Après tous les grands espoirs et les attentes face à l’entrée en bourse de Facebook en mai 2012, la débâcle qui a suivi a conduit à une perte de valeur de 50 % pour les actions de l’entreprise en moins de trois mois. C’est une dure chute pour une entreprise dont la valeur initiale ne s’élevait à pas moins de 104 milliards de dollars, ce qui a été l’introduction en bourse la plus élevée de l’histoire. Pourquoi un tel plongeon ?
La difficulté de ces débuts s’explique par de nombreux facteurs, parmi lesquels une surévaluation de l’entreprise, des problèmes techniques au sein du Nasdaq, et d’autres défis internes tels que la manière de faire de la publicité sur les téléphones portables. En revanche, François Longin affirme que l’entreprise a achoppé parce qu’elle a négligé de tenir compte de sa particularité d’être un réseau social, à savoir le fait qu’elle repose sur l’investissement de plus de 900 millions d’utilisateurs.
« L’entrée en bourse de Facebook a été fait d’une manière habituelle et d’abord et avant tout été ouverte aux investisseurs institutionnels. La grande majorité des membres de Facebook ont été laissés en dehors du coup, explique le professeur Longin. Il a été oublié que les réseaux sociaux se définissaient par des liens très forts avec les clients / membres. Les réseaux sociaux ne peuvent tout simplement pas se permettre d’ignorer le facteur humain. Ils auraient pu avoir une approche plus innovante, en associant les membres qui sont la base de l’entreprise –leur actif principal- à sa structure financière (l’autre partie du bilan). »
Selon le professeur Longin, le meilleur scénarios aurait été que le capital de Facebook soit apporté par ses utilisateurs. Ceux-ci, déjà investis émotionnellement dans le réseau, auraient du avoir la possibilité de s’investir financièrement dans l’avenir de l’entreprise.
« Par-delà le modèle d’entreprise traditionnel, la rentabilité attendue par les actionnaires dépend d’un facteur humain : la relation entre l’entrepreneur et ses investisseurs. Les investisseurs doivent avoir confiance dans le management pour mener à bien le projet de l’entreprise, qui est d’être rentable. Sur le long terme, il faut maintenir une relation de confiance, et cela comprend une communication régulière entre l’entreprise et les investisseurs. »
Il existe une tendance qui s’appuie sur cette relation : il s’agit de l’association autour du produit des membres de la communauté en tant qu’actionnaires de l’entreprise, autrement dit, il s’agit d’un rachat par les membres. « Un rachat par les membres a du sens quand les membres présentent un intérêt particulier pour le produit de l’entreprise et souhaitent par conséquent avoir leur mot à dire sur sa gestion. Cela fait des membres de la communauté qui a développé le produit des actionnaires. Un bénéfice supplémentaire est que les membres sont plus que des utilisateurs ou des actionnaires anonymes ; ils deviennent véritablement des ambassadeurs de la marque. »
Est-ce que le rachat par les membres n’est que du marketing financier ? Selon le professeur Longin, cela va plus loin. Quand un utilisateur s’investit totalement, sans que cela ait trait aux finances, il peut subir un grave revers si l’entreprise fait faillite. Le produit est important pour lui, donc il devrait avoir voix au chapitre concernant son devenir. L’argument s’applique à des exemples plus traditionnels. Par exemple, une entreprise technologique sera susceptible d’investir dans les fournisseurs car elle a tout intérêt à ce qu’ils se portent bien. Si un des fournisseurs faisait faillite, cela aurait un impact négatif sur leur propre succès financier.
En outre, la notion de rachat de l’entreprise par ses membres ne s’applique pas uniquement aux réseaux sociaux numériques. Des groupes tels que les francs-maçons ou les anciens élèves d’une grande école sont également investis dans les résultats de leur association et, dans une certaine mesure, influent sur son fonctionnement. Ces membres possèdent leur propre réseau social. Pourquoi n’en serait-il pas de même dans les marchés financiers actuels ?
Le professeur Longin a creusé le problème de la promotion de l’investissement dans les plateformes de réseaux sociaux dans son étude de cas « FinLink : partageons nos valeurs », qui porte sur un réseau social spécialisé dans les secteurs de la banque, des assurances et de la finance. Ce réseau vise à offrir à ses membres un environnement sûr pour développer leurs affaires. Pour ce qui est de la participation financière, FinLink a adopté une règle simple : tous les membres du réseau doivent payer une cotisation annuelle. Mais dans le même temps, les membres ont le choix d’investir dans l’entreprise et de contribuer activement à son succès.
En fin de compte, l’échec de Facebook à la bourse a fait diminuer l’intérêt d’entrer en bourse pour les autres plateformes de réseaux sociaux. Si de nouveaux acteurs lancent une entrée en bourse, est-ce que les choses vont se passer différemment ? Une chose est claire : il faut tirer les leçons de l’entrée périlleuse en bourse de Facebook. François Longin pense que les autres acteurs clés des réseaux sociaux doivent prendre en compte le facteur humain, sans quoi ils risquent de perdre leurs membres, or ceux-ci apportent à l’entreprise sa valeur.