Charles Cho, professeur à l’ESSEC et auteur de l’article Do Actions Speak Louder than Words? An Empirical Investigation of Corporate Environmental Reputation paru dans la revue académique Accouting, Organizations and Society, répond à nos questions sur la difficulté de repérer une entreprise vraiment écologique.
Comment les entreprises communiquent-elle sur leurs initiatives pour le développement durable ?
Nous appelons « publication de l’information environnementale » le fait que les entreprises communiquent sur leurs initiatives pour le développement durable. Cela peut aller de déclarations sur l’intérêt manifesté par l’entreprise pour l’environnement, à leur politique environnementale, ou des projets de contrôle de la pollution. Cela peut être de simples mentions dans les rapports annuels de l’entreprise ou des rapports de durabilité à part entière entièrement dédiés à ce type d’information.
De plus en plus d’entreprises, et pas seulement celles qui travaillent dans les secteurs liés à l’environnement, publient des informations sur leur impact environnemental potentiel. À présent, même des secteurs qui ne sont pas immédiatement liés pour nous à l’environnement –tels que les banques ou les services financiers- prennent le train en marche. Je ne connais pas de grande entreprise qui de nos jours ne publie pas ses activités liées à l’environnement. Le problème est que la tendance actuelle de publier les informations est souvent réalisée non pas dans un but de transparence mais de marketing. D’où l’usage du terme « éco-blanchiment ».
Qu’est-ce que l’éco-blanchiment ?
L’éco-blanchiment se produit quand une entreprise se présente comme liée au développement durable ou responsable par rapport à l’environnement sans corroborer son discours par des faits. Cette tendance est encouragée par le fait que de nombreux rapports environnementaux ne suivent absolument aucune règle et permettent aux entreprises de présenter l’information de manière inexacte. Pour notre étude, mes co-auteurs et moi sommes tombés sur de nombreuses entreprises qui nous ont présenté des graphiques montrant une forte baisse des émissions de carbone. En regardant de plus près, nous nous sommes aperçus que l’échelle était fausse et que cela faisait croire que la baisse des émissions était supérieure à ce qui avait vraiment lieu.
Même quand ces rapports sont soumis à un audit, nous discutons entre nous pour savoir si l’audit est valide. Alors que ces rapports étaient au départ destinés à favoriser la transparence, ils sont plutôt devenus un outil de ce que l’on appelle la gestion des impressions et ont permis à certains pollueurs de faire de l’éco-blanchiment.
À quoi repère-t-on alors une entreprise véritablement écologique ?
Les entreprises vraiment préoccupées par l’environnement et le développement durable ne sont pas toujours celles qui parlent le plus ou le plus fort de leur engagement envers l’environnement. En fait, c’est l’inverse qui peut être vrai. Les études montrent que les entreprises qui ont de mauvais résultats ont tendance à les étaler en détails : elles attirent l’attention sur des éléments qui ne sont pas nécessairement liés à leur piètre performance, elles parlent de l’environnement comme si elles étaient impliquées, et moins elles agissent bien, plus elles parlent. Les entreprises qui font de l’éco-blanchiment comprennent qu’elles n’ont pas forcément besoin de bien agir pour avoir une bonne réputation ; tout ce qu’il leur faut, c’est de dire de jolies choses.
L’objectif de notre dernière étude « Do Actions Speak Louder than Words? An Empirical Investigation of Corporate Environmental Reputation » est vraiment de rendre les entreprises plus responsables et d’attirer l’attention sur les problèmes inhérents à la publication sur l’environnement. Pour se débarrasser de cette tendance à l’éco-blanchiment il faut reconnaître le problème et attirer l’attention de l’opinion publique envers les entreprises prétendument écologiques. Les gens devraient vraiment regarder de près les indicateurs de performance afin de reconnaître les entreprises vraiment écologiques, et ils devraient faire particulièrement attention quand une entreprise parle de son « engagement » en des termes ronflants. Ils devraient se méfier des entreprises qui utilisent le terme « écologique » comme outil de marketing.
Pouvez-vous nommer une entreprise qui a une vraie image écologique ?
Quand j’enseignais dans un programme de formation continue à l’Université Concordia, j’ai travaillé avec la chaîne canadienne de quincaillerie et de bricolage Rona. Ils m’ont demandé de préparer un programme de formation continue pour leurs directeurs de magasin et les cadres supérieurs sur l’éthique commerciale et le développement durable. Dans mes recherches, je regarde souvent les données et j’analyse l’engagement des entreprises envers le développement durable, mais j’ai vraiment eu l’opportunité de découvrir Rona, car je devais donner cours à ses cadres toute la journée. Cette entreprise me paraît vraiment un bon exemple.
À l’instar de la plupart des entreprises vraiment « écologiques », Rona ne fait pas de rapports ronflants sur leurs initiatives de responsabilité sociétale. Elle veille bien à éviter tout ce qui pourrait être perçu comme de l’éco-blanchiment. Elle ne communique uniquement que sur ce qu’elle fait vraiment, de manière concrète, en s’appuyant sur des faits.
En toute honnêteté, j’étais sceptique sur l’implication environnementale d’une grande entreprise cotée en bourse et à but lucratif. J’ai été agréablement surpris et impressionné par ce que j’ai découvert, à savoir un désir sincère de lutter contre cette tendance à l’éco-blanchiment.
En fin de compte, cet exemple montre que les entreprises véritablement écologiques ne sont pas toujours faciles à repérer.