Les défis des constructeurs automobiles à l’heure de l’Électromobilité 2.0

Les défis des constructeurs automobiles à l’heure de l’Électromobilité 2.0

Depuis la fin de l’année 2015 fleurissent de nombreuses études de marché et rapports sur le futur du marché de la mobilité. Cet élan d’activité de recherche dans ce domaine est en partie lié à la tenue de la COP21 à Paris en novembre dernier. En effet, cet événement fut l’occasion de souligner l’importance majeure des questions relatives à la mobilité, et les impacts que celle-ci pourrait avoir sur la capacité du monde à adopter une croissance économique durable, qui prendrait en compte le réchauffement climatique, la rareté des ressources énergétiques propres et accessibles, et l’urbanisation croissante. Mis à part cet effet COP21, le futur de la mobilité soulève de nombreuses questions auxquelles les constructeurs n’ont pas encore apporté de réponse.

Les véhicules électriques, un marché en croissance pour les constructeurs automobiles

D’une part, la prise de conscience générale en matière de lutte contre le réchauffement climatique permet l’établissement d’un contexte favorable pour l’industrie automobile productrice de véhicules électriques. Les constructeurs, en fabricant des véhicules moins polluants lors de leur utilisation, suivent le pas des gouvernements, qui mettent en place de plus en plus de mesures restrictives contre les émissions de CO2. Cette tendance s’inscrit par ailleurs dans une vague de progrès technologiques majeurs dans les domaines des batteries et des infrastructures de recharge, offrant encore plus d’arguments au choix d’un véhicule électrique. Par conséquent, on assiste à une croissance exponentielle de ce marché : en France par exemple, entre 2015 et 2016, l’immatriculation de VE a augmenté de 64%, dépassant le seuil des 1% du total des voitures vendues. Ceux qui profitent le plus de ces opportunités sont les grands constructeurs automobiles historiques, comme Renault-Nissan, General Motors ou Mitsubishi, qui recouvrent à eux seuls près de la moitié du marché mondial. Pour ces différentes raisons, les acteurs de l’industrie automobile se trouvent donc actuellement dans une position favorable pour définir leur offre et leur ecosystème associé.

La mobilité de l’électrique, un véritable terrain de jeu pour les nouveaux acteurs

D’autre part, la croissance effrénée des grandes villes et autre smart cities entraine un désintéressement du consommateur pour les offres de mobilité classique basée sur la propriété d’un véhicule privé, et l’amène à adopter des solutions alternatives pour se déplacer. En premier lieu, on pourrait croire que ce changement s’effectue aux dépens des entreprises traditionnelles de l’industrie automobile car il entraine l’émergence de nouveaux acteurs, provenant plutôt du secteur des services. Ces nouveaux acteurs englobent aussi bien des grandes entreprises historiquement installées sur le territoire, que des startups issue de secteurs très différents qui participent activement à la création de nouveaux écosystèmes élargis dans le domaine de la mobilité. Apple, Google et IBM ont acquis ces dernières années une expertise majeure sur les sujets de technologies digitales et de gestion de l’information ; Uber, Autolib et Blablacar quant à eux sont des acteurs importants des secteurs disruptifs que sont le car-sharing et le car-pooling ; Tesla, Vinci et ABB enfin sont les trois investisseurs principaux sur le développement du réseau de rechargement de batteries et d’infrastructures intelligentes et connectées. Tous ces acteurs , plus enclins aux économies ouvertes et collaboratives n’hésitent pas à signer des alliances stratégiques globales qui permettraient à terme couvrir tout le spectre de la chaîne de valeur de la mobilité électrique, et aussi à s’accaparer le marché en offrant des solutions standardisées de services à leurs consommateurs. Dans ce contexte, d’émergence et de disruption, les constructeurs automobiles ne se retrouvent pas immédiatement en position favorable.

Paver la voie à une industrie émergente

Ces tendances pavent la voie à une industrie émergente que Donada et Attias (2015) [1] ont qualifiée d’ « Électromobilité 2.0 ». Ce terme ne se restreint pas au développement d’un marché de la voiture électrique, il se réfère aussi à celui des batteries, aux systèmes d’’intégration des véhicules au réseau (vehicle-to-grid), aux services de mobilité collaborative (car-sharing et car-pooling), aux infrastructures de recharge et plateformes de services dédiées, et bien évidemment à l’adoption de politiques publiques et de régulations adaptées. Développer l’Électromobilité 2.0 signifie créer la mobilité du futur et faire croitre une industrie émergente.

Paver la voie aux chercheurs de l’ESSEC

Au sein de la Chaire Armand Peugeot, les chercheurs de l’ESSEC et de CentraleSupélec étudient le développement de l’industrie de l’Électromobilité 2.0 avec le soutien du Groupe PSA. Lors de la 3ème conférence internationale de la chaire (organisée sur le campus de l’ESSEC à Singapour en Décembre 2015), plus de 90 universitaires et experts professionnels se sont réunis pour présenter leurs travaux et discuter des nombreux enjeux de la croissance et de la durabilité de cette industrie émergente de l’Électromobilité 2.0. Ils ont porté une attention sur :

  • Les changements des comportements des consommateurs et leurs besoins en mobilité
  • Les changements de business model des constructeurs automobiles
  • Les pportunités commerciales et les nouveaux concurrents
  • L’intégration en réseau et les enjeux liés aux batteries électriques
  • Les enjeux relatifs aux politiques publiques, à la régulation et à la standardisation

Les différentes conclusions présentées lors de la conférence ont fait ressortir des questions stratégiques urgentes pour les constructeurs automobiles : Comment le consommateur passe de la simple propriété d’un véhicule particulier à un nouveau mode de mobilité alternative lié à une offre élargie ? Quels sont les principaux facteurs de cette évolution et quelles en sont les conséquences ? Quel business model doivent adopter les leaders de l’industrie automobile pour continuer leur développement et s’assurer une position de premier rang dans le nouvel écosystème de l’Électromobilité 2.0 ? Ce sont les différentes questions sur lesquelles travaille activement la Chaire Armand Peugeot.


[1] Donada C., et Attias D. (2015), « Food for thought : Which organization and governance to boost radical innovation in the Electromobility 2.0 industri ? », International Journal of Automotive Technology Management, 15, 2, 105-125

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