Avec plus de 4 milliards de spectateurs rien que pour la cérémonie d’ouverture, il va sans dire que les J. O. de Londres sont une occasion en or pour les annonceurs qui cherchent à toucher un grand nombre de supporters. Mais avec un tel enjeu financier, il va sans dire que les règles et les régulations sont très strictes.
Au total, 53 entreprises se sont engagées dans une des quatre catégories de sponsors pour obtenir les droits de publicités officiels, tant convoités : les partenaires olympiques internationaux (au nombre de 11), les partenaires du tiers supérieur (au nombre de 7), du tiers médian (au nombre de 7) et du tiers inférieur (au nombre de 28). Évidemment, cela laisse au Comité International Olympique (CIO) et au London Organizing Committee for the Olympic Games (LOCOG) la tâche ardue de protéger ces droits et la valeur commerciale afférente, en plus de protéger la réputation des jeux eux-mêmes, ce qui est plus facile à dire qu’à faire.
« Le risque de marketing déloyal (c’est-à-dire l’association illicite de marques à un événement sans qu’elles aient payé de frais de parrainage) est toujours bien réel lors d’un événement tel que les Jeux olympiques, explique le professeur Thierry Lardinoit directeur de la Chaire internationale de marketing sportif. Néanmoins, les surveillants des J.O. en font beaucoup pour protéger les droits des sponsors. »
À la mi-juillet 2012 la période d’interdiction de marketing olympique a commencé, qui interdit aux athlètes qui concourent d’apparaître dans toute campagne publicitaire menée par une société qui n’est pas sponsor officiel. À partir de 27 juillet, Londres et les alentours, y compris le ciel, seront contrôlés de près à la recherche de marketing déloyal et des règles vestimentaires strictes seront imposées aux athlètes mais aussi aux supporters. Enfin, ce qui n’est pas des moindres, le monde numérique sera sous surveillance étroite car de plus en plus d’entreprises donnent de l’importance aux réseaux sociaux dans leur stratégie marketing globale.
Mais, comme l’explique le professeur Thierry Lardinoit, le vrai risque de marketing déloyal réside dans l’absence de distinction entre les sponsors officiels et les autres annonceurs dans l’esprit du grand public. « Les études ont montré que si l’on demande à des gens du public de citer des marques associées aux Jeux olympiques, ils citent pour plus de la moitié des marques qui ne sont pas des sponsors. Le public a tout simplement tendance à mémoriser les campagnes les plus frappantes.
Néanmoins, les recherches avec notre partenaire, Havas Sports & Entertainment, ont montré qu’en fin de compte, même s’ils ne savent pas qui est sponsor ou ne l’est pas, les gens ont tendance, à un niveau inconscient, à préférer les marques qui sont des sponsors officiels si leurs campagnes sont frappantes. »
Faire une impression durable
Si le sponsoring garantit la visibilité d’une marque, cela dépend des marqueteurs de s’assurer de laisser aux supporters une impression durable. Selon le professeur Lardinoit, il s’agit d’une occasion unique pour assister à des campagnes vraiment innovantes et créatives.
« Cette occasion ne se présente que tous les quatre ans ; c’est un moment rare et privilégié, pour les annonceurs, pour laisser une impression durable dans la mémoire et le cœur des supporters. Il est compréhensible que, pour les J.O. de Londres, les annonceurs s’accordent des approches innovantes pour s’assurer de profiter au mieux de la publicité. »
Le partenaire international Coca Cola, par exemple, a lancé la campagne Move to the Beat, une campagne unique qui mêle sports olympiques et musique. Pour cette campagne, le compositeur Mark Ronson, qui a remporté un Grammy Award, a parcouru le monde pour capturer le bruit que font différents sports, afin de créer une campagne publicitaire unique et prenante. « Dans ce cas, la musique aide, de manière innovante, à construire sur l’émotion associée au sport », explique-t-il.
On pourrait penser que « Don’t fly » serait un slogan publicitaire bien étrange pour une compagnie aérienne, mais British Airways, un sponsor du LOCOG, l’utilise pour dire qu’elle préfèrerait voir les Britanniques rester chez eux pour soutenir les athlètes nationaux. Les nouvelles technologies numériques sont utilisées pour rendre mémorable cette campagne, en créant même une plateforme en ligne qui permet aux fans de créer