Dès le début de la pandémie COVID-19, les entreprises ont dû accélérer leur transformation numérique. Cela implique des investissements accrus, si importants qu'ils nécessitent un soutien des décideurs de l'organisation. Les enjeux sont majeurs pour les organisations. De l'accélération des ventes à l'optimisation des processus opérationnels, le numérique a un impact sur la chaîne de valeur dans tous ses aspects. Si la révolution numérique génère une modernisation inévitable des entreprises et un espoir de création de valeur, elle provoque également un défi majeur pour les organisations : les données.
Les données des transactions, des clients, des produits, etc. envahissent le fonctionnement quotidien des organisations, constituant un atout potentiellement précieux, mais surtout un défi important en termes de gouvernance et de management. Les organisations doivent améliorer la compréhension de ces données dans le cadre de leur transformation.
A très court terme et en ces temps peu certains, les données deviennent plus que jamais indispensables pour identifier les leviers de performance des entreprises. L'optimisation des coûts, l'augmentation des revenus des entreprises et l'efficacité des processus sont des initiatives fondées sur la disponibilité de données pertinentes. Avec l'accélération des cycles de décision, de nombreux décideurs ne seront plus en mesure de piloter leurs entreprises avec des données approximatives et souvent inexactes. Disposer de bonnes données - et juste à temps - est devenu une nécessité urgente. Mais cette perspective ne semble réalisable que si le patrimoine de données est mieux maîtrisé. C'est précisément l'objectif de la méthode "Data Footprint" conçue par Kearney et l'ESSEC. L'évaluation de l'empreinte des données constitue désormais une approche essentielle pour sécuriser les investissements et accroître le contrôle du patrimoine de données.
L'approche Data Footprint introduit une pratique vertueuse qui vise à comprendre le patrimoine de données, les risques, les défis et les limites liés aux données au sein des organisations. Le Data Footprint est un processus d'évaluation basé sur une analyse à 360° des données requises dans le cadre d'une initiative d'entreprise pilotée par l'entité en charge de la gouvernance des données.
L’objectif du Data Footprint est d’évaluer les actifs de données afin d'établir un score d'évaluation des risques. Basée sur de multiples dimensions d'analyse telles que la qualité ou la sécurité des données, notre méthode permet une évaluation quantifiée du patrimoine de données dans une organisation. Aujourd'hui, le patrimoine de données est encore mal contrôlé et exploité dans de nombreuses entreprises. Quel est le niveau de qualité des ensembles de données critiques dans l'organisation (par exemple, les données des clients/fournisseurs...) ? Quel est le niveau de risque associé ? Quel est le degré de contrôle et de propriété de ces données dans l'organisation ? Ces questions sont souvent posées par les décideurs sans réponses concrètes basées sur une évaluation structurée. La complexité des systèmes d'information combinée à l'absence de gouvernance rend l'équation des données souvent complexe et coûteuse.
Le Data Footprint permet aux entreprises d'obtenir une évaluation tangible des données dans plusieurs dimensions afin d'établir un score de risque. L'objectif d'une telle mesure est de pouvoir évaluer avec précision les points faibles et de suivre les améliorations du patrimoine de données. L'approche permet également d'établir des points de référence internes et externes sur la base d'une grille d'analyse standardisée.
La mise en œuvre du Data Footprint doit être progressive tout en se concentrant sur les ensembles de données critiques dans le contexte des grands programmes, projets ou initiatives de transformation des entreprises.
La démarche doit impliquer plusieurs collaborateurs, au moins des représentants des métiers et de l'informatique, qui utilisent conjointement une fiche de score basée sur les cinq dimensions suivantes : accessibilité et disponibilité ; qualité ; propriété ; risques ; et identification des futurs utilisateurs. Le score global calculé sur ces cinq dimensions peut varier entre 0 et 15, plus le score est faible, plus le risque lié à l'initiative de l'entreprise est élevé.
Prenons l'exemple d'une entreprise spécialisée dans la distribution de matériel électronique au grand public grâce à son réseau de distribution de plus de 2 000 magasins. Dans le cadre de sa stratégie en matière de données, l'entreprise décide de lancer un projet prioritaire qui déploie une approche "centrée sur le client" afin d'accroître la valeur du client. L'objectif est de mieux comprendre les préférences des clients afin de répondre à leurs attentes. L'entreprise anticipe un risque potentiel important lié aux données (disponibilité, qualité, etc.) et décide de lancer une approche de "Data Footprint".
Le score total de risque de Data pour cette entreprise était inférieur à 5 lors de l'exercice d'évaluation. Sur la recommandation du Chief Data Officer et en accord avec le reste de l'équipe, la décision de lancer le projet est reportée en attendant la mise en œuvre d'un plan d'action spécifique lié aux données. Cette approche a permis à l'entreprise d'appréhender un risque majeur lié aux données de ce projet. En effet, un lancement rapide de ce projet sans évaluation préalable aurait potentiellement conduit à un échec avec des conséquences économiques (pertes estimées à quelques centaines de milliers d'euros). La démarche a également permis d'initier un travail collaboratif autour des données sur toute la durée de cette évaluation (un mois), et ainsi d'éviter des malentendus internes sur les responsabilités des différents intervenants (Business lines, équipes informatiques, etc.). Enfin, un plan d'action clair a pu être établi, justifiant l'investissement de ressources techniques et humaines pour faire évoluer le système d'information.
Pour une version plus technique de cet article ou pour plus de détails sur le Data Footprint, veuillez contacter :
Reda Gomery, vice-président, Kearney, Reda.Gomery@kearney.com
Jeroen Rombouts, professeur, Essec Business School, rombouts@essec.edu