Avec Hamid Bouchikhi et Arijit Chatterjee
ESSEC Knowledge a rassemblé un panel d’experts composé de professeurs et d’entrepreneurs expérimentés pour discuter, dans ce second Google Hangout, des obstacles et des opportunités pour monter son entreprise. Les auditeurs sont intervenus pour poser leurs questions en direct. Voici les grandes lignes.
Monter son entreprise n’apporte pas de garanties et peut sembler risqué, surtout dans l’économie fluctuante d’aujourd’hui. Néanmoins, ce sont habituellement les start-ups qui prospèrent dans les périodes de récession –comme, parmi d’autres, General Electrics, Walt Disney, Burger King ou Microsoft– tandis que les entrepreneurs, par les emplois qu’ils créent, agissent, en période de stagnation économique, comme un déclencheur pour la reprise.
Est-il temps de prendre le départ ? Nous avons rassemblé un panel d’experts et d’entrepreneurs expérimentés : parmi les professeurs, Hamid Bouchikhi, professeur de management et directeur académique de ESSEC Ventures, Fabrice Cavarretta, professeur assistant de management et Arijit Chaterjee, professeur assistant de management sur le campus ESSEC Asia Pacific ; parmi les entrepreneurs, Perrine Bismuth, directrice associée de La Deuxième Maison, Matthieu David, directeur général de Daxue Consulting, situé à Pékin, et Sven Lung, président de Waiheke Investment, afin de discuter d’idées entrepreneuriales innovantes, de l’accès au capital et de l’attrait des économies émergentes.
Comment l’innovation technologique et la mondialisation ont-elles changé la donne ?
Tout d’abord, la technologie a rendu l’entreprenariat plus accessible. « Aujourd’hui, vous pouvez lancer une entreprise avec 100 000 euros seulement, explique Sven Lung. Les coûts de développement aujourd’hui ont été drastiquement réduits et cela a véritablement accéléré le niveau d’innovation et la démultiplication des modèles d’entreprise. »
Fabrice Cavarretta ajoute qu’en termes de commerce et de mondialisation, Internet est souvent la première chose à laquelle on pense. En revanche, selon lui, cela va plus loin car on observe également « un engouement véritablement fascinant et qui inclut les nouvelles solutions comme l’impression 3D et de nouveaux systèmes de robotique avec du matériel dont le code source est libre. »
Afin d’illustrer ce que cela signifie pour la mondialisation, Fabrice Cavarretta explique qu’un adolescent est potentiellement capable de créer, depuis sa chambre en banlieue, un produit qui utilise du matériel ou du logiciel dont le code source est libre ainsi que du code sous Linux. La technologie d’impression 3D permet ensuite à cette personne d’envoyer le modèle fini à Taïwan pour qu’il y soit produit en série. Ce produit pourra être emballé sous film plastique et mis sur le marché très rapidement et avec relativement peu d’investissement. Il y a vingt ans, rajoute le professeur, cette situation était impossible. Si vous vouliez travailler dans la robotique, vous deviez investir dans des équipements très coûteux et tout était sous licence privée.
Mais si la technologie et l’innovation rendent l’entreprenariat plus accessible, Hamid Bouchikhi met en garde contre la croyance qu’il y a de bons et de mauvais moments pour lancer une entreprise : « Il existe des vagues entrepreneuriales menées par la technologie, la mondialisation, la dérégulation, etc. Mais je ne pense pas que nous devrions croire que certaines périodes sont plus propices que d’autres pour l’entreprenariat. […] Je dirais que les activités entrepreneuriales ont toujours existé et existeront toujours. »
Est-ce qu’un entrepreneur qui n’a pas de compétences techniques peut lancer une start-up sur internet ?
Un de nos auditeurs de Google + a demandé, en pensant aux progrès technologiques, si c’était une bonne idée pour un fondateur qui n’est pas technicien de lancer une start-up. Sven Lung a fortement insisté sur le fait que les compétences techniques n’étaient pas la qualité la plus importante pour un entrepreneur. Il affirme que les questions techniques viennent plus tard et que « ce qui est le plus important pour un entrepreneur c’est de toujours penser à la prochaine idée géniale et de l’adapter au marché. » Ensuite, pour répondre aux problèmes techniques, il doit s’entourer de personnes ayant les bonnes compétences, de geeks si l’on peut dire.
Où se trouvent les plus belles opportunités dans le monde ?
