Un logiciel qui favorise la créativité ?

Un logiciel qui favorise la créativité ?

Extrait de l’article :  «Supporting Creative Problem Solving with a Case-Based Reasoning System », publié dans le Journal of Management Information Systems (JMIS) et co-écrit avec Berend Wierenga (Rotterdam School of Management).

La production d'idées créatives - autrement dit nouvelles et utiles - constitue le cœur de la capacité d'une organisation à innover. En tant que telles, les idées créatives sont la quintessence de la survie dans des environnements hautement compétitifs. Dans ces conditions, comment les organisations peuvent-elles augmenter leurs capacités créatrices ?

Même les savants renommés admettent qu'il y a encore beaucoup de zones d’ombre dans les études sur la créativité et son fonctionnement. Cela explique pourquoi la formation à la créativité sa pratique sont encore assez rares en milieu éducatif. Pour beaucoup de savants, il reste, au sein des organisations une croyance sous-jacente - comme l’illustrent mes recherches sur « la capacité créatrice » : la créativité serait une caractéristique innée plutôt que le résultat d’un apprentissage. Par conséquent, une stratégie habituelle pour stimuler la créativité au sein d'une organisation consiste à embaucher des personnes reconnues pour leur créativité.

Comme je l’ai montré dans mes recherches sur la performance créative, cette stratégie fonctionne mieux dans certains secteurs - comme la publicité, par exemple - où les employés hautement créatifs sont la norme. Cependant, des employés dans toutes sortes d'industries et d’organisations doivent faire face à des problèmes de conception qui nécessitent des solutions créatives, qu’il s’agisse de la conception d'un nouveau produit, d’une campagne de marketing, ou d’un plan stratégique. Si la fibre créatrice ne vient pas naturellement à eux, est-il possible de faire émerger artificiellement une réponse créative ?

Le logiciel comme solution

Depuis les années 1970, les systèmes d'aide à la décision (DSS) ont émergé pour aider les individus et les organisations, leur proposant des processus de prise de décision par  classement et tri des choix alternatifs, sur la base de « what-if » et de « data-driven simulations ». Toutefois, dans la mesure où la plupart des systèmes d’aide à la décision reposent sur des données quantitatives et des analyses, ils proposent des plans d’aide à la prise de décisions qui sont relativement structurés.

Pour véritablement travailler sur la créativité à partir d’un logiciel, il faut penser différemment : plutôt que de réduire le nombre de décisions possibles jusqu'à ce que seule la meilleure alternative apparaisse, les outils d'aide à la créativité permettent d’élargir l'ensemble des décisions possibles. Les premières idées que les personnes génèrent sont généralement les plus évidentes. Quand ils sont stimulés pour explorer l'espace des possibles de manière plus approfondie, les logiciels comme les personnes proposent des solutions plus originales.

Nos cerveaux « produisent » des solutions créatives en se souvenant et en combinant des éléments de connaissance. Un manager pourrait par exemple utiliser des analogies, ou se souvenir de situations passées semblables pour résoudre de nouveaux problèmes. Pour les individus créatifs, cette capacité de combinaison s’exprime naturellement. Les systèmes de raisonnement fondé sur les cas (CBR) peuvent aider à stimuler ces associations mentales en reprenant toutes les sources d’inspiration préalablement disponibles.

A quel moment les systèmes de raisonnement sont-ils plus efficaces pour stimuler la créativité?

Notre recherche expérimentale, qui porte sur la conception d'une campagne de promotion des ventes pour une marque de bière existante, fait apparaître des effets positifs pour les individus avec des capacités créatives limités, mais pas pour des individus très créatifs. En d’autres termes, l’efficacité des systèmes de soutien à la créativité dépend de la capacité créatrice de l'individu. Un modèle unique ne convient pas à tous.

Pour des résultats optimaux, les systèmes CBR devraient reposer sur des ensembles de données très diversifiés, incluant par exemple les campagnes de publicité antérieures, mais aussi des analogies plus lointaines comme les campagnes antérieures pour d’autres types de produits. Les résultats montrent un impact positif d'un tel système CBR sur le potentiel créatif des solutions proposées par les personnes à faible capacité créatrice. En outre, plus le système CBR brasse d’informations, plus il est capable de stimuler la créativité.

Cependant, les analogies avec des cas distants ou sensiblement différents doivent être traitées avec prudence. Nos résultats suggèrent que les gens peinent parfois à voir la pertinence des analogies lointaines pour résoudre la tâche à accomplir et, en tant que tels, ces cas éloignés peuvent distraire plutôt que faciliter. Mais quand les individus parviennent à s’inspirer des analogies lointaines, les solutions proposées pour la campagne ont tendance à être parmi les plus créatives.

Les clés de la refonte de la division du travail entre les individus et les machines

Bien que l'utilisation des connaissances existantes pourrait sembler contre-productive pour faire émerger quelque chose de nouveau, notre recherche montre que les idées créatives et novatrices sont souvent ancrées dans les connaissances actuelles. Plus important encore, notre recherche souligne que les organisations ne doivent pas compter sur les seuls individus créatifs comme sources de la créativité.

Les organisations qui cherchent à repenser l’organisation du travail entre les individus et les machines peuvent facilement suivre l'approche présenté dans cet article, en utilisant leur propre ensemble de données, afin de stimuler la créativité de  ceux dont la  capacité créatrice innée est limitée. Il existe d’ailleurs de nombreux exemples de problèmes de conception qui sont compatibles avec la conception de campagnes de promotion évoquée précédemment. Je pense en particulier à conception de campagnes publicitaires, de nouveaux produits, d’emballages, de logos, et même de plans stratégiques. Ces problèmes faiblement structurés, pour lesquels des cas antérieurs sont disponibles, peuvent grandement bénéficier de la collecte, de l’indexation, et du stockage de données dans un système CBR pour faire émerger des solutions créatives.

Extrait du Hors Série ESSEC Knowledge: 

Suivez nous sur les réseaux