Une entreprise doit-elle faire appel à des consultants pour améliorer sa performance ?

Une entreprise doit-elle faire appel à des consultants pour améliorer sa performance ?

Basé sur le papier de recherche “The Impact of Technical Consultants on the Quality of their Clients’ Products” par Jérôme Barthélemy, Strategic Management Journal, mai 2017. Ce travail de recherche a reçu le Prix de la Fondation ESSEC pour la meilleure recherche lors de la remise des prix  2017 de la Fondation de l’ESSEC.

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Le conseil est omniprésent dans de nombreux secteurs d’activité. Pourtant, le recours aux consultants reste controversé : pourquoi les entreprises laisseraient-elles certaines de leurs activités clés aux mains des consultants ? Les consultants sont-ils meilleurs sur ces activités que les employés de l’entreprise ? Travailler avec un consultant améliore-t-il la performance et la compétitivité de l'entreprise ?

La réponse à ces questions n'est pas simple, et la plupart des recherches antérieures se sont concentrées sur l’impact des consultants sur la performance absolue plutôt que sur la performance relative. Comme la plupart des entreprises ont accès à des consultants, l’évaluation de leur impact sur la performance relative et la qualité du produit est difficile. Et il est souvent difficile de comparer la qualité des produits entre plusieurs entreprises.

Ma recherche “The Impact of Technical Consultants on the Quality of their Clients’ Products”  vise à combler ce vide dans la littérature en examinant de plus près à le secteur des vins Bordeaux. Dans ce secteur, il est relativement facile d’évaluer la qualité des produits en utilisant les notes de dégustations.

Comme l'explique Michel Rolland, œnologue consultant de renommée internationale : les Châteaux sont comme les entreprises, ils ont à faire face à des frais généraux et à des impôts, et ils doivent gagner de l'argent pour survivre. Aussi, comme d'autres entreprises, ils peuvent choisir de travailler (ou non) avec un consultant technique. Les résultats de cette recherche peuvent aider les entreprises, même au-delà de l'industrie bordelaise du vin, à décider si le fait de travailler avec un consultant leur convient.

De meilleures performances avec des ressources « limitées »

Conformément au modèle « médecin-patient », tiré des nombreux travaux sur le conseil en management, mes résultats montrent que les entreprises dont la qualité des ressources est la plus faible bénéficient le plus des consultants. Lorsque la qualité des ressources est faible, les consultants techniques ont une véritable valeur ajoutée et peuvent tirer parti de leurs meilleures pratiques, comme l'utilisation de barils de chêne, de rendements plus faibles et de récoltes ultérieures.

Comme l'a dit le consultant spécialisé en vins Michel Rolland : "Mon travail consiste à améliorer le vin de mon client. Même si le vin est horrible, nous devons faire de notre mieux dans les conditions que nous sont imposées.

Le problème est que les entreprises ayant des ressources de faible qualité ont aussi tendance à être moins rentables que les entreprises ayant des ressources de grande qualité. Ainsi, elles ne peuvent se permettre de dépenser autant en frais de  « consulting ». Paradoxalement, les entreprises qui ont besoin d'aide sont moins susceptibles d'embaucher des consultants que les entreprises qui n'ont pas vraiment besoin d'aide.

Ce phénomène peut être clairement observé dans l'industrie des vins de Bordeaux. Les châteaux avec les meilleurs terroirs sont plus susceptibles d'embaucher des consultants techniques. Cependant, ils bénéficient moins de leurs conseils que les châteaux dont le terroir est de moindre qualité. 

Bien sûr, cela n'implique pas que les châteaux dotés d’un excellent terroir ne bénéficient pas du tout de l'aide d’œnologues consultants. Par exemple, Château Latour possède l'un des meilleurs terroirs de la région bordelaise. Selon Frédéric Engerer, son directeur : "Je peux dire sincèrement, à mon avis, après avoir travaillé 10 ans avec (Jacques et Eric Boissenot), qu’ils jouent un rôle clé dans l'optimisation de la sélection de nos lots afin d’obtenir le meilleur assemblage possible. »

Une meilleure performance pour un risque minimal 

Comme les « bonnes pratiques » des consultants techniques ont plus fait leurs preuves que les connaissances générées en interne, elles réduisent la probabilité d'une faible performance et donc le risque d'échec. Cependant, leur manque de singularité diminue également la probabilité d'une performance plus élevée.

En ce sens, l’embauche de consultants techniques est une arme à double tranchant pour leurs clients. D'une part, leurs « bonnes pratiques » diminuent la probabilité d'une performance très faible. D'autre part, le caractère unique de ces pratiques est une condition nécessaire afin de réaliser une performance exceptionnelle. Parce que les « bonnes pratiques » sont moins uniques que les connaissances générées en interne, elles réduisent également la probabilité de faire des produits de qualité exceptionnelle.

Des performances exceptionnelles quel que soit le coût

Si une entreprise veut atteindre un niveau de performance exceptionnel, recruter des consultants n’est donc pas la bonne décision. En effet, "ne pas prendre de risques" peut constituer un obstacle à la réussite exceptionnelle. Comme Steve Jobs l'a expliqué une fois : « Nous n'embauchons pas de consultants. Les seuls consultants que j'ai déjà embauchés ... appartenaient à une firme qui a analysé la stratégie de détail de Gateway ; je ne ferai donc pas les mêmes erreurs qu'ils ont commises [lors du lancement des magasins de détail Apple]. Mais nous n'engageons jamais de consultants, en soi. Nous voulons simplement faire d'excellents produits."

Il est intéressant de noter que certains des produits d'Apple ont connu d'énormes succès (par exemple, Apple II, Mac, iPod, iPhone, iPad ...), alors que d'autres ont été des échecs cuisants (par exemple, Lisa, Newton, le service en ligne eWorld ...). Dans ce sens, le succès exceptionnel d'Apple est à la hauteur de ces échecs.

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