Selon le professeur Arijit Chatterjee, les changements de dynamique de l’entreprenariat ne se limitent pas à la technologie. Les économies émergentes et le développement des marchés indiens et chinois ont rajouté plus de 2,5 milliards de personnes à l’équation. Il déclare : « cela concerne à la fois l’offre et la demande. C’est une grande chance pour la manière dont les entreprises se construisent, et cela touche non seulement la haute technologie, mais surtout toute la chaîne. »
Par conséquent, y a-t-il plus d’opportunités dans les pays en développement ? Matthieu David, un jeune entrepreneur français, qui a choisi de lancer sa première entreprise en Chine, a en fin de compte fondé sa décision sur des raisons à la fois économiques et personnelles. Il a choisi la Chine non seulement parce que les coûts étaient plus bas, mais aussi parce qu’il gagnerait une expérience entrepreneuriale à l’international, en connaissant mieux la Chine et en apprenant la langue. En un sens, c’était minimiser le risque car, si l’on met de côté les profits, il y avait quelque chose à gagner. Et bien sûr, il y avait des bénéfices financiers à s’implanter en Chine car les coûts de commercialisation étaient bas. « Les investisseurs providentiels aidaient également à financer les entreprises qui s’installaient. Par exemple, mon entreprise a été financée par Kima Ventures. »
En revanche, Matthieu David met en garde contre l’ouverture à l’international sans avoir préparé le terrain au préalable. « En ce moment je travaille avec un client qui cherche à vendre de la nourriture pour bébés en Chine. Les autorisations et la comptabilité sont différentes, […] il existe toujours de nombreux obstacles. Le monde n’est pas si uniforme. »
Qu’en est-il des économies développées ? Comme le dit Sven Lung, « il y a certainement des opportunités dans les économies émergentes, mais en fait il y a des opportunités partout. […] Par exemple, il y a en ce moment même de nombreux capitaux en Angleterre et il y a aussi très peu de bons entrepreneurs. Les investisseurs regardent en France pour déployer leur capital. Comme conseil à de jeunes entrepreneurs qui veulent lancer leur start-up, je leur dirais d’aller en Angleterre. C’est à deux heures de la Gare du Nord et il s’y trouve de nombreux capitaux. »
Mais quand la question de la politique fiscale a été soulevée et que la possibilité qu’elle fasse fuir les jeunes entrepreneurs, Perrine Bismuth souligne le fait que le gouvernement français fait de nombreux efforts pour promouvoir en particulier l’entreprenariat social. « Pour le business social, pour l’entreprenariat social de nombreuses solutions de financement émergent peu à peu. Par exemple, il existe des fonds d’investissements comme Citizen Capital qui ne prennent pas uniquement en compte les performances économiques. […] Je pense qu’il s’agit d’une bonne tendance dans les investissements en France et que cela motive les jeunes entrepreneurs qui veulent donner un sens à leur travail. De nombreux jeunes entrepreneurs veulent lancer leur propre entreprise non pour s’enrichir, mais pour donner du sens à leur carrière. »
Hamid Bouchikhi rappelle en revanche qu’il ne faut oublier que l’Europe est un marché commun. Même s’il y a des coûts associés aux différences culturelles et linguistiques entre les pays européens, ce ne sont justement que des coûts de transaction. Les États-Unis et l’Asie voient l’Europe comme un seul marché et en tirent avantage pour eux. « En tant qu’Européens, nous continuons à parfois à distinguer les 27 pays de l’Union européenne. Les barrières qui existent encore en Europe ne seront supprimées que parles efforts d’une nouvelle génération d’entrepreneurs européens. »
Fabrice Cavarretta que le dilemme de savoir où lancer son activité est nuancé. Si vous voulez concurrencer un fabricant chinois sur les coûts, ne vous installez évidemment pas en France. Mais il est important de se rappeler qu’il y a de belles opportunités en France, avec des gens talentueux et spécialisés, notamment dans les domaines des médias et du luxe. « Pour un Français, il peut être très risqué de s’implanter en Chine pour lancer son entreprise. Je ne vous dis pas de ne pas le faire, je vous dis juste d’être prudent. »
Si le succès ne vient pas, quand est-il temps de passer à autre chose ?
Un de nos auditeurs sur Google+ demande : si le succès ne vient pas, quand est-il temps de passer à autre chose ? « Je pense que la principale qualité d’un entrepreneur est la capacité de changer d’activité, déclare Perrine Bismuth. Vous pouvez avoir une idée en tête quand vous lancez votre entreprise, mais il vous faut être à l’écoute du marché, de vos fournisseurs, de vos employés et changer d’activité. C’est le seul moyen pour que votre entreprise dure. »
Perrine Bismuth tire ce constat de son expérience personnelle en tant qu’entrepreneur ayant lancé une première entreprise portant sur les jeux pour enfants. « À présent je dirige une agence de conseil en développement durable. C’est très différent, mais je travaille avec les mêmes partenaires et les mêmes équipes. Nous avons travaillé pendant trois ans sur le premier projet et, si nous n’avions pas changé notre modèle commercial, nous aurions dû mettre la clé sous la porte. »
Sven Lung fait remarquer que la prudence est importante lors du changement d’activité : « Je viens de lire l’ouvrage Venture capitalists at work, […] où il est dit qu’une seule reconversion sur dix réussit. […]. Les liquidités sont vraiment cruciales. Si vous n’avez pas de liquidités pour six mois, ce n’est pas la peine de penser à vous reconvertir mais à bien plutôt récolter plus d’argent. Gardez à l’esprit qua seulement 10 % des entreprises réussissent leur reconversion. »
Tous les participants s’accordent pour dire que, pour réussir, l’expérience, le réseau et la création de partenariats sont essentiels. C’est là que les écoles de commerce, ainsi que les incubateurs tels qu’ESSEC Ventures, peuvent largement contribuer à la réussite car cela vous permet d’établir ces liens et de créer votre bagage professionnel.
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