Rio + 20 : le verre est (déjà) à moitié plein

Rio + 20 : le verre est (déjà) à moitié plein

Ayant assisté au troisième forum sur les Principes pour une éducation au management responsable (PRME) et sur l’entreprise durable organisé par le Pacte Mondial des Nations Unies, je voudrais apporter un avis contraire par rapport à la représentation conventionnelle du sommet de la terre Rio + 20.

La vision populaire fait de Rio + 20 un immense rassemblement d’acteurs impuissants, souffrant du décalage horaire et coincés dans les embouteillages ; en outre leurs belles paroles sur le développement durable ne se traduiraient pas par des engagements et des actions concrètes. Mon opinion est à l’inverse : ceux qui attendent un accord mondial de la part des dirigeants politiques et du monde des affaires, établi en quelques jours seulement, avec des objectifs ciblés et développant des politiques spécifiques, ceux-là attendent trop. Si l’on se base sur ces attentes irréalistes pour juger le sommet de Rio, il est évident que celui-ci est un échec.

Néophyte arrivé dans la discussion sur le développement durable, je suis allé à Rio avec un regard neuf et des attentes plus réalistes. En toute honnêteté, je dois dire que j’ai été favorablement impressionné par ce que j’y ai vu et entendu.

Tout d’abord, c’est un exploit extraordinaire que de rassembler quelque 45 000 participants1, venant de 18 pays et représentant aussi bien leur gouvernement qu’une large partie de la société, dans le but de discuter du développement durable en tant que tel. En outre, les 4 000 journalistes qui sont venus du monde entier à Rio ont contribué à mettre en valeur cette notion. Ils ont aidé l’humanité à prendre conscience d’une situation préoccupante : nous vivons tous ensemble sur cette planète, qui est unique ; par conséquent, il est de notre devoir de la protéger.

Comme le sait tout étudiant qui a suivi des cours de changement organisationnel, pour qu’un changement durable et authentique se produise, il faut qu’il y ait eu au préalable une période, plus ou moins longue, de dégel, où la parole est primordiale. Contrairement aux pessimistes, je pense que nous devrions nous réjouir de l’existence d’une agora mondiale où nous pouvons faire du développement durable un défi commun, partager des expériences, échanger des idées et s’engager moralement les uns envers les autres.

Le troisième forum sur les PRME a rassemblé plus de 300 représentants d’institutions d’enseignement du management sur deux jours2. Si l’absence d’école américaine de haut niveau a été à juste titre remarquée3, cela ne signifie pas pour autant que le monde du management dans son ensemble fait la sourde oreille ou manifeste seulement un intérêt de pure forme pour le développement durable. À nouveau, comme le sait tout étudiant qui a suivi des cours d’innovation, les acteurs dominants dans un secteur sont souvent peu portés sur l’innovation. La nouveauté émerge presque toujours depuis la périphérie et ne rejoint la tendance générale qu’une fois qu’elle a du succès.

Deux issues concrètes du troisième forum sur les PRME sont à noter. L’ « Agenda 50 + 20 »4, un projet collaboratif de plusieurs institutions d’enseignement du management, dont l’ESSEC, met en relief un nouveau modèle qui place le développement durable au centre de l’enseignement, de la recherche et des activités de sensibilisation. Les écoles participantes s’engagent à mettre en place cet agenda et à encourager les autres écoles à faire de même. La « Déclaration sur la contribution des institutions d’enseignement supérieur et des écoles de commerce pour le futur que nous voulons »5 renforce les Principes d’éducation au management responsable et met un accent particulier sur le développement durable. Afin de motiver encore plus les écoles à agir, la déclaration invite les organismes d’accréditation et les éditeurs de classements sur les écoles de commerce à intégrer le développement durable dans leurs critères et leurs indicateurs de performance. Le Pacte mondial des Nations unies invite les présidents et les doyens à signer la déclaration et à faire des actions volontaristes et accessibles au public pour promouvoir l’agenda du développement durable.

Le forum de la durabilité d’entreprise a reçu plus de 3 000 délégués. Le nombre des participants, la diversité géographique et sectorielle ainsi que le niveau de représentation des entreprises étaient impressionnants. Des dizaines de dirigeants de grandes entreprises des cinq continents ont fait le voyage jusqu’à Rio et ont participé à des centaines d’ateliers et de sessions. Vu le coût en argent et en temps, il est difficile de croire que tous ces gens sont allés à Rio juste pour se montrer. Honnêtement, j’ai été impressionné par les efforts et les réalisations de nombreuses entreprises dans le domaine de la durabilité au sens large et j’ai senti que nous, écoles de commerce, avions un grand retard à combler. On peut objecter que les entreprises sont surtout intéressées par l’ « éco-blanchiment » et cherchent à utiliser la durabilité pour maintenir leurs bénéfices. Si cette affirmation peut être vraie, je dois néanmoins admettre que j’ai senti que certains dirigeants d’entreprise avaient une conscience claire et un engagement authentique pour le développement durable. D’autre part, je n’ai pas de problème avec le fait que certains dirigeants ne voient le développement durable que dans l’optique du profit. Au contraire, nous devrions nous réjouir que de plus en plus d’entreprises comprennent la valeur économique de développement durable. Pourquoi l’intérêt personnel et l’engagement moral seraient-ils incompatibles ?

Si j’avais pu assister à d’autres évènements, mon impression positive sur le sommet Rio +20 n’en aurait été que renforcé. Ceux qui préfèrent voir le verre à moitié vide devraient se souvenir que cela dépend de chacun de remplir l’autre moitié. Les gouvernements et les entreprises iront aussi loin que nous, les peuples, voudront qu’ils aillent. N’oublions pas que ni les gouvernements ni les entreprises ne sont des agents moraux. Seuls les individus peuvent émettre des jugements moraux et doivent par conséquent répondre de leurs actions. Cela implique qu’il dépend de chacun de nous de distinguer le bien du mal et d’adapter notre comportement en conséquence. Le manque de projets et de politiques mondiales n’est pas une excuse pour nous exempter personnellement de jouer notre rôle. Arrêtons de nous plaindre de l’apathie des entreprises et des gouvernements et retroussons nos manches.

1  http://www.uncsd2012.org/content/documents/784rio20%20in%20numbers_final2.pdf

2  http://www.unprme.org/events/index.php?eventid=183

3  http://www.studentreporter.org/business-schools-not-ready-for-prime-time

4  http://50plus20.org/wp-content/uploads/2012/06/50+20_AGENDA_15June.pdf

5  http://www.unprme.org/resource-docs/3rdPRMEGFRioDeclaration.pdf

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