Les histoires qui ont fait la une ces dernières semaines relatent par exemple la pression exercée par Philip Morris sur le Parlement européen dans le cadre de l’examen de la directive européenne anti-tabac, qui visait notamment à interdire l’utilisation d’arôme forts suspectés d’inciter les jeunes à fumer. On a également remarqué les donations de BMW au parti conservateur d’Angela Merkel, quelques jours avant le vote d’une directive défavorable aux constructeurs automobiles, dont l’objet est de limiter le niveau des émissions de CO2 et de pénaliser les grosses cylindrées.
Non seulement la fonction des lobbies est largement incomprise, mais en plus elle évolue rapidement et joue un rôle plus grand que jamais dans la sphère publique.
Un nouveau rôle dans le paysage digital
En effet, avec un univers digital qui facilite la sociabilité, la discussion et la conversation, l’aire publique et l’aire privée ont convergé. Aujourd’hui, les blogs, Facebook et Twitter ont aidé à façonner l’opinion publique tout en faisant gagner du pouvoir aux groupes d’intérêts. Ce nouvel environnement apporte un changement concret dans les mondes du lobbying et de l’élaboration des politiques.
Traditionnellement, le lobbying était directement centré sur les décideurs et les élus officiels, que ce soit à l’échelon européen, national ou local. Cependant, ce modèle traditionnel ignore l’emprise que la société civile peut avoir sur l’élaboration des politiques. En fait, ces représentations ne correspondent pas pleinement aux aspirations démocratiques de citoyens qui souhaitent faire entendre leur voix, s’investir et intervenir. Or, le courant actuel sur les normes européennes concernant le respect de la vie privée est un exemple frappant de cette nouvelle réalité.
En effet, il y a de cela quelques semaines, la commissaire européenne en charge de la Justice Viviane Reding se heurtait à un mur en essayant de pousser une nouvelle loi de protection des données personnelles. Mais l’affaire Edward Snowden est venue porter un impact décisif sur l’opinion publique. Et dans ce cas, l’opinion publique a contribué a donner un coup de fouet aux lobbyistes pour faire avancer une politique tout en gardant le bien commun à l’esprit. Aujourd’hui, Deutsche Telekom, la plus importante société de télécommunications en Allemagne, fait du lobbying auprès du gouvernement pour renforcer la protection de la vie privée. La proposition législative de Mme Reding est en train de gagner le soutien de la France et de l’Allemagne, et doit quelques remerciements à l’indignation publique provoquée par le scandale de la NSA.
Le besoin de transparence dans nos démocraties modernes participe à la mise en lumière des façons de faire du gouvernement et de l’élaboration des politiques. Comme le Printemps arabe l’a illustré en 2011, Internet et les réseaux sociaux ont fait émerger une sorte de démocratie digitale. Dès lors, les contenus des lois sont de plus en plus fortement influencés par l’opinion publique et ils sont exposés au jugement de tous. Ainsi, le rôle des lobbyistes évolue puisque que ces professionnels apprennent à en tirer parti et à tisser des liens avec le grand public.
Vers une nouvelle identité et une reconnaissance
Le scandale se produit – et l’image des lobbyistes se ternit – par désir de transparence et de régulation. Vouloir rendre le travail des lobbyistes plus transparent signifie reconnaître l’importance de leur rôle dans la société. De même au sein des entreprises : bien trop souvent, les lobbyistes sont appelés pour répondre au moment de crises, et ce trop tardivement pour pouvoir améliorer la situation. Ces limites intrinsèques, qui bloquent leur efficacité, doivent évoluer.
Le système de demain devrait être celui dans lequel les lobbyistes pourront efficacement jouer leur rôle, partager leurs informations avec les preneurs de décisions et les leaders d’opinion, tout en évitant les conflits d’intérêts et les compromis. En fait, les lobbyiste devraient être décrits plus pertinemment comme des diplomates d’entreprises, parce que le lobbying se veut un outil dans la démocratie comme un moyen d’impliquer la société civile et les postes de décisions économiques dans le processus d’élaboration des politiques ».
Il faut dénoncer toutes les subversions du système et faire appel aux vertus de la « diplomatie des organisations. Ne devons-nous pas renforcer le poids de systèmes déjà en place, comme par exemple ce qui se fait au Québec sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme ? Il faut nous poser des questions difficiles concernant le renforcement des cadres existants dans l’Union Européenne.
En Europe, des procédures de sauvegarde entraîneront plus de transparence dans les processus, une plus grande circulation de l’information et particulièrement un système de contrôle et d’équilibre des pouvoirs au sein de la Commission elle-même, ainsi qu’entre le Parlement européen et les États membres réunis au sein du Conseil. En effet, alors que les attentes du public envers des prises de décisions transparentes sont chaque jour plus pressantes et plus explicites, tant les lobbyistes que les représentants publics ont intérêt de souscrire à toutes les réformes menant à une meilleure transparence.