par Chrystelle Richard
, 16.04.15
La carrière professionnelle de Bernard Colasse se confond avec l’apparition puis le développement en France d’une communauté scientifique en comptabilité, contrôle de gestion et audit. En 1979, il fut l’un des fondateurs de l’Association Française de Comptabilité (AFC) et, en 1983, son deuxième président. En 1990, il créa le premier Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) de comptabilité en France. En 1995, il fut le rédacteur en chef-fondateur de Comptabilité Contrôle Audit (CCA), la seule revue académique française de comptabilité. Il dirigea l’Encyclopédie de comptabilité, contrôle de gestion et audit, publiée chez Economica en 2000 et rééditée en 2009. Ses doctorants, collègues et amis ont souhaité lui offrir un témoignage de leur reconnaissance et de leur amitié, par cet ouvrage qui comporte des contributions consacrées essentiellement aux matières qu’il a maniées en de maintes occasions. Il s’agit d’une sorte d’état de l’art de la recherche comptable actuelle, cherchant à dépasser une vision strictement technique de la comptabilité et à produire une réflexion originale sur le rôle économique, social et politique de la comptabilité.
L’ouvrage est structuré en 19 chapitres, développant 19 thèmes différents. Nous nous sommes tout d’abord appliqués à montrer que la comptabilité est devenue un outil stratégique dont les enjeux dépassent largement ceux d’un moyen de preuve ou d’un instrument de reddition fiscale. De manière ambivalente, la comptabilité, comme convention sociale, peut être à la fois un outil de manipulations, complice des dérives financières, mais aussi l’instrument qui les révèle. Dès lors, il nous est apparu nécessaire de comprendre de manière approfondie et critique le rôle du chiffre aujourd’hui. Les questions du rôle de la comptabilité, de la qualité des chiffres proposés, ou encore de celle de son contrôle, constituent des problèmes incontournables de la recherche en comptabilité. Non seulement la comptabilité est un instrument puissant de cadrage et de construction de l’entreprise contemporaine, mais elle contribue aussi au désencastrement de l’économie dans les sociétés occidentales en détachant l’économique (qui rentre dans le calcul) des aspects sociaux et politiques auxquels il est lié (et qui sont exclus du calcul). Nous nous sommes alors interrogés sur le rôle des normes et des règles en la matière. Ces interrogations sont aujourd’hui passionnantes et passionnées car au carrefour de trois grands mouvements : la coordination entre régulation supranationale et autorégulation privée, donnant naissance à une forme inédite de réglementation ; la participation de plus en plus prégnante des régulés aux processus de normalisation comptable ; le poids de plus en plus important des élites institutionnelles dans le processus de régulation comptable. Ces grandes caractéristiques régulatoires se retrouvent dans le champ de la comptabilité, mais aussi dans celui de la diffusion d’informations sociétales et environnementales ou encore dans celui de l’audit. Enfin, on ne peut étudier un système comptable sans étudier en même temps le jeu des acteurs. La comptabilité est traversée, soutenue et organisée par plusieurs communautés sociales et économiques variées : normalisateurs, profession comptable, entreprises, monde universitaire… Les contributions de cet ouvrage expriment notamment la diversité de ces communautés et leur aptitude à faire et défaire les règles.
L’objectif de cet ouvrage est ainsi de proposer à tous les genres du chiffre, curieux des abords de leur discipline de prédilection, un vagabondage sur les chemins de la dimension humaine, sociale et politique d’une technique.
