Notre conception des affaires est brisée, mais il y a de l'espoir pour l'avenir

Notre conception des affaires est brisée, mais il y a de l'espoir pour l'avenir

Avec Anne-Claire Pache et Marie-Laure Djelic

Selon le paradigme traditionnel qui s’est répandu pendant la majeure partie du 20e siècle, les entreprises rendent principalement des comptes  à leurs actionnaires, et en particulier en termes de profit. La crise financière a brutalement remis en question cette idée reçue : le business doit prendre en compte  d’autres parties prenantes. En effet, les entreprises s'appuient également sur les fabricants, les consommateurs, les collectivités et la société dans son ensemble, sans lesquels elles ne pourraient pas exister.

Ce paradigme traditionnel est-il en voie de disparition ? Malheureusement pas encore car il est très compliqué de faire évoluer les idées reçues des chefs d'entreprises et autres décideurs. Et tant que l'actionnaire est maître du système et que les autres parties prenantes sont mises à l'écart, les sociétés continueront à en subir les conséquences.

La bonne nouvelle est que la génération «Y» a le pouvoir de rompre avec la tradition et  de bâtir un nouveau récit autour de l’entreprise et de sa raison d'être. Le professeur Freeman de la Darden School of Business est un expert de renommée mondiale et la voix internationale du « Stakeholder Theory », qui propose un récit qui englobe toutes les parties prenantes.Nous  récemment eu le plaisir de recevoir le Professeur R. Edward Freeman – invité conjointement par l'Institut de l'Innovation et de l'Entrepreneuriat Social (IIES) et le Centre pour le capitalisme, la mondialisation et la gouvernance (C2G2).

Un nouveau récit

Il y a 40 ans, lorsque le professeur Freeman a essayé de publier un papier intitulé « Stakeholder Management » (la gestion des parties prenantes), les éditeurs ont supposé qu'il avait fait une erreur : Ils m’ont dit, pas de problème, on publie votre papier ... mais vous voulez dire « gestion pour les actionnaires » (Shareholder Management), n’est-ce pas ?

Aujourd'hui, les entreprises se préoccupent de plus en plus de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises (RSE), en partie sous la pression du public, mais cette nouvelle vision  est encore largement embryonnaire. La théorie des parties prenantes est vraiment ce qui va faire avancer les choses et nous permettre de construire une nouvelle compréhension du rôle de l'entreprise dans la société.

« La prise en compte des parties prenantes ne doit  pas être un moyen pour les entreprises de se protéger contre la pression du grand public, d'éviter les conflits ou situations de crise », explique Anne Claire- Pache, Professeur de l’Environnement de l’Entreprise et directeur de la Chaire de Philanthropie. «  La théorie des parties prenantes a pour but de nous donner de nouveaux moyens de générer de la  valeur tout en prenant en compte les interdépendances entre la société et l’entreprise ».

Les pionniers comme Freeman ont contribué à faire rentrer la théorie des parties prenantes - questionnant la responsabilité des entreprises dans son ensemble -  dans les préoccupations courantes des entreprises et à renforcer l’idée qu’une entreprise n’a pas à rendes des comptes qu’à ses seuls actionnaires. Comment, cependant, faire de cette vision, une réalité ?

Une nouvelle génération de chefs d'entreprise

La génération « Y » détient la clé de ce nouveau paradigme, d'abord et avant tout parce qu'ils sont de plus en plus sensibilisés aux questions de responsabilité. Ils perçoivent cette pression publique, très critique vis-à-vis de la « grande méchante entreprise » et ils comprennent qu’il faut changer les choses. De ce fait, les écoles de commerce jouent un rôle important dans la construction de cet avenir.

« Malheureusement, le paradigme des actionnaires est encore très majoritairement enseigné dans les écoles de commerce », explique Marie -Laure Djelic, professeur de management et directeur du Centre de recherche transversal pour le Capitalisme, la mondialisation et la gouvernance. « En outre, la plupart des écoles de commerce et des centres de recherche ont besoin de plus de diversité intellectuelle pour vraiment aider à construire un nouveau paradigme. Nous avons besoin d'idées venant de l'anthropologie, de la géographie, de la sociologie et de la science politique. Nous devons encourager ce genre de cadre intellectuel transdisciplinaire ».

Une nouvelle génération d'entreprises

La Professeur Pache estime que les écoles de commerce peuvent jouer un rôle important dans la formation des entrepreneurs sociaux de demain.

« Les entrepreneurs créent de nouvelles organisations, ils créent de nouvelles chaines de valeur et sont dans une excellente position pour construire ce nouveau paradigme », remarque-elle. « Les nouveaux entrepreneurs, en particulier, sont plus susceptibles de pouvoir sortir du statu quo et de créer de nouveaux modèles mêlant performance économique et performance sociale. »

Dans les entreprises établies, les processus cognitifs rendent ces types de changement plus difficiles.

 

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