Les trois principales missions des professeurs en business school
Comme la majorité des chercheurs de l’enseignement supérieur, les professeurs de business school s’acquittent de trois principales missions: la recherche, l’enseignement et le service. Bien que les tâches relatives à l’enseignement et au service - donner cours, corriger les copies, conseiller les étudiants et participer aux différents conseils de gouvernance de l’école - représentent une part majeure de l’activité d’un professeur en business school, la recherche prend aujourd’hui de plus en plus d’importance dans les écoles, qui la mettent au coeur de leur stratégie. Les professeurs de ces écoles ont à coeur de développer le savoir dans leur domaine et de le partager, avec l’objectif d’améliorer les pratiques en entreprise.
Développer le savoir
Mais comment savoir ou même mesurer le volume de connaissances généré par une business school ou par l’un de ses professeurs ? Le nombre de publications dans les journaux académiques fondé sur l’examen par les pairs est l’un des indicateurs les plus répandus pour déterminer comment et par qui la valeur a été créée. La publication de ces articles passe par un processus d’évaluation rigoureux, qui comprend plusieurs étapes avec à chaque fois le recours à des relecteurs anonymes disposant d’une expertise semblable (les pairs), pouvant par ailleurs suggérer des modifications. Ce système d’examen par les pairs garantit que l’article correspond aux standards académiques les plus élevés en termes de méthode, de sources théoriques et de rigueur. Par conséquent, les articles qui sont publiés dans ces revues constituent des sources de connaissances précises et reconnues, à même de pouvoir éclairer les autres professeurs, les entreprises et la société en général.
La nécessité de publier
De plus, la publication d’articles dans les plus grandes revues académiques est devenue la voie royale d’évolution pour les professeurs de business school, et un moyen de déterminer leur statut au sein de leur communauté académique, et même au-delà. Dans le monde académique, ces publications jouent un rôle majeur dans les processus de recrutement, dans l’obtention de promotions et dans la recherche de financements. Elles ont par ailleurs un impact sur la façon dont sont classées les business school (par exemple, elles représentent un critère important dans les très influents classements du Financial Times, aussi bien pour les Global MBA que pour les Executive MBA). De ce fait, elles contribuent à l’attractivité d’une business school à la fois pour les étudiants, les employeurs et les professeurs. Autrement dit, la publication dans les revues de premier rang revêt aujourd’hui d’une importance cruciale pour les professeurs et leur école. Curieusement, chaque discipline enseignée dans ces écoles, que ce soit la comptabilité, la finance ou le marketing, compte assez peu de revues de premier rang dans lesquelles l’ensemble du corps académique souhaite absolument publier. Ces revues sont gérées par des éditeurs et des comités éditoriaux examinant les manuscrits qui leur sont envoyés en vue d’une publication, et décident ensuite lesquels seront acceptés et refusés. Il faut savoir que ces revues rejettent plus de 90% des manuscrits qu’elles reçoivent ! Si bien que leurs éditeurs peuvent être vus comme les gardiens du temple, dépositaires d’une influence considérable sur les différentes disciplines académiques.
La diversité dans le monde académique
Prenant en considération ce contexte, Christoph Endenich, professeur à l’ESSEC Business School au sein du département de Comptabilité et contrôle de gestion et Rouven Trapp, professeur à l’Université d’Ulm (Allemagne), attirent notre attention sur les différents profils académiques de ces chercheurs influents, et posent une question : Et si ces revues étaient dominées par des chercheurs aux profils semblables représentant un spectre restreint de disciplines (par exemple la comptabilité financière ou le contrôle de gestion) et utilisant les mêmes approches méthodologiques (par exemple l’expérimentation et les questionnaires) ?” [1] Il s’agit d’un enjeu important, sachant que ces profils académiques représentent un signal très fort envoyé par le journal, qui peut encourager les chercheurs avec des profils semblables à soumettre leurs travaux, et décourager ceux dont le profil diffère trop de celui des membres du comité éditorial. Par conséquent, lorsque les comités sont peu diversifiés, le manque de différents points de vue et de différentes approches méthodologiques peut participer à une homogénéisation du choix des publications qui ne sert pas le développement de la connaissance. D’autre part, la diversité dans le monde académique contribue à la compréhension plus globale de la réalité du monde de l’entreprise et de la société en général. Se fonder sur des méthodes de recherche et des théories variées permet d’aborder les différents enjeux importants pour les entreprises et pour la société sous des angles différents, et leur complémentarité peut permettre de dégager des points de vue nouveaux. En somme, comme dans d’autres domaines, au sein des équipes, des comités de direction ou dans le monde politique, la diversité dans la recherche académique est essentielle car elle permet de varier les approches et donc d’enrichir le savoir.
Au cours de ses travaux de recherche empirique, le professeur Endenich s’est consacré à l’étude des deux revues académiques les plus reconnues dans le domaine de la comptabilité : Contemporary Accounting Research et The Accounting Review. Il montre que si on s’intéresse à l’expertise méthodologique, un comité éditorial plus divers tend à accorder une plus grande variété dans la publication des articles. Ainsi, le professeur Endenich apporte un autre exemple démontrant que la diversité est nécessaire et que les efforts pour l’améliorer sont payants : les éditeurs qui font l’effort de diversifier leur comité éditorial en nommant des membres aux domaines d’expertise différents permettent in fine de choisir un ensemble plus varié d’articles académiques, plus à même de refléter fidèlement la réalité. Cela est d’autant plus vrai et nécessaire à l’heure où la complexité du monde ne fait que croître. Afin de souligner l’importance des travaux du professeur Endenich, les éditeurs de la revue Critical Perspectives on Accounting ont confectionné un numéro spécial [2] autour de son article, accompagné des commentaires avisés de six autorités du domaine de la recherche en comptabilité, venant du Canada, des Etats-Unis et du Royaume-Uni.
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[1] Endenich, C./Trapp, R. (2018): Signaling Effects of Scholarly Profiles – The Editorial Boards of North American Accounting Association Journals, in: Critical Perspectives on Accounting, Vol. 51, pp. 4-23.
[2] Endenich, C./Trapp, R. (2018): Toward an Overarching Signaling Framework – The Editorial Boards of North American Accounting Association Journals, in: Critical Perspectives on Accounting, Vol. 51, pp. 84-86.