Dans cette étude, le professeur Charles Cho se penche sur la manière dont la publication de données environnementales –toutes les informations qualitatives ou quantitatives produites par une organisation qui s’occupe de l’environnement- agit comme une loupe, ce qui influence la perception du grand public.
Comment les entreprises acquièrent-elles leur réputation environnementale ? Il est clair que des catastrophes environnementales majeures, telles que le déversement de pétrole en 2010 dans le Golfe du Mexique lors de l’explosion d’une plateforme de British Petroleum, ont un impact très fort sur l’image de l’entreprise. Ce qui est moins clair, en revanche, c’est de quelle manière les performances environnementales d’une entreprise en général ont un impact sur sa réputation et sur la perception du grand public. Dans cette étude, le professeur Charles Cho se penche sur la manière dont la publication de données environnementales –toutes les informations qualitatives ou quantitatives produites par une organisation qui s’occupe de l’environnement- agit comme une loupe, ce qui influence la perception du grand public.
En effet, la réputation environnementale peut être d’une importance capitale pour les performances financières en contribuant à sa « légitimité sociale », souvent perçue comme nécessaire à la survie d’une organisation. Cela pousse en définitive les entreprises à communiquer avec leur public visé et à publier plus largement leurs résultats et leurs engagements envers l’environnement. Et les entreprises ayant les moins bonnes performances environnementales sont soumises à une pression sociale et politique accrue, si bien qu’elles sont encore plus incitées à publier leurs résultats. Résultat : les entreprises les moins écologiques sont celles qui parlent le plus et le plus fort sur leurs engagements envers l’environnement et font de la publication un outil de gestion du risque pour la réputation.
Le classement, premier du genre, du magazine Newsweek des entreprises américaines les plus « écologiques » a montré, à travers les scores de réputation, que ce sont les plus mauvais « élèves » qui communiquent le plus sur leurs actions environnementales ; ce classement a également montré, de manière inattendue, que la réputation et en même temps l’appartenance au Dow Jones Sustainability Indices (DJSI) semblent plus liées au discours des entreprises sur l’environnement qu’à leurs actions en faveur de celui-ci. En d’autres termes, la plupart des compagnies les moins respectueuses de la planète se sont forgé la meilleure réputation environnementale et se sont imposées dans le DJSI. Cela indique que les entreprises réussissent à utiliser la publication de données environnementales pour compenser les effets potentiellement négatifs de leurs piètres performances environnementales sur leur réputation.
L’appartenance au DJSI est accordée par l’entreprise de gestion de fonds, Sustainability Asset Management, basée à Zürich en Suisse, qui fait remplir des questionnaires à l’entreprise et prend aussi en compte les rapports de l’entreprise concernant l’environnement, la santé et la sécurité. En revanche, le DJSI n’est ouvert qu’aux entreprises situées dans les dix meilleurs pourcent du Dow Jones Global Indices, qui rassemble plus d’entreprises. Par conséquent, même si l’appartenance au DJSI est vue positivement comme un signe de leadership pour ce qui est de la durabilité de l’entreprise, les facteurs déterminants pour y appartenir sont encore financiers pour la plupart, tandis que l’évaluation sur l’environnement dépend largement des rapports internes et externes fournis par l’entreprise.
Autrement dit, sans qu’elles doivent confirmer leur discours sur leur responsabilité environnementale, de nombreuses entreprises figurant dans le DJSI montrent qu’elles peuvent bien manipuler la perception du public. Le grand problème soulevé par cette enquête est de savoir si le reporting international volontaire pourrait réduire concrètement la pression sur les entreprises pour améliorer leurs performances environnementales à venir.
Comme l’explique Charles Cho, professeur à l’ESSEC, « le DJSI n’incite pas les entreprises à mieux agir, mais seulement à mieux communiquer, car il est avéré que la communication est le facteur déterminant. » Tandis que des rapports plus fréquents sur l’environnement montrent que de plus en plus d’entreprises tiennent compte de l’environnement, « à présent le système est perverti », selon lui. La responsabilité sociétale des entreprises est devenue une stratégie de communication ou de marketing plutôt qu’une valeur culturelle. »
Pour lire une interview de Charles Cho sur l’écoblanchiment
« Do Actions Speak Louder than Words? An Empirical Investigation of Corporate Environmental Reputation » paru dans Accounting, Organizations and Society.