Ce n’est pas la première fois que les agences de voyage en ligne telles que Expedia et Booking.com se sont retrouvées en eaux troubles. L’année dernière une action en justice avait été intentée aux États-Unis, accusant Expedia, Starwood Hotels et InterContinental Hotel Group d’entente illicite sur les prix. Cette fois, c’est au tour de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) en France de signaler la situation à l’Autorité de la Concurrence, l’organisme de contrôle européen de la concurrence.
Il est frappant que la plupart des hôtels affichent les mêmes prix sur leur propre site que sur celui des principales agences en ligne, ce qui suggèrerait qu’ils travaillent ensemble pour fixer les prix. Les hôteliers indépendants disent que cette parité des prix est imposée par les agences en ligne. Néanmoins, ils en bénéficient car cela signifie que les prix affichés sur leur propre site ne sont pas bradés. Donc, les agences en ligne sont diabolisées pour leur parité des prix, alors qu’en fait les hôteliers et les agences en bénéficient tous deux. Certains pourraient même dire que les hôtels en retirent plus d’avantages que d’inconvénients, car ils n’ont pas la force marketing pour concurrencer efficacement les agences en ligne, et que la parité des prix leur accorde au moins une certaine protection. Toutefois, si la parité des prix est effective, elle est clairement illégale dans le droit de l’Union Européenne.
Le grand problème : le cauchemar de l’augmentation des commissions
Selon Peter O’Connor, professeur en systèmes d’information et directeur général des programmes académiques à l’ESSEC, la fixation des prix par les grandes chaînes d’hôtel et les agences en ligne signifie que le montant des commissions n’a cessé d’augmenter, ce qui a fait monter les prix des chambres. Par conséquent, l’écart est de plus en plus grand entre le prix payé par le client et le montant perçu par l’hôtel.
« Selon l’étude menée par le Transport Research Institute (TRI), le prix des chambres à Londres a augmenté au cours des dix dernières années de 54% tandis que le montant des commissions a augmenté au moins deux fois plus vite, soit une augmentation de 123%, explique le professeur. Cela signifie que la majorité des bénéfices générés par l’augmentation des prix des chambres sont engloutis par les agences en ligne. Et selon le TRI, le pourcentage du prix la chambre qui part dans le paiement des commissions ne cesse d’augmenter chaque année. Cela pose clairement un problème aux hôteliers et explique pourquoi les agences en ligne sont à présent montrées du doigt par les autorités européennes de la concurrence. »
Le problème majeur : les limites de la force de vente de nombreux hôtels
Le professeur O’Conor met cependant en garde : il faut voir le problème plus vaste, derrière les questions de comptabilité. « Effectivement, si l’on ne regarde que les pourcentages, il semble que les pauvres petits hôteliers se font exploiter par les grands méchants intermédiaires. Mais en fait, à cause de leur force de vente très limitée, la plupart des hôtels seraient incapables de faire leur chiffre d’affaires et ce même si les clients n’étaient pas aspirés par les agences en ligne. »
La grande question est de savoir si les petits hôtels comprennent vraiment ce que coûte la recherche de clients. D’un point de vue marketing, la réalité est que remplir un hôtel sans passer par les agences en ligne serait effroyablement coûteux pour la plupart des hôtels, et les coûts dépasseraient le montant des commissions actuelles. Traiter directement avec le client impliquerait d’investir dans de meilleurs sites web et d’utiliser des techniques de marketing en ligne, notamment au niveau des moteurs de recherche et des réseaux sociaux, simplement pour que le client sache que ces hôteliers existent. Mais pour un petit hôtel à Paris, par exemple, l’achat de mots clés sur Google, tels que « Hôtel Paris », serait bien trop cher pour être mis en œuvre, et ce même s’il avait les capacités techniques de le faire lui-même.
