Former les futurs dirigeants, au-delà de l’enseignement classique

Former les futurs dirigeants, au-delà de l’enseignement classique

Stefan Gröschl, Professeur de Management à l’ESSEC Business School, reprend son article récemment publié dans le Journal of Business Ethics sur le développement des dirigeants de demain pour proposer une transformation des programmes des écoles de commerce. 

L’enseignement en Finlande versus le “business as usual” ailleurs

La Finlande a annoncé cette semaine une vaste réforme de son système scolaire secondaire, en abandonnant l’enseignement et l’apprentissage disciplinaire d’ici 2020. Dans l’avenir, les étudiants finlandais étudieront des évènements et phénomènes spécifiques par le biais d’une variété de savoirs disciplinaires simultanés. La Seconde Guerre Mondiale ne sera plus seulement étudiée d’un point de vue historique, mais les étudiants exploreront également l’évènement sous l’angle économique, politique, géographique, philosophique, entre autres. 

Le Professeur Stefan Gröschl, ESSEC Business School, a récemment publié un article dans le très acclamé Journal of Business Ethics, dans lequel il propose d’ajouter une approche pédagogique semblable dans les écoles de management. Stefan Gröschl remarque ces dernières ont fait l’objet de nombreuses critiques concernant la pertinence de leurs programmes et méthodes pédagogiques dans la préparation des dirigeants et décideurs aux défis complexes que notre planète doit affronter. Bien que de nombreuses écoles aient tenté de réformer leurs modèles et approches d’enseignement de manière à mieux répondre aux besoins des dirigeants d’entreprises, les écoles de management et le monde des affaires continuent essentiellement à suivre l’approche « business as usual » qui crée, face aux défis socio-économiques et environnementaux globaux, des spectateurs sédentaires.

Apprendre à travers, au sein et au-delà des disciplines 

Stefan Gröschl propose qu’une approche d’enseignement transdisciplinaire vienne compléter la formation des étudiants d’école de commerce afin d’améliorer leur compréhension de ces défis pour un leadership plus responsable et durable. La notion de transdisciplinarité suppose qu’il y ait de nombreux niveaux de réalité à travers, au sein et au-delà des disciplines, riches en informations nécessaires à la compréhension et l’apprentissage exhaustifs. L’approche est axée sur l’enquête et présente une vision systémique/humaniste et une prise de conscience qui remet en question la pensée simpliste et dualiste – c’est-à-dire, la capacité intellectuelle de comprendre le « noir et blanc » sans s’attarder sur les nuances entre les arguments. Par ailleurs, la transdisciplinarité est basée sur un principe dialogique (soit l’apprentissage par le biais d’échanges sur différents points de vue et référentiels) et translogique qui va au-delà de la logique classique et rigide et qui aide les étudiants à explorer et unifier des concepts de nature tout aussi complémentaires que contradictoires (c’est-à-dire augmenter la croissance économique en utilisant moins de ressources naturelles). 

Un monde complexe suppose des solutions courageuses 

Il suffit d’échanger avec un dirigeant d’entreprise, un manager, voire un employé, et ils vous diront que leurs environnements sont complexes. Face à une véritable masse d’informations, outils digitaux et projets à nombreuses parties prenantes, ainsi que des relations hiérarchiques complexes à travers les frontières et les cultures, ils se doivent de fournir des décisions efficaces fondées non seulement sur les faits concrets mais aussi sur l’éthique, les valeurs, l’instinct et la politique. De même, les entreprises font face à une telle complexité, notamment en termes d’éthique et des décisions qui ont un impact non seulement sur les affaires, mais aussi sur la société et l’environnement. Pour Stefan Gröschl, un moyen essentiel pour apprendre à faire face efficacement à la complexité est de confronter les étudiants à différentes manières de penser, imaginer et ressentir. Ceci peut les aider à développer une meilleure connaissance de soi, l’esprit critique et la créativité, grâce à de nombreux modèles de référence et l’ouverture et la confiance en la mise en place de changements nécessaires pour faire face aux défis globaux de manière durable et responsable.

Le chemin est long, la cause est bonne

Stefan Gröschl avance que les écoles de commerce ont encore un long chemin à parcourir avant d’intégrer des idées et pédagogies transdisciplinaires. L’ajout de méthodes transdisciplinaires en école de commerce supposerait qu’on recrute des profils académiques non-traditionnels. Des professeurs avec des diplômes en arts libéraux avec des formations en philosophie, littérature et histoire contribueraient à combler le fossé entre les sciences et l’humanisme, tout en aidant les étudiants à identifier de nouvelles manières de définir leurs propres rôles, objectifs et missions ainsi que ceux des entreprises qu’ils pourront par la suite diriger.

Outre la sélection de profils d’étudiants relativement homogènes, d’autres facteurs tels que les privilèges liés au statut et les impératifs en termes de recherche des professeurs contribuent à la nature figée de l’éducation en école de commerce. Toute avancée vers une approche transdisciplinaire au sein des écoles de commerce dépendra des doyens et directeurs d’école de commerce et de leur conduite du changement des structures et contextes dans lesquels les professeurs travaillent. On compte, parmi les autres parties prenantes qui ont un rôle dans ce processus, les organismes d’accréditation et associations disciplinaires professionnelles, qui se sont souvent renforcés dans le maintien du statu quo. Bien que cela présente des difficultés, ils doivent eux aussi faire face aux tensions sous-jacentes à la transformation, s’ils souhaitent poursuivre leur principale mission d’être les gardiens de la qualité de l’éducation de millions de jeunes dans le monde. Leur coopération étroite avec les écoles de commerce ne pourra qu’être très bénéfique. 

Le changement est en cours. L’ESSEC Business School, par exemple, encourage des expériences pédagogiques créatives telles que l’iMagination Week, durant laquelle les étudiants de l’ESSEC rencontrent des spécialistes et personnalités de toutes disciplines, professions et cultures. Mais la route à suivre suppose une sorte de révolution au sein des méthodes testées et approuvées, qui ont jusqu’alors servi les anciens impératifs des affaires et du management mais qui, manifestement, s’essoufflent face à la complexité du 21e siècle. 

 

Publications : 

Managing religious diversity in the workplace: Examples from around the world. (with R. Bendl). Farnam (UK)  : Gower Publishing, 2015 
  Uncertainty, Diversity and the Common Good: Changing Norms and New Leadership Paradigms. (UK)  : Gower Publishing, 2013 
  Diversity Quotas, diverse Perspectives: The Case of Gender. (with J. Takagi). Farnham (UK (eds.))  : Gower Publishing, 2012 
  Diversity in the Workplace. Farnham (UK)  : GOWER Publishing Ltd., 2011 
  International Human Resources Management: A Canadian Perspective. (with P. Dowling, M. Festing, A. Engle). Toronto (Canada)  : Nelson Education, 2008 

ESSEC Knowledge: Cutting-edge research – made practical    

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