La proactivité mène-t-elle au surmenage ? Cela dépend de vos motivations

La proactivité mène-t-elle au surmenage ? Cela dépend de vos motivations

Karoline Strauss, professeur de management à l’ESSEC Business School et experte de la proactivité, partage avec nous les recherches qu’elle a menées avec Sharon Parker et Deirdre O'Shea - When does proactivity have a cost? Motivation at work moderates the effects of proactive work behavior on employee job strain - qui visent à déterminer si et quand l'initiative peut mener à la destruction du capital humain de l’entreprise et être source de stress. 

Pourquoi les conséquences de la proactivité méritent-elles d'être étudiées ?

Au fur et à mesure que les organisations font face à l'incertitude et à des changements rapides, on encourage fortement les employés à travailler de manière proactive : une main-d'œuvre proactive prend des initiatives, anticipe les changements, contribue à l'innovation, à l'avantage concurrentiel et crée un avenir positif pour eux-mêmes et pour l'entreprise. En somme, une main-d’œuvre proactive fait avancer les choses. Et ceux qui font preuve d’initiative se comportent mieux dans leur travail et font carrière plus rapidement.

De prime abord, la proactivité semble être un heureux compromis entre employés et managers : tout le monde y gagne. Mais quel est le coût potentiel pour les employés ? Comment le fait d’être proactif influence-t-il leur niveau de stress et leur bien-être ? Ce sont des questions importantes, notamment parce que si le fait d'être proactif représente une charge excessive pour les individus, cela ne pas être viable à plus long terme.

Intrigué par le manque de recherches sur les effets de la proactivité sur le bien-être des employés, Karoline Strauss, avec ses collègues chercheurs Sharon Parker et Deirdre O'Shea, a décidé d'examiner les zones d’ombre de la proactivité et d'étudier, empiriquement, ses effets contraires et les effets sur le stress au travail.

Comment la proactivité peut-elle affecter la main-d'œuvre ?

La proactivité se réfère aux efforts auto-initiés pour implémenter un changement - ou pour faire avancer les choses - afin de sortir d’une situation de statu quo : un comportement qui revêt une importance particulière dans des environnements incertains ou imprévisibles où il n'est pas possible d'identifier chaque éventualité et de déterminer préalablement des exigences en termes de rôles spécifiques. Un mot couramment utilisé de nos jours est l’agilité. Un autre – disruption. Une main-d'œuvre proactive, bien adaptée à la réflexion et à l'adaptabilité, correspond bien à ces deux scénarios.

Mais en fin de compte, les changements dans les organisations nécessitent des efforts, des compétences cognitives et des engagements. Cela a un coût qui peut nuire aux ressources personnelles de l’entreprise - parce que les résultats de ces efforts sont incertains, en raison d’une  résistance potentielle et de conflits avec les autres, en raison de la nécessité de prendre en compte les affects de tout un chacun tout en essayant d’atteindre les objectifs fixés ou parce que les décisions difficiles doivent également être prises. Et lorsque ces coûts l'emportent sur les bénéfices générés par les ressources, la proactivité peut être bénéfique à l'individu - l'épanouissement personnel, de meilleures conditions de travail, une vision plus claire sont les facteurs clés de la motivation.

Les Facteurs clés : autonomie et contrôle

Karoline Strauss et ses collègues chercheurs ont décidé d'identifier les facteurs faisant passer la proactivité d’une source de réussite à un éventuel fardeau, à une source de stress pour l'individu. Pour ce faire, ils se sont concentrés sur ce qui motive les individus dans leur travail : une motivation contrôlée ou autonome. La motivation contrôlée implique d'être l’objet à la fois de pressions extérieures telles que l'obtention de récompenses ou l'élimination des châtiments, et les pressions internes : obtenir l'approbation, la reconnaissance ou éviter les sentiments de culpabilité et de honte. La motivation autonome, elle, reflète un intérêt pour, une appréciation de, une activité ou la valeur que nous y trouvons.

Il semblerait naturel de penser que la motivation autonome est plus encline à conduire à un comportement proactif. Cependant, dans ses recherches, le professeur Strauss montre que la proactivité peut en fait être initiée sous différents types de motivation au travail, même avec une forte motivation contrôlée. Les deux types de motivation ne s'excluent donc pas mutuellement : on peut éprouver une forte motivation contrôlée et une motivation autonome élevée en même temps, voire d'autres combinaisons de ces motivations.

Cibler le bon mélange de motivations

Les chercheurs ont constaté que le fait d'être proactif peut en effet être stressant - mais seulement lorsque les employés subissent un sentiment de pression et d'obligation (forte motivation contrôlée) et ont également un intérêt intrinsèque ou une identification avec le travail (faible motivation autonome). Lorsque la motivation contrôlée est élevée, mais la motivation autonome l’est également, les effets négatifs de la première sont contrebalancés par les effets positifs de la seconde : la motivation autonome fournissant l'enthousiasme, l'énergie et la volonté de compenser l'épuisement des ressources par une motivation contrôlée.

Qu’est-ce que cela signifie pour les managers et les organisations ?

 La proactivité peut être associée à des niveaux élevés de stress lorsque la motivation contrôlée est élevée et la motivation autonome est faible - mais pas dans d'autres combinaisons de motivations. Cela signifie que la proactivité n'a généralement pas d'effet négatif sur le bien-être des employés et a probablement d'autres avantages, notamment sur la performance globale et le sens de la réussite.

Pour les organisations et les managers, cela souligne clairement la nécessité d'analyser la façon dont ils implémentent les changements au travers de leur main-d'œuvre ainsi que les facteurs de motivation qui orientent les employés du « devoir » au « vouloir ». Afin de favoriser la proactivité sans augmenter le niveau de stress, il faut donc favoriser une motivation autonome élevée grâce à une bonne conception du travail et à l'établissement d'objectifs qui font sens pour les employés : les compétences, l'impact et le choix des employés.

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