Le professeur O’Connor explique que « nombre de ces petits hôtels pensent que cela ne leur coûtera rien de remplir leurs chambres eux-mêmes, alors qu’en réalité ils doivent construire leur site web, le faire connaître, avoir un système de réservation ; et même avec tout cela il se peut fort qu’ils ne fassent pas leur chiffre d’affaires à cause de piètres talents en marketing ; en d’autres termes, la plupart des sites web d’hôtels ont de très faibles taux de conversion. Ces hôtels omettent également de prendre en compte le coût d’opportunité qui consiste à ne pas payer de commission à l’agence, qu’elle soit en ligne ou matérielle, mais en revanche à ne pas faire de chiffre d’affaires grâce à cette même agence. Dans ce cas, le coût serait égal au prix de la chambre, soit 100% !
Dans le secteur hôtelier, les agences en ligne ont pénétré le marché à hauteur de 75% des réservations en ligne, et de nombreux hôtels font 40 à 50% de leur chiffre d’affaires en passant par ces intermédiaires. Les petits hôtels essaient de limiter leur engagement, mais c’est généralement par imprévoyance plutôt que par une stratégie délibérée et soigneusement conçue. Pour les petits hôtels, avec un nom de marque faible ou inexistant et aucun site web propre, le coût réel des réservations directes est bien plus élevé que ce qu’ils paient aux agences en ligne. Mais comme ils ne signent pas de chèque à la fin du mois, ils ne s’en rendent pas compte.
Le professeur O’Connor met en garde contre certains éléments de la presse économique qui encouragent la diffusion des idées erronées sur le partenariat avec les agences en ligne. Les hôtels, en particulier ceux qui sont indépendants et ceux qui n’ont pas de nom de marque et sont implantés en périphérie, doivent se rendre compte que le partenariat, mené à bon escient, avec les agences en ligne, peut rapporter gros. Bien que le montant des commissions soit actuellement élevé et que, d’après la stratégie de dépassement journalier de ce montant chez Booking.com, soient sans doute destinés à augmenter par la suite, les alternatives possibles comportent de nombreux risques pour peu de bénéfices, voire sont encore plus onéreuses.
Ce n’est pas la première fois que les agences de voyage en ligne telles que Expedia et Booking.com se sont retrouvées en eaux troubles. L’année dernière une action en justice avait été intentée aux États-Unis, accusant Expedia, Starwood Hotels et InterContinental Hotel Group d’entente illicite sur les prix. Cette fois, c’est au tour de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) en France de signaler la situation à l’Autorité de la Concurrence, l’organisme de contrôle européen de la concurrence.
Il est frappant que la plupart des hôtels affichent les mêmes prix sur leur propre site que sur celui des principales agences en ligne, ce qui suggèrerait qu’ils travaillent ensemble pour fixer les prix. Les hôteliers indépendants disent que cette parité des prix est imposée par les agences en ligne. Néanmoins, ils en bénéficient car cela signifie que les prix affichés sur leur propre site ne sont pas bradés. Donc, les agences en ligne sont diabolisées pour leur parité des prix, alors qu’en fait les hôteliers et les agences en bénéficient tous deux. Certains pourraient même dire que les hôtels en retirent plus d’avantages que d’inconvénients, car ils n’ont pas la force marketing pour concurrencer efficacement les agences en ligne, et que la parité des prix leur accorde au moins une certaine protection. Toutefois, si la parité des prix est effective, elle est clairement illégale dans le droit de l’Union Européenne.
Le grand problème : le cauchemar de l’augmentation des commissions
Selon Peter O’Connor, professeur en systèmes d’information et directeur général des programmes académiques à l’ESSEC, la fixation des prix par les grandes chaînes d’hôtel et les agences en ligne signifie que le montant des commissions n’a cessé d’augmenter, ce qui a fait monter les prix des chambres. Par conséquent, l’écart est de plus en plus grand entre le prix payé par le client et le montant perçu par l’hôtel.
