Vous arrive-t-il souvent d’incorporer vos recherches à votre enseignement ?
Tout d’abord, pour rester dans l’esprit du management basé sur les données, j’aime à imaginer la salle de classe comme une entreprise et y expérimenter les théories dont nous parlons. Quand nous parlons des réseaux sociaux dans les entreprises, nous pouvons par exemple dessiner sur une carte en classe le propre réseau des étudiants et voir ce qu’il signifie. Nous pouvons même faire des expériences de crowdsourcing. À mon avis, les expériences grandeur nature et interactives devraient être couramment réalisées en cours car non seulement elles renforcent la participation de la classe, mais encore elles fournissent aux étudiants une expérience concrète et pratique des derniers concepts et théories en date dont ils pourront avoir besoin une fois dans la vie active.
Les étudiants ont besoin d’être talentueux pour que les recherches que je leur présente, parmi celles que j’ai publiées, soient exploitables et tournées vers la pratique. Ainsi, je fais souvent référence à l’article intitulé « The Darwinian Workplace » et paru dans Harvard Business Review, parce qu’il met en lumière un problème tout à fait réel pour les entreprises et avec des conséquences pratiques : la compétition entre les employés d’une entreprise a ses avantages et ses inconvénients, donc comment parvenez-vous à maintenir l’équilibre ?
Quels sont les avantages retirés ?
Les étudiants, quand ils cherchent à répondre à la question « comment parvenez-vous à maintenir l’équilibre ? », se rendent très vite compte que le management, tout comme la recherche, porte sur l’expérimentation. Dans mes domaines, la sociologie et la théorie des organisations, vous pouvez dire aux managers ce qu’ils peuvent essayer de faire, mais l’expérience ne garantit pas le succès, qui dépend toujours du contexte. Je montre à mes étudiants des modèles et des relations de données, et les aide à interpréter ces modèles ainsi qu’à les relier à des théories existantes. Cela dit, ce n’est pas parce que vous théorisez ces mêmes modèles qu’ils vont forcément fonctionner dans votre entreprise –c’est une leçon importante pour un futur dirigeant d’entreprise.
Je pense que les étudiants apprécient aussi la diversité de mon parcours académique. Je l’ai en effet commencé dans l’ancienne Union Soviétique en travaillant sur les projets de recherche de quelques universitaires européens. J’ai fait ensuite mon master à l’Université de Warwick au Royaume-Uni et mon doctorat à l’Université Stanford aux États-Unis. Les anecdotes, tirées de ces expériences, que je raconte en classe donnent vie au sujet traité et montrent sa réalité.
Enfin, j’essaie d’enseigner le management basé sur les données. J’apprends aux étudiants à la manière d’aborder les données qui les entourent –et à l’heure actuelle les entreprises sont confrontées à de plus en plus de données- et de les utiliser intelligemment pour en tirer des calculs pouvant s’appliquer à leur entreprise. Je leur apprends à faire des expériences et à utiliser les échecs pour parvenir au succès.
Est-ce que la recherche et l’enseignement sont naturellement liés ?
Je pense que c’est grâce à l’expérience que l’on peut utiliser la recherche dans l’enseignement. L’expérience aide vraiment à créer des synergies entre les deux activités des enseignants-chercheurs. Il peut parfois y avoir des tensions entre les deux, surtout chez mes jeunes collègues. Ces tensions ne sont pas seulement dues au dilemme du « publier ou périr ». Ils sont souvent fascinés par les idées en elles-mêmes, et ne pensent même pas que les autres puissent ne pas partager leur fascination. Les étudiants, comme les professionnels, cherchent des informations pertinentes et exploitables. C’est souvent plus tard au cours de leur carrière que les professeurs développent un intérêt pour la recherche appliquée et apprennent à présenter leurs idées en conséquence.
Pour approfondir :
"The Darwinian Workplace", publié dans Harvard Business Review