Le Boeing 787 est à la pointe de l’innovation aéronautique : il est plus léger, le fuselage en fibre de carbone et le nouveau système électrique ont été spécialement conçus pour que l’avion consomme 20 % de kérosène en moins que son prédécesseur, le Boeing 767. Économique, écologique et confortable, l’avion appelé Dreamliner se promet de changer notre vision des transports aériens.
Le rêve aéronautique aurait-il viré au cauchemar ? Il faut dire que le 787 a connu son lot de revers. Il y a déjà eu des retards dans la production et dans la livraison, puis toute la flotte a été maintenue au sol le 16 janvier 2013 après qu’une batterie en surcharge ait pris feu, tandis qu’un autre vol de All Nippon Airways s’est terminé en atterrissage d’urgence et en évacuation des passagers par les toboggans. Depuis, le système électrique, l’élément révolutionnaire de l’appareil, est soumis à une enquête, tout comme le cockpit.
Il n’est pas nécessaire de rappeler que le Boeing 787 a été largement critiqué par les médias ces dernières semaines. Mais les médias n’auraient-ils pas été trop prompts à semer la panique à propos de la navigabilité du nouvel avion ?
Alain Thiétart, professeur distingué de management et expert en management stratégique, affirme qu’il faut laisser ses problèmes techniques à leur place et ne pas se laisser influencer par les reportages catastrophistes des médias.
« D’un point de vue stratégique, Boeing gagne à maintenir cette technologie en usage. Le Dreamliner est le fleuron de son époque et sera ces prochaines années à l’avant-garde de l’innovation pour les avions de ligne. Il est donc compréhensible que, lors du lancement d’un appareil tellement sophistiqué, de petits incidents se produisent, comme c’est le cas. »
En effet, de nombreux spécialistes de l’aviation considèrent des difficultés initiales comme normales pour un avion qui vient juste d’arriver sur le marché. Mais dans le cas présent, si l’on prend en compte tous les retards de production et livraison, on peut dire que Boeing a cédé à la pression en commercialisant un appareil qui n’était pas encore tout à fait au point.
Comme l’explique le professeur Thiétart, « les retards de lancement dus à l’installation de technologies multiples à grande échelle peuvent avoir poussé Boeing à sortir un avion innovant comprenant un ensemble complexe de nouveaux composants sans avoir complètement tiré les leçons de l’expérience. Néanmoins, les incidents qui se sont produits se résorbent rapidement la plupart du temps et n’affectent pas la rentabilité ni les performances de l’appareil dans son ensemble. »
Cela fait désormais plus d’une semaine que les avions sont cloués au sol : cela aura-t-il des effets à long terme sur Boeing ? C’est surtout cet avion qui a permis à Boeing de supplanter Airbus en termes de commandes et de livraisons, pour la première fois depuis 2002, et Boeing continuera à faire plus de livraisons grâce au Dreamliner. Est-ce que les commandes seront affectées par les évènements des dernières semaines ?
« L’enjeu est important pour Boeing, il s’agit de trouver rapidement et avec certitude ce qui ne va pas avec le Dreamliner, ce qui conduit à de gros paris sur le succès de l’avion, ajoute le professeur Thiétart. Je pense que Boeing réussira cette épreuve, comme l’entreprise l’avait déjà fait par le passé. Mais si elle n’agit pas assez vite, ce retard peut lui être fatal. »