Quelle place pour l'impact social dans la création de valeur des entreprises ?

Quelle place pour l'impact social dans la création de valeur des entreprises ?

Avec ESSEC Knowledge Editor-in-chief

En 2015, les Nations unies ont défini 17 objectifs de développement durable afin de créer un cadre pour construire un avenir meilleur d'ici 2030. Ces objectifs sont : 

1.Éradication de la pauvreté ;

2.Lutte contre la faim ;

3.Accès à la santé ;

4.Accès à une éducation de qualité ;

5.Égalité entre les sexes ;

6.Accès à l’eau potable et à l’assainissement ;

7.Recours aux énergies renouvelables ;

8.Accès à des emplois décents ;

9.Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation ;

10.Réduction des inégalités ;

11.Villes et communautés durables ;

12.Consommation et production responsables ;

13.Lutte contre le changement climatique ;

14.Vie aquatique ;

15.Vie terrestre ;

16.Justice et paix ;

17.Partenariats pour la réalisation des objectifs.

 Ce sont les objectifs pour les parties prenantes concernées, y compris les entreprises, qui se préoccupent de plus en plus de leur impact social et de la création de valeur. À ce titre, les entreprises reconnaissent dûment l’impact social comme un défi majeur, c’est-à-dire ce que serait la société sans l’entreprise, et l’évalue en examinant les changements induits par la chaîne de création de valeur de l’entreprise et par ses parties prenantes directes et indirectes. Il peut être à la fois négatif et positif, et est inextricablement lié à la création de valeur de l’entreprise. Les entreprises doivent mesurer leur impact social pour de nombreuses raisons, notamment pour respecter les réglementations, informer les partenaires et les parties prenantes, communiquer sur les politiques et, surtout, soutenir les activités.

En France, un indice de positivité a été mis en place en 2015 pour mesurer l’activité des entreprises. Les entreprises reçoivent une note entre 0 et 100 qui évalue 35 indicateurs dans 5 dimensions différentes : leur empreinte environnementale, les conditions de travail, le partage de la valeur, la recherche et la formation, et leur vision stratégique à long terme. L’indice se concentre sur l’amélioration à long terme et suit les progrès réalisés. Il est conçu comme un outil universel qui ne fait aucune discrimination en fonction de la taille, du secteur ou de la localisation de l’entreprise. Si les entreprises veulent être reconnues comme ayant un impact positif sur la société, elles doivent prouver qu’elles ont effectivement un impact social positif, et ont donc besoin d’outils de mesure valides et fiables.

 Pour aller plus loin, Jean-Marie Peretti (ESSEC Business School) et Soufyane Frimousse (chercheur associé, ESSEC Business School) ont consulté 70 experts en France et dans le monde, en s’adressant à des chercheurs, des consultants, des chefs d’entreprise et des experts en ressources humaines, en leur posant les questions suivantes : quelle est la place de l’impact social (ou sociétal) dans la création de valeur des entreprises ?  

Parmi les experts consultés figuraient des professeurs et des chercheurs de l’ESSEC. Les professeurs Viviane de Beaufort et Stefan Gröschl ont apporté leur éclairage, tout comme les chercheurs Yves Le Bihan (Chaire ESSEC du changement) et Elena de Préville (Chaire ESSEC du changement).

Viviane de Beaufort pose la question : « Pourquoi devons-nous encore nous demander quelle est la place de l’impact social/sociétal dans la création de valeur des entreprises ? » Pour la professeure de Beaufort, la valeur d’une entreprise réside dans son capital humain, plutôt que dans ses états financiers. Des employés motivés et heureux sont bons pour une entreprise. Qui plus est, la génération qui entre sur le marché du travail se soucie des valeurs des entreprises pour lesquelles elle travaille et veut s’assurer que celles-ci mettent en pratique ce qu’elles prêchent. Alors que la « valeur » est historiquement un sujet abstrait et difficile à mesurer, les objectifs de développement des Nations unies fournissent une référence commune, permettant aux entreprises de recueillir des données et de mesurer les progrès. Cette référence commune aidera les entreprises à fixer des objectifs sociaux et sociétaux afin que la création de valeur sociale puisse être mesurée.

Comme le fait remarquer le professeur Stefan Gröschl, notre société est confrontée à des défis mondiaux urgents. Il est donc essentiel que les entreprises prennent en compte leur impact sur la société et l’environnement. Les entreprises doivent donc impérativement tenir compte de leur impact sur la société et l’environnement. Le « business as usual » ne peut plus durer : évoluons vers un business as « unusual » (inhabituel) et concentrons-nous à la fois sur l’impact sociétal et sur les résultats financiers.  Pour ce faire, les entreprises doivent donner la priorité au découplage de la croissance économique et des ressources naturelles et à la réduction des inégalités socio-économiques. Ce n’est pas une mince affaire, mais les parties prenantes et les actionnaires réclament de plus en plus des modèles d’entreprise durables, dans lesquels les bénéfices sont destinés à servir le bien de la société. Il faudra pour cela des dirigeants d’un certain acabit, dotés d’une vision et de valeurs fortes et conscients d’eux-mêmes ; des dirigeants créatifs, dotés d’un solide esprit critique et ouverts au changement. En bref, le business comme inhabituel exige un changement de paradigme dans nos priorités et dans les qualités que nous recherchons chez les leaders.

Deux chercheurs associés à la Chaire ESSEC du changement ont également apporté leur éclairage. Yves le Behan, également président de l’Institut Français du Leadership Positif, est d’accord avec le professeur Gröschl pour dire que nous avons besoin d’une révolution du leadership : plus précisément, nous devons aligner les styles de leadership sur les objectifs sociaux de l’entreprise. Il énumère plusieurs questions qui méritent d’être étudiées : comment la « raison d’être » d’un leader conduit-elle à la transformation de l’entreprise ? Quelles sont les qualités de leadership qui aident à convaincre les parties prenantes, et pouvons-nous les cultiver ? Comment réduire l’écart entre ce que les entreprises pratiquent et ce qu’elles prêchent ? Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour comprendre comment le leadership peut influer sur la transformation et quels sont les outils les plus efficaces pour la gestion du changement. Elena de Préville évoque l’idée que certaines entreprises, comme les organisations certifiées B Corp, cherchent à être non pas les meilleures entreprises du monde, mais plutôt les meilleures entreprises pour le monde. Les entreprises réfléchissent de plus en plus à la meilleure façon de contribuer à la société, et les consommateurs se demandent si les entreprises reflètent ou non leurs valeurs. Les entreprises reconnaissent que le fait d’avoir un objectif sociétal ne nuit pas aux résultats financiers et qu’en fait, une telle mission peut améliorer la productivité en renforçant l’engagement des parties prenantes.

Si les experts ont des avis différents sur la nature de l’impact social, un message émerge clairement : les entreprises doivent donner la priorité à leur impact social et le mesurer activement. De plus, les employés et les consommateurs sont attentifs à l’impact des entreprises sur la société et peuvent décider de ne pas travailler ou acheter dans une entreprise dont les valeurs ne correspondent pas à leurs valeurs personnelles. Cela suggère que s’engager à avoir un impact social et sociétal positif est bénéfique pour le statut économique de l’entreprise. Grâce aux travaux du professeur Peretti et de M. Frimousse, nous pouvons comprendre comment des experts représentant un éventail de domaines différents voient l’avenir de la création de valeur par les entreprises et quelles mesures nous devons prendre pour atteindre l’objectif 2030 d’une société meilleure pour tous.

Référence

Frimousse, S., & Peretti, J. M. (2020). Impact social positif et création de valeur. Question (s) de management, (1), 91-130. 

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