Le Bitcoin : monnaie imaginaire ou investissement virtuel ?

Le Bitcoin : monnaie imaginaire ou investissement virtuel ?

Le Bitcoin a connu une bulle spéculative dès l’automne 2017, qui s’est récemment conclu par un « krach », un éclatement de la bulle début janvier. Comme toute bulle, le Bitcoin a d’abord suscité de la méfiance, puis de la convoitise, puis les deux à la fois. Au-delà du buzz médiatique qu’on observe depuis quelques mois, il peut être nécessaire de revenir à ses origines. 

A l’origine, une logique d’indépendance

Le Bitcoin était au début surtout réservé à un cercle d’initiés, des geeks, des développeurs informatiques, des libertariens ou de simples curieux, qui souhaitaient construire une monnaie alternative, indépendante des Etats et de leur banque centrale, dans une logique libertaire sans autorité supérieure. Un écosystème voire une économie s’est développé autour du Bitcoin, agrégeant des utilisateurs, des investisseurs dans la monnaie elle-même mais aussi dans des startups développant des services et des applications autour du Bitcoin et de la blockchain, l’une des technologies sous-jacentes au Bitcoin.

Une cryptomonnaie à la définition complexe

Le Bitcoin est souvent qualifié de « monnaie virtuelle », et c’était sa vocation initiale. Mais est-il judicieux d’employer le terme de monnaie ? Si le Bitcoin se définit comme une monnaie virtuelle, aussi appelée « cryptomonnaie », au regard des évolutions récentes, n’est-il pas plutôt un actif spéculatif ?

La monnaie est un outil très ancien. C’est aussi le cas de sa conceptualisation qui doit beaucoup à Aristote, quelques siècles avant Jésus-Christ. Le philosophe grec a pu distinguer trois fonctions de la monnaie : intermédiaire des échanges, unité de compte et réserve de valeur.

S’agissant de la première fonction, un intermédiaire des échanges, qui permet de façon simple de payer des produits et des services, la situation du Bitcoin est encore balbutiante. Quelques sites et magasins en acceptent, mais cela reste relativement peu développé.

Concernant la deuxième fonction, l’unité de compte, référence pour afficher les prix, indiquer des montants dans des contrats de travail, de location immobilière, etc. le Bitcoin ne revêt pas encore l’entièreté des conditions requises. Comme Prof. Longin l’a montré dans sa recherche avec Shashwat Gangwal (Indian Institute of Technology), il persiste une grande instabilité du Bitcoin par rapport aux autres monnaies. Les derniers mois n’ont pu, par ailleurs, que confirmer son extrême volatilité. Le Bitcoin peut également servir de valeur de refuge, comme on a pu le constater dans la crise monétaire chypriote en 2012-2013. La banque centrale avait ordonné des restrictions sur les retraits d’euros dans les banques. Le Bitcoin avait alors pris de l’ampleur car simple, accessible et liquide.

La troisième fonction d’une monnaie est de servir de réserve de valeur. Le Bitcoin étant instable, il ne peut remplir ce rôle pleinement. En conclusion, le Bitcoin ne remplit pleinement aucune des fonctions monétaires.

Nous nous sommes alors demandés si ce n’était pas plutôt un actif spéculatif. De là, apparaît deux résultats. Tout d’abord, le Bitcoin est un actif très volatile, bien plus que les classes d’actifs traditionnelles comme les actions ou les obligations. Ensuite, c’est un élément diversifiant pour les portefeuilles des investisseurs. Il est peu corrélé avec les autres classes d’actifs, ce qui peut être intéressant vis-à-vis de la construction des portefeuilles d’actifs. Dès lors, le Bitcoin joue un peu le même rôle que l’or. Certains le voient déjà comme le nouvel « or digital ».

Quel avenir pour le Bitcoin ?

On parle en ce moment beaucoup de valorisation du Bitcoin. Il s’agit d’identifier les facteurs de risque qui vont pouvoir expliquer pourquoi le Bitcoin va aller à la hausse ou à la baisse. Ces facteurs sont multiples.

On peut d’abord retenir l’attitude des Etats par rapport à ce phénomène qui n’est pas nouveau mais qui prend de plus en plus d’ampleur. La Chine et la Corée du Sud ont récemment eu une attitude plutôt défavorable vis-à-vis du Bitcoin. La situation récente de spéculation massive n’a pas favorisé le contexte pour les défenseurs du Bitcoin. Les chocs externes sont aussi à étudier, car par exemple en cas de vaste crise monétaire, le Bitcoin pourrait jouer un rôle de valeur refuge.

Enfin, les développements autour du Bitcoin, des monnaies virtuelles et de la blockchain, pourraient soutenir la tendance positive de long terme du Bitcoin. Il est assez récent, et on peut considérer que nous en sommes toujours au stade de l’expérience. Nous ne connaissons pas encore tous les bénéfices et toutes les opportunités que peuvent apporter le Bitcoin ainsi que les différents projets associés. Nous ne connaissons pas non plus tous les risques et potentiels problèmes à résoudre à l’avenir, notamment les limites technologiques de par un volume de transactions à très grande échelle difficilement soutenable, ou des problématiques environnementales fortes. Des problèmes de gouvernance peuvent aussi émerger, à mesure que l’intérêt pour cette monnaie grandit. Malgré son caractère intrinsèque de décentralisation, il pourra néanmoins y avoir des décisions à prendre, et la question sera de savoir qui les prend, comment, ne disposant pas d’autorité supérieure. Il reste finalement beaucoup de questions sans réponses comme celles relatives à la protection des données, au droit à l’oubli, ou à la consultation du registre public des transactions.

C’est peut-être la technologie derrière le Bitcoin, la blockchain, qui tirera la monnaie virtuelle vers le haut, mais des questions sans réponse s’accumulent aussi concernant cette dernière. Restera-t-il une seule blockchain ou plusieurs blockchains ? Quelle blockchain va s’imposer ? celle du Bitcoin, celle d’une autre cryptomonnaie. Malgré la volonté de se défaire de toute contrainte hiérarchique, le concept du « leader takes all » s’appliquera inévitablement aussi à ces nouvelles technologies et monnaies décentralisées.

 

Références :
Gangwal S. and F. Longin (2017) « Extreme movements in Bitcoin prices: a study based on extreme value theory » ESSEC working paper.
Nakamoto S. (2008) “Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System” Working paper

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