Avec ESSEC Knowledge Editor-in-chief
En 2018, Stefan Gröschl, professeur à l’ESSEC, et le chef d’entreprise et athlète de l'extrême Benedict Böhm ont uni leurs forces pour écrire « From the Death Zone to the Boardroom ». Leur ouvrage examine les expériences et les réflexions de Ben en tant qu'athlète de l’extrême dans le cadre d’ouvrages académiques et de recherche dans un large éventail de disciplines au-delà de la littérature générale sur les affaires et le management. Leurs différents parcours ont renforcé les liens entre les sports extrêmes et les idées qui encadrent et façonnent les comportements humains et les pratiques et processus organisationnels. Aussi différentes que puissent paraître les expériences d'un athlète de l’extrême et d’un manager, le monde des affaires peut beaucoup apprendre sur le comportement humain et les pratiques organisationnelles à partir des leçons tirées de la « zone de la mort » des sports extrêmes.
Comment atteindre l’impensable et réaliser des objectifs exceptionnels est non seulement un processus important dans les sports extrêmes, mais aussi un processus essentiel pour le développement professionnel des leaders. Professeur Stefan Gröschl l’explique ainsi : « Les leaders veulent travailler à la réalisation des objectifs seulement quand ils ont les compétences et connaissances nécessaires. Face aux situations où les méthodes et processus connus sont limités, les décideurs veulent se concentrer sur des objectifs d'apprentissage spécifiques et difficiles ».
Alors que les décideurs et les organisations opèrent aujourd'hui dans un monde de plus en plus incertain, la plupart des entreprises et leurs leaders continuent d'être extrêmement mal préparés à l'imprévisible. En séparant les causes et les effets dans le temps et dans l'espace et en reconnaissant les effets contradictoires des solutions à court et à long terme, nous pouvons construire une vision du monde plus complexe qui remet en question la certitude déterministe des actions et de leurs résultats. Selon le Prof. Gröschl,« il est important de comprendre le rôle de la chance dans les succès et les échecs et la légèreté dont les décideurs ont besoin face au monde de plus en plus complexe et incertain ».
Gröschl et Böhm vont au-delà des « sujets attendus » des manuels de commerce et de management en traitant des sujets comme la peur, la douleur, la souffrance et l'échec. Ils apportent des idées uniques et des perspectives alternatives sur la gestion de soi et des autres. Être capable de distinguer entre les angoisses de l'inconnu et de l'inattendu et les craintes du connu et de l'attendu aide les décideurs à se concentrer sur ce qui est contrôlable et gérable. Si elle n'est pas maîtrisée, la peur peut conduire à des décisions irrationnelles et influencer notre jugement. La peur n'est pas seulement un signal d'alarme physique : lorsqu'elle est gérée correctement, elle peut servir d'outil d'auto-analyse et de méthode de motivation. Cela signifie qu'il est essentiel de comprendre les déclencheurs de vos peurs pour développer une meilleure conscience de soi et comprendre comment ces sentiments peuvent influencer les comportements liés à la prise de décision, comment vous évaluez votre avenir et comment vous interagissez avec vos collègues. Non seulement il est important de comprendre votre propre peur, mais il est également utile pour les dirigeants de cultiver un environnement où les gens peuvent partager leurs craintes afin de mieux les soutenir.
Il est également essentiel de ne pas se laisser submerger par la peur de l'échec. L'échec est un sujet contre lequel les entreprises sont profondément biaisées. Bien qu'il s'agisse d'un sujet tabou, c’est peut être l'occasion d’y voir une opportunité de développement professionnel et personnel ainsi que d’apprentissage au changement individuel et organisationnel, plutôt qu’une occasion de blâmer.
Tout comme la peur et l'échec, les spécialistes de management ont rarement exploré le rôle de la conscience de la mort, de la mort elle-même, de la mortalité et de la souffrance en milieu organisationnel. Lorsque ces sujets ont pu être abordés, c'est uniquement pour se concentrer sur leurs implications et leurs conséquences négatives sur le milieu du travail. Les auteurs montrent que le fait de faire face aux expériences de la mort peut avoir un impact positif sur les employés quant à la conscience de soi, la volonté, la prise de décision et les comportements génératifs. La canalisation des comportements génératifs par des processus organisationnels tels que les programmes de mentorat et de parrainage peut être très bénéfique pour les employés et les cadres plus jeunes et moins expérimentés. Les réflexions sur la mort sont des moyens efficaces pour vérifier la réalité car elles vous aident à réaliser ce qui compte vraiment dans la vie - ou comme l'a expliqué Steve Jobs, « se souvenir que je serai bientôt mort est l'outil le plus important que j'ai jamais rencontré pour m'aider à faire les grands choix de la vie ».
En termes de souffrance, le bon niveau de stress peut activer un cocktail neurochimique qui crée un sentiment de contentement et de sérénité ou une « ivresse du travailleur ». La souffrance physique peut être utilisée comme un moyen de se déconnecter, d'entraîner la volonté, de développer l'endurance mentale et le courage, et de renforcer la résilience. Cette plus grande maîtrise de soi influence positivement les processus de prise de décision au travail et dans sa vie personnelle.
La plupart des managers ne se sont probablement jamais tournés vers un athlète de l’extrême pour obtenir des conseils sur la manière d'améliorer leur vie professionnelle. À première vue, les deux sont des mondes différents, et en effet, la vie d'un athlète de l’extrême et celle d'un chef d'entreprise sont très différentes. Mais la beauté de l'expérience humaine est que nous avons entre nous plus en commun que nous le pensons, et cela est vrai ici. Les thèmes hors des sentiers battus et les éléments qu’apporte ce livre incitent à la réflexion et remettent en question les mentalités commerciales traditionnelles, en montrant que plus de croissance est possible et que la vie est une aventure, que vous soyez dans la zone de la mort ou dans une salle de conférence.