Coach, ou comment une marque joue sur le paradoxe du luxe abordable

Coach, ou comment une marque joue sur le paradoxe du luxe abordable

Depuis les dix dernières années, le marché  du luxe, toujours sujet à des évolutions rapides, laisse plus de place à des marques de luxe plus récentes et plus accessibles. Coach et ses concurrents, Michael Kors et Kate Spade, ont saisi l’occasion et tiré parti de la croissance du marché des produits en cuir de qualité mais à prix abordables. Ces marques ont décidé de tenir en équilibre entre leur désir d’exclusivité –et leur désir d’obtenir le prestigieux label de « luxe véritable »– et leur volonté d’atteindre et d’attirer de nouveaux clients avec des produits plus accessibles.

Les sirènes du marché du « luxe abordable » conduisent-elles à un piège ? Les marques telles que Coach se sont engagées à la fois dans un paradoxe et dans une situation risquée. En effet, il fut un temps où Coach était pionnier dans ce domaine. Il y a peu, la marque a connu des revers, dont une chute du prix des actions et de mauvais résultats par rapport à certains de ses concurrents. Mais elle a toujours des ingrédients majeurs qui l’aideront à reprendre son envol  et à donner du fil à retordre tant à ses concurrents « accessibles » qu’aux marques européennes de « luxe véritable » ayant pignon sur rue.

Ingrédient n°1 : l’histoire

Des recherches ont montré que l’histoire d’une marque joue un grand rôle dans la construction de sa désirabilité et de son image exclusive. Même si Coach n’a pas commencé comme une marque de « luxe véritable », elle a une histoire relativement longue en tant que fabricant de produits de prestige que les consommateurs désiraient posséder, même si elle était inabordable pour la plupart des gens. Les premiers sacs en cuir de 1941 étaient fabriqués artisanalement dans un loft new-yorkais, en un cuir de grande qualité, et étaient à la fois intemporels et coûteux, les propriétaires de la marque n’ont jamais eu pour objectif principal de positionner Coach comme une  marque de « luxe véritable ». Au contraire, ils la positionnèrent clairement comme une marque de prestige : une marque que les clients désiraient posséder. Coach, même si elle n’était pas une marque de luxe en tant que telle, Coach a été pendant longtemps un fabricant américain établi de produits haut de gamme.

Ingrédient n°2 : l’expérience

Coach est l’une des marques les plus expérimentées quant au « luxe abordable ». Elle fit ses premiers pas dans ce domaine inexploré quand l’entreprise rejoignit la Sara Lee Corporation en 1985. Sous la direction du PDG d’alors, Lew Frankfort, la marque se repositionna pour tirer parti du manque de sacs abordables de qualité sur le marché. Cette stratégie consistait notamment à proposer de plus en plus d’accessoires bon marché ; leur faible prix visait à inciter les jeunes clients à acheter un produit Coach et à acheter des produits de plus en plus chers au fur et à mesure qu’ils grandissaient avec la marque. Les experts en marketing de Coach finirent par créer, devant le succès de la marque, l’expression de « luxe abordable ».

La marque fut l’une des premières à expérimenter le paradoxe suivant : dans le secteur du luxe, plus une marque devient désirable, plus elle vend ; mais plus elle vend et moins elle devient désirable ! Le statut de marque de luxe est lié à son exclusivité. Et assurément Coach était confronté au dilemme d’être une marque soit de « luxe véritable » soit de « luxe abordable », face aux marques européennes concurrentes telles que Gucci et Prada. L’expérience a montré que Gucci et Prada étaient meilleures dans un domaine particulier, celui du « facteur de rêve ».

Ingrédient n°3 : le « facteur de rêve »

L’envolée du « luxe abordable » a montré que le « facteur de rêve » était un ingrédient essentiel au statut d’une marque de luxe. Coach a élaboré le sien en se repositionnant comme une marque liée au mode de vie américain moderne. Comme l’a déclaré le styliste de Coach Reed Krakoff, ce nouveau type de luxe américain signifiait que les produits se distinguaient par leur aspect esthétique et leur prix attractif.

Dans le même temps, afin de pouvoir prétendre au label de « luxe véritable » selon les standards traditionnels en Europe, Coach a consacré une partie de ses collections à des produits de prestige, dont une collection « hommage », inspirée des esquisses de Bonnie Cashin, le fondateur, et vendue à des prix 45 % plus élevé que celui des autres collections.

Coach a également installé ses magasins près des autres marques de luxe dans les grandes villes, dont un magasin fleuron sur Madison Avenue, en face de celui de Louis Vuitton. Elle a réussi à agacer LVMH, ce qui signifie que la stratégie fonctionne bien.

Tout en restant fidèle à ses origines, la marque a réussi à lancer le « luxe abordable » tout en s’engageant dans le domaine du « luxe véritable ». Le jeu est difficile, mais Coach semble bien s’en sortir face au paradoxe du « luxe abordable ». En tout cas, la bataille du XXIème siècle entre le « luxe abordable » et la « luxe véritable » est engagée.

L’étude de cas d’Ashok, intitulée « Coach, To be or not to be Luxury », rédigée avec Stéphanie Masson, examine en profondeur comment Coach s’est positionnée et est devenue aussi puissante dans le secteur du luxe. Elle a reçu en 2014 le prestigieux prix Case Center Award for the Best Entrepreneurship Case Study.

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