Le Président Hollande et son gouvernement s’engagent à réduire le déficit budgétaire de 2013 à 3 % du produit intérieur brut (PIB). A cette fin, des hausses massives d’impôts et des réductions de dépenses ont été incorporées au budget 2013. Les 30 milliards d’euros dont le gouvernement dit avoir besoin sont supposés provenir pour un tiers des grandes entreprises et pour un tiers des 10 % des ménages les plus riches. La réduction des dépenses du gouvernement (en réalité la réduction des seules dépenses précédemment prévues et dont la croissance continuera mais à un rythme ralenti), devraient apporter le dernier tiers de ressources supplémentaires programmées.
Ce plan d’austérité (bien que le terme soit banni du vocabulaire officiel) mécontente une partie du Parti socialiste, une majorité d’écologistes ainsi que les troupes de M. Mélanchon. S’il est tout de même mis en œuvre, c’est pour une raison majeure : inspirer la confiance des marchés. Faute de l’obtenir le gouvernement français verrait les taux auxquels il emprunte les sommes nécessaires au financement de ses déficits courants ainsi que le renouvellement de ses dettes anciennes s’élever spectaculairement, ce qui aggraverait les déficits budgétaires futurs au point de les rendre insoutenables.
La stratégie du Président Hollande consiste donc à concentrer ses efforts à la réduction des déficits telle qu’elle est exigée par le pacte européen de stabilité budgétaire (la règle d’or) afin d’éviter que les déséquilibres à venir n’empirent suite à la méfiance des futurs prêteurs. Et cela malgré les critiques dont il est l’objet au sein même de sa majorité. Malheureusement, la mise en œuvre de cette stratégie est viciée par de graves erreurs de calcul et des présupposés idéologiques qui l’emportent sur la rationalité économique.
La première de ces erreurs est une surestimation du potentiel de croissance de l’économie française.
En effet, le 27 août dernier Jean-Marc Ayrault annonçait – avant que soit connu le plan d’austérité ci-dessus – retenir la prévision de croissance de 2013 à 0,8 %, taux qui à cette date-là était aussi celle retenue par le FMI. Or, la plupart des observateurs s’accordaient pour trouver ce chiffre trop fort. Dernièrement, le FMI l’a réduit à 0,4 % (et 0,1 % pour l’année 2012) ce qui semble encore optimiste à de nombreux observateurs.
C’est donc bien une prévision de 0,8 % de croissance en 2013 qui a servi de base aux calculs des mesures fiscales censées réduire le déficit budgétaire à 3 % l’année prochaine.
Cependant, en admettant même que la prévision de 0,8 % de croissance (en l’absence de nouveaux impôts) en 2013 ait été correcte elle ne l’est plus dès lors que la fiscalité change. Ce dont, précisément le gouvernement ne tient pas compte ! C’est sa seconde erreur de calcul.
Les mesures frappant la dépense des particuliers (augmentation des droits d’accise sur la bière ou des taxes sur les cigarettes) ou les revenus des particuliers même les plus modestes (fiscalisation des heures supplémentaires, gel du barème de l’impôt sur le revenu, augmentation de la redevance télé, imposition des retraites) ne peuvent que réduire la consommation.
Plus grave, d’autres mesures auront comme conséquence la baisse de l’investissement, c’est-à-dire de la création ou du développement d’entreprises. Il s’agit de la surtaxation des bénéfices des entreprises et des dividendes et plus généralement des produits de l’épargne, l’augmentation assassine des charges sociales pour les auto-entrepreneurs (si elle est votée). L’aggravation de la taxation des plus values de cession, même marginalement revue pour apaiser les « pigeons » diminuera fatalement l’activité des entrepreneurs avec comme résultat moins de créations d’entreprises.
D’où moins d’embauches, davantage de licenciements et un résultat final bien en dessous de l’objectif fixé. C’est-à-dire une récession et non une croissance de 0,8 % en 2013 et un déficit budgétaire supérieur aux 3 % du PIB annoncés. Avec comme inévitables conséquences l’enchérissement des emprunts du Trésor français sur les marchés, un chômage en hausse et tous les troubles sociaux qui en résulteront.
Devant l’échec de sa politique de rigueur, le gouvernement français aura à choisir entre deux politiques économiques :
- Continuer dans la voie actuelle, consistant à vouloir financer les déficits par les ménages (soi-disant) les plus fortunés et les entreprises. Dans ce cas il ne reste à la disposition du gouvernement que deux instruments fiscaux : la TVA et la CSG. A court terme, leur durcissement pourrait contribuer à la réduction des déficits. A plus longue échéance, en aggravant davantage une fiscalité déjà lourde et antiéconomique, une telle mesure serait nettement anti-productive. La croissance ne redémarrera pas et il n’est même pas certain que les recettes de l’Etat augmentent.
- Entreprendre les réformes structurelles qui auraient dû s’imposer depuis longtemps. Il s’agit d’abord de désengager l’Etat d’un certain nombre d’activités non régaliennes et pour ce faire le sortir d’activités industrielles en privatisant ses participations et, par conséquent, en renonçant à sa politique industrielle volontariste (dont l’un des volets est le financement d’industries en voie d’obsolescence). Ensuite de réduire véritablement ses dépenses selon les lignes proposées récemment par la Cour des Comptes et l’Inspection générale des finances (dans son récent rapport sur les agences de l’Etat, par exemple). Enfin, de procéder à une réforme fiscale et législative profonde consistant à diminuer et à simplifier les impôts les plus dissuasifs (comme vont le faire l’Allemagne et même l’Italie) ; à améliorer le rôle allocatif du marché du travail en jouant sur une flexibilité accrue et l’adaptation du SMIC aux jeunes (ce qui a été tenté mais abandonné par le gouvernement Villepin) ; à accorder aux employeurs plus de facilité pour licencier ce qui est la condition préalable pour qu’ils embauchent davantage ; à rendre leur liberté aux consommateurs en abolissant les monopoles (comme celui des taxis) ou en permettant l’ouverture des magasins le dimanche.
Si un tel programme n’a pas encore été entrepris c’est qu’il se heurte à des intérêts particuliers se cachant derrière des prédisposés idéologiques. Feindre de croire qu’en défendant le statu quo on défend la « justice sociale » est une attitude mentale purement bureaucratique dénuée de tout sens économique.