • À l'instar de nombreux autres programmes et activités à l'échelle de l'entreprise, les initiatives de diversité et d'inclusion sociale en matière de genre bénéficient d'une solide participation au leadership et d'une stratégie de diversité bien intégrée dans la stratégie d'ensemble. Déplacez l'accent de la discussion de genre de la salle de réunion à tous les niveaux de management. Dans le même temps, n'hésitez pas à participer à des activités informelles à petite échelle qui peuvent encourager un effet boule de neige.
  • Lorsque vous initiez des programmes de diversité de genre, gardez à l'esprit qu'il pourrait y avoir un risque que ces programmes renforcent les stéréotypes, et qu'en créant des groupes, vous risquez d'aliéner et / ou de créer de l'opposition chez les personnes qui ne sont pas comprises. L'inclusion sociale est impérative dans le processus de développement et de mise en œuvre. La diversité comme source et vision fournit la base, le processus quant à lui assure la responsabilité et la durabilité par l’inclusion.
  • Lorsqu'on considère que la société nous forme et que nous créons la société, nous nous engageons dans la diversité des genres et les initiatives d'inclusion sociale au-delà du lieu de travail. D'autres formes de diversité, telles que les jardins d'enfants adaptés aux personnes en situation de handicap, illustrent comment la diversité et l'inclusion peuvent commencer à un stade précoce de la vie.
  • Des recherches récentes ont montré que les stratégies visant à  faire des contrôles officiels sont souvent limitées et n'atteignent pas leur objectif de promotion de l'égalité des chances. La recommandation serait donc d'éviter de faire de la diversité des genres et de l'inclusion sociale une initiative forcée ou ad hoc. Éloignez-vous de l'étiquetage de vos actions et activités avec la «diversité des genres» - nommez vos initiatives par leurs objectifs.
  • Si vous introduisez des programmes qui provoquent des préjugés sexistes, étendez la portée de votre formation à l'ensemble des individus. Comprendre les autres commence par se comprendre soi-même. Concentrez-vous sur une compréhension humaine qui va au-delà de la compréhension intellectuelle et explicative, et aussi au-delà de la connaissance objective. La compréhension humaine concerne l'empathie, l'identification, la projection. Elle exige l'ouverture, la sympathie et la générosité. Avec ces compétences et aptitudes, un dialogue plus inclusif entre les sexes peut commencer au sein et au-delà des organisations.

 

Publications :

Managing religious diversity in the workplace: Examples from around the world. (with R. Bendl). Farnam (UK)  : Gower Publishing, 2015 
  Uncertainty, Diversity and the Common Good: Changing Norms and New Leadership Paradigms. (UK)  : Gower Publishing, 2013 
  Diversity Quotas, diverse Perspectives: The Case of Gender. (with J. Takagi). Farnham (UK (eds.))  : Gower Publishing, 2012 
  Diversity in the Workplace. Farnham (UK)  : GOWER Publishing Ltd., 2011 
  International Human Resources Management: A Canadian Perspective. (with P. Dowling, M. Festing, A. Engle). Toronto (Canada)  : Nelson Education, 2008 

ESSEC Knowledge: Cutting-edge research – made practical    

Suivez nous sur les réseaux