Et si l'égalité ne rendait pas heureux ? Dans une recherche publiée dans MIS Quarterly, le professeur Frank Chan de l'ESSEC, accompagné de Viswanath Venkatesh (Virginia Tech), James Y. L. Thong (Université des sciences et technologies de Hong Kong), Kai Spohrer (Frankfurt School of Finance and Management), Ankur Arora (Université de Memphis), Hartmut Hoehle (Université de Mannheim) et Srinivasan Venkatraman (Boeing), explorent comment les différentes qualités de relations entre les leaders et les membres de l'équipe affectent la satisfaction des membres de l'équipe.
Cette recherche analyse le rôle central du leadership dans les équipes de développeurs, en mettant l'accent sur l'influence critique des leaders sur la satisfaction au travail des développeurs et sur les implications plus larges pour la performance des entreprises tech. L'avènement des méthodologies agiles de DSI, telles que Extreme Programming et Scrum, a nécessité un changement dans les comportements de leadership. Le modèle traditionnel de contrôle formel et hiérarchique cède la place à un modèle agile. Ce nouveau modèle prône l'auto-organisation et la collaboration. Il met également l'accent sur la fourniture d'un retour d'information par le biais d'un coaching intensif. Ce changement soulève des défis pour les chefs d'équipe concernant la gestion des relations interpersonnelles au sein des équipes. En particulier, les chefs d'équipe doivent trouver un équilibre entre les besoins variables des membres de l'équipe. Ils doivent aussi gérer l'allocation des ressources limitées du leadership.
Cette étude se penche sur le concept de différenciation de l'échange leader-membre (LMX). Elle souligne son potentiel à la fois d’améliorer et de perturber une équipe et la satisfaction au travail des individus. La différenciation LMX parle de la variabilité de la qualité des relations entre les managers et les membres de l'équipe. Cette différenciation peut être perçue soit comme bénéfique, en récompensant et en orientant les ressources de manière efficace, soit comme discriminatoire, en entraînant des conflits et une diminution de la satisfaction au travail. Les résultats flous de la littérature existante soulignent la complexité de son impact sur les équipes de DSI.
Dans ce contexte, cette recherche examine comment la différenciation LMX et l'échange entre les membres de l'équipe (TMX) influencent la satisfaction des développeurs au sein des équipes agiles de la DSI et explore les processus d'équipe qui pourraient atténuer les effets de la différenciation LMX. L’étude avait une approche mixte, avec une enquête auprès de 1 894 développeurs dans 217 équipes agiles et une étude de cas consistant en 40 entretiens avec des développeurs et des chefs d'équipe de cinq équipes. Cette recherche identifie comment des processus d'équipe spécifiques peuvent tirer parti des avantages de la différenciation LMX pour améliorer la satisfaction des développeurs.
Les résultats offrent des implications théoriques et pratiques significatives concernant le leadership et la dynamique d'équipe dans le DSI agile. D'un point de vue théorique, ils remettent en question et élargissent la littérature existante en soulignant l'importance de la différenciation LMX et de son interaction avec le TMX dans les équipes de DSI agiles :
1. Différenciation du LMX au sein des équipes : Contrairement aux recherches antérieures qui supposent souvent des comportements de leadership uniformes pour tous les membres de l'équipe, cette étude souligne l'importance de la différenciation stratégique des relations interpersonnelles par les chefs d'équipe. Elle révèle que la différenciation LMX, lorsqu'elle est associée à un TMX de haute qualité, permet une allocation plus efficace des ressources, où les membres clés reçoivent plus de soutien mais partagent ces avantages avec l'équipe. Cette approche améliore ainsi la satisfaction du développeur au travail et au sein de l'équipe.
2. Processus d'équipe spécifiques au contexte : Cette recherche identifie des mécanismes spécifiques intégrés dans les pratiques agiles qui permettent aux équipes de bénéficier de la différenciation LMX. Ces processus - la collectivisation des ressources, l'appréciation visible des privilèges et la libération des capacités du leader - sont propres aux environnements agiles et suggèrent que les pratiques agiles peuvent faciliter de manière unique les résultats positifs de la différenciation LMX, contrairement à d'autres contextes professionnels.
D'un point de vue pratique, les résultats offrent des conseils sur la manière de gérer efficacement les équipes de DSI agiles :
1. Investissement des ressources sélectif : les managers devraient envisager de différencier leur investissement dans les membres de l'équipe en fonction de leurs rôles et de leurs contributions. Cette approche nécessite toutefois un équilibre pour éviter les perceptions d'injustice, en particulier dans les équipes dont la qualité du TMX est plus faible.
2. Amélioration de la qualité du TMX : le succès des stratégies de leadership différencié est fortement influencé par la qualité du TMX au sein de l'équipe. Les managers doivent cultiver un environnement où les ressources sont partagées et la collaboration encouragée, afin de maximiser les avantages des pratiques agiles.
3. Adaptation du leadership en fonction du TMX : dans les environnements où le TMX est faible, les managers pourraient être amenés à adopter une approche plus uniforme du leadership et de la distribution des ressources afin de maintenir la cohésion et les performances de l'équipe.
Référence :
Venkatesh, V., Thong, J.Y.L., Spohrer, K., Chan, F.K.Y., Arora, A., Hoehle, H., & Venkatraman, S. (2023). Equality Does Not Make You Happy: Effects of Differentiated Leader-Member Exchange and Team Member Exchange on Developer Satisfaction in Agile Development Teams. MIS Quarterly, 47(3), 1239-1270. [https://doi.org/10.25300/MISQ/2022/15358]