Comment calculer la valeur des données ?

Comment calculer la valeur des données ?

 

 

 

Article écrit avec Gérard GUINAMAND, PDG DATatSCALE

Qu’est-ce qui a récemment évolué dans la data ?

Ces dernières années, les entreprises ont pris conscience du potentiel des avancées technologiques telles que les objets connectés et les plateformes d'analyse, qui fonctionnent désormais en temps réel pour la prise de décision. En outre, les entreprises sont ouvertes à des écosystèmes de partenariats avec des fournisseurs, des clients et même des concurrents. Jeroen Rombouts, professeur de statistiques et d'économétrie à l'ESSEC Business School et directeur de la chaire Accenture Strategic Business Analytics et Gérard Guinamand, CEO DATAtSCALE, partagent leurs conseils.

Compte tenu de notre expérience en tant que Chief Data Officer (ou “Directeur des données”) et de la gestion de nombreux “use cases” (cas concrets d’utilisation) au cours des cinq dernières années, nous identifions ce qui fait le succès des initiatives dans le domaine de la data. 

Un élément commun à ces avancées est le rôle des données : générées et utilisées à la vitesse de l'éclair, les données peuvent désormais être vendues ou partagées entre les entreprises. Mais ce n'est pas tout : l'analyse des données représente une valeur ajoutée considérable pour ces entreprises. Compte tenu des investissements considérables qu'elles consentent, les entreprises sont aujourd'hui de plus en plus intéressées par la mise en évidence de la valeur générée par les efforts qu'elles déploient en matière de données et d'analyse.

Les chefs d'entreprise et les conseils d'administration sont désormais convaincus que ces données apportent une valeur ajoutée significative à leur organisation. Au-delà de leur utilisation pour la gestion des indicateurs clés de performance, les dirigeants comprennent que les données peuvent être une source de revenus grâce à de nouveaux produits et services. Les données peuvent également être un accélérateur de l'excellence opérationnelle en offrant de nouveaux leviers de performance, comme la maintenance prédictive des actifs industriels et l’automatisation des processus. Par ailleurs, les chefs d'entreprise voient également dans les données une opportunité de réduire les risques commerciaux, industriels et réglementaires.

La valeur des données est au cœur de l'entreprise “data driven”

Une conception courante (mais erronée) est qu'une entreprise “data driven” s'appuie fréquemment sur les données qu'elle possède pour prendre ses décisions stratégiques, opérationnelles et financières. Cette conception est dépassée et limite l'utilisation des données au domaine de la prise de décision et de l'intelligence économique.

En réalité, une entreprise "data driven" considère les données comme un véritable actif de l'entreprise, au même titre que ses actifs industriels ou son fichier clients. Un actif est construit, géré, entretenu et mesuré pour croître et s'améliorer afin de générer une valeur ajoutée opérationnelle et financière pour l'entreprise. Pour capitaliser sur leurs données, les entreprises expriment un désir croissant de devenir "data driven", ce qui implique de convertir les données en un actif et de les utiliser pour la gestion des opérations, le développement de produits, la création de valeur financière et les outils de marketing. Les Chief Data Officers (CDO) sont alors chargés par les chefs d'entreprise et les conseils d'administration de traiter diverses questions stratégiques, opérationnelles et liées à leurs activités.

Trouver un moyen de démontrer concrètement la valeur produite par les données pour l'entreprise reste la tâche la plus importante et la plus difficile pour les CDO. Le CDO doit trouver les bons outils et les bons indicateurs de performance pour démontrer les progrès réalisés. Nous distinguons les trois actions suivantes :

Tout d'abord, il faut identifier la valeur des données, qui constitue la base de la création de valeur par l'utilisation de la technologie et l'instauration d'une culture du partage. Le CDO doit mettre en place des indicateurs de performance clés pour mesurer les progrès accomplis : le volume de données stockées dans le lac de données, le volume de données partagées et le volume de données réellement utilisées par les use cases.

