Un accord, pour le meilleur et pour le pire

Un accord, pour le meilleur et pour le pire

Avec José Miguel Gaspar

Les fonds de placement privés ont connu une croissance extraordinaire au cours des trois dernières décennies ; actuellement on dénombre quelques 13 000 fonds de placement privés et 3 milliards de dollars d’actifs gérés. Ce succès est largement dû à leur réputation d’être un moyen relativement rapide et efficace de revitaliser la rentabilité d’une entreprise tout en générant des retours sur investissements considérables pour les investisseurs : une étude a montré que les fonds de placement privés ont de meilleures structures de gouvernance et mécanismes d’incitation, ce qui les fait agir au mieux des intérêts de leurs investisseurs.

Les fonds de placement lèvent des fonds pour racheter des entreprises –par un effet de levier- et ainsi reprendre  de nombreuses dettes. Ces dettes sont utilisées pour inciter à limiter les dépenses et à démultiplier l’efficacité managériale. Au bout d’un certain temps, en général moins de dix ans, les fonds mettent fin à l’investissement en réalisant l’une des ces trois transactions : ils réintroduisent l’entreprise en bourse, ils supervisent une fusion ou une acquisition par une autre entreprise, ou ils la vendent à un fond de placement concurrent –il s’agit alors d’un rachat secondaire. En théorie, l’entreprise a bien plus de valeur une fois que le fonds de placement arrête l’investissement.

En revanche, parmi toutes ces transactions, c’est le rachat secondaire qui a connu le plus fort taux de croissance au cours de la dernière décennie et à présent représente plus d’un tiers des rachats de sortie. Pourquoi autant de fonds de placement privés choisissent-ils d’investir ou de revendre de cette manière et quelles conséquences cela a-t-il sur l’efficacité du modèle ?

Les rachats secondaires : efficaces ou opportuns ?

Si les fonds de placement privés sont faits pour agir au mieux des intérêts des investisseurs, il devrait s’ensuivre que les transactions secondaires suivent cet idéal. Or l’efficacité, mais aussi les comportements opportunistes, peuvent potentiellement expliquer pourquoi autant de fonds de placement privés optent pour des rachats secondaires.

Si, par exemple, un fonds d’investissement privé se spécialise dans différentes étapes de restructuration, alors les fonds spécialisés dans la première étape se mettraient à vendre aux fonds spécialisés dans la deuxième étape, et chaque fonds créerait au cours du processus de la valeur pour ses propres investisseurs. Parallèlement, certains partenaires généralistes peuvent avoir des compétences uniques que les autres n’ont pas, ce qui fait que quand leurs fonds acquièrent des entreprises venant d’autres fonds, ils génèrent des retours supplémentaires. Par exemple, les fonds avec une bonne réputation peuvent mieux avoir accès à des prises fermes. En revanche, quand un fonds approche de la maturité et que le gestionnaire de fonds est légalement obligé d’arrêter l’investissement, il faut passer un accord.

Quand les managers passent des contrats pour le meilleur et pour le pire

Notre étude a montré que tant les acheteurs et les vendeurs pressurés passent des accords au détriment de leurs investisseurs : les acheteurs veulent payer cher, utilisent  moins d’effets de levier et se syndiquent moins, tandis que les vendeurs partent pour une somme moindre et sont susceptibles d’accepter des périodes de retenue plus brèves. Surtout, notre étude montre que les fonds qui ont investi sous pression faisaient des contre-performances.

Si les incitations positives peuvent l’emporter dans le cycle d’un fonds, les incitations contraires prennent le relais au fur et à mesure que le fonds prend de l’âge. Notre étude corrobore le fait que les frais d’agence sont inévitables, même dans un environnement contractuel sophistiqué comme celui des fonds de placement[i].

Ces conclusions devraient également avoir des implications sur les décisions d’investir dans des fonds de placement privés. Une fois qu’ils ont investi, les investisseurs ne jouent plus de rôle actif dans la gestion du fonds et n’ont pas d’informations spécifiques en amont des investissements que fera le fonds. En d’autres termes, les investisseurs doivent être très réactifs avant de prendre des décisions d’investissement pour atténuer les risques potentiels.

Source: 

"Fund Managers under Pressure: Rationale and Determinants of Secondary Buyouts" (S. Arcot, Z. Fluck, U. Hege, JM. Gaspar), Journal of Financial Economics, Issue 1


[i] Robinson and Sensoy, 2013a

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