« Selon l’étude menée par le Transport Research Institute (TRI), le prix des chambres à Londres a augmenté au cours des dix dernières années de 54% tandis que le montant des commissions a augmenté au moins deux fois plus vite, soit une augmentation de 123%, explique le professeur. Cela signifie que la majorité des bénéfices générés par l’augmentation des prix des chambres sont engloutis par les agences en ligne. Et selon le TRI, le pourcentage du prix la chambre qui part dans le paiement des commissions ne cesse d’augmenter chaque année. Cela pose clairement un problème aux hôteliers et explique pourquoi les agences en ligne sont à présent montrées du doigt par les autorités européennes de la concurrence. »
Le problème majeur : les limites de la force de vente de nombreux hôtels
Le professeur O’Conor met cependant en garde : il faut voir le problème plus vaste, derrière les questions de comptabilité. « Effectivement, si l’on ne regarde que les pourcentages, il semble que les pauvres petits hôteliers se font exploiter par les grands méchants intermédiaires. Mais en fait, à cause de leur force de vente très limitée, la plupart des hôtels seraient incapables de faire leur chiffre d’affaires et ce même si les clients n’étaient pas aspirés par les agences en ligne. »
La grande question est de savoir si les petits hôtels comprennent vraiment ce que coûte la recherche de clients. D’un point de vue marketing, la réalité est que remplir un hôtel sans passer par les agences en ligne serait effroyablement coûteux pour la plupart des hôtels, et les coûts dépasseraient le montant des commissions actuelles. Traiter directement avec le client impliquerait d’investir dans de meilleurs sites web et d’utiliser des techniques de marketing en ligne, notamment au niveau des moteurs de recherche et des réseaux sociaux, simplement pour que le client sache que ces hôteliers existent. Mais pour un petit hôtel à Paris, par exemple, l’achat de mots clés sur Google, tels que « Hôtel Paris », serait bien trop cher pour être mis en œuvre, et ce même s’il avait les capacités techniques de le faire lui-même.
Le professeur O’Connor explique que « nombre de ces petits hôtels pensent que cela ne leur coûtera rien de remplir leurs chambres eux-mêmes, alors qu’en réalité ils doivent construire leur site web, le faire connaître, avoir un système de réservation ; et même avec tout cela il se peut fort qu’ils ne fassent pas leur chiffre d’affaires à cause de piètres talents en marketing ; en d’autres termes, la plupart des sites web d’hôtels ont de très faibles taux de conversion. Ces hôtels omettent également de prendre en compte le coût d’opportunité qui consiste à ne pas payer de commission à l’agence, qu’elle soit en ligne ou matérielle, mais en revanche à ne pas faire de chiffre d’affaires grâce à cette même agence. Dans ce cas, le coût serait égal au prix de la chambre, soit 100% !
Dans le secteur hôtelier, les agences en ligne ont pénétré le marché à hauteur de 75% des réservations en ligne, et de nombreux hôtels font 40 à 50% de leur chiffre d’affaires en passant par ces intermédiaires. Les petits hôtels essaient de limiter leur engagement, mais c’est généralement par imprévoyance plutôt que par une stratégie délibérée et soigneusement conçue. Pour les petits hôtels, avec un nom de marque faible ou inexistant et aucun site web propre, le coût réel des réservations directes est bien plus élevé que ce qu’ils paient aux agences en ligne. Mais comme ils ne signent pas de chèque à la fin du mois, ils ne s’en rendent pas compte.
Le professeur O’Connor met en garde contre certains éléments de la presse économique qui encouragent la diffusion des idées erronées sur le partenariat avec les agences en ligne. Les hôtels, en particulier ceux qui sont indépendants et ceux qui n’ont pas de nom de marque et sont implantés en périphérie, doivent se rendre compte que le partenariat, mené à bon escient, avec les agences en ligne, peut rapporter gros. Bien que le montant des commissions soit actuellement élevé et que, d’après la stratégie de dépassement journalier de ce montant chez Booking.com, soient sans doute destinés à augmenter par la suite, les alternatives possibles comportent de nombreux risques pour peu de bénéfices, voire sont encore plus onéreuses.