Ensuite, il s’agit d’exploiter la valeur des données : il ne suffit pas de mesurer le nombre de use cases.  Le CDO doit mettre en place des indicateurs de performance clés relatifs à la monétisation des données, à la valeur commerciale produite par les use cases : diminution du taux d’attrition (perte de clients), réduction des coûts d'exploitation de l'usine, réduction des coûts de maintenance de l'équipement.

Enfin, mesurer la valeur des données par le ROI des investissements dans les données. Nous développons ce point ci-dessous.

Le ROI des investissements dans la data 

Le CDO doit mettre en œuvre trois approches complémentaires :

1. Montrez l'impact positif du programme d'entreprise data driven sur l'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de l'entreprise

Dans l'illustration ci-dessous, le CDO a identifié un ensemble de 50 data use cases qui peuvent être développés sur trois ans. Ces 50 use cases comprennent 30 cas relatifs aux activités des clients de l'entreprise et 20 cas relatifs aux actifs industriels de l'entreprise. L'impact sur l'EBITDA de ces 50 use cases est estimé à 600-700 millions d'euros sur la période de trois ans, benchmarké avec des sources publiques issues de grands cabinets de conseil en stratégie afin de montrer qu'il se situe dans la fourchette de ces cabinets. Le calcul est effectué pour chaque use case en utilisant les normes de l'industrie pour les facteurs de performance et les indicateurs clés de performance.

Par exemple, l'entreprise utilise le taux d'attrition comme facteur de performance, car elle peut calculer l'impact sur l'EBITDA d'un point d’attrition. Un use case centré sur la prédiction du taux d'attrition pour chaque segment de clientèle, basé sur des données historiques et la définition des "prochaines bonnes actions" à mettre en œuvre, permet de prédire l'évolution du taux d'attrition et donc l'impact sur l'EBITDA.

La visibilité de l'impact du programme d'entreprise data driven sur l'EBITDA de l'entreprise est essentielle pour le lancement du projet. Elle fait partie des informations nécessaires à la prise de décision du conseil d'administration de l'entreprise.

2. Définir le retour sur investissement global du programme

Dans l'illustration ci-dessous, le CDO a établi une analyse de rentabilité globale afin d'obtenir le financement nécessaire au développement de sept use cases dans la chaîne de valeur de l'entreprise.

Il y a trois étapes à suivre :

Tout d'abord, il convient d'identifier la chaîne de valeur de l'entreprise afin de formuler les opportunités de valeur offertes par les données qui sont déjà disponibles ou qui peuvent être acquises. Les opportunités de valeur peuvent inclure une meilleure allocation des investissements en se concentrant sur les sites ou les usines les plus productifs et en facilitant une meilleure prise de décision grâce à une visibilité complète des activités.

Deuxièmement, pour chaque étape de la chaîne de valeur, identifier les use cases ayant la plus grande valeur commerciale et les données les plus facilement disponibles (en termes d'accès aux données, de qualité des données et de compétences).

Enfin, identifier les coûts transversaux liés aux supports technologiques nécessaires au portefeuille global des use cases : coûts de maintenance et de développement de la plateforme, coûts de développement des use cases, coûts d'acquisition, de stockage et d'analyse des données.

3. Proposer une méthode de calcul de l'analyse de rentabilité pour chaque use case développé

Pour obtenir une analyse de rentabilité, il est important de garder à l'esprit les règles simples suivantes : 

  • les bénéfices doivent être comparés à une base de référence sans l'actif escompté

  • les bénéfices doivent être comparés à tous les coûts (coûts du projet et coûts de fonctionnement) 

  • Il faut tenir compte de la progression des gains sur plusieurs années (par exemple, une vision à trois ans).

Dans l'ensemble, notre expérience nous amène à conclure qu'il n'existe pas de norme unique pour mesurer la valeur des données. En effet, dans la plupart des secteurs, il est très complexe d'évaluer la valeur des données dans le cadre d'un projet. Dans cet article, nous résumons un ensemble minimal de pratiques faciles à mettre en œuvre qui permettent aux organisations de franchir des étapes supplémentaires pour devenir axées sur les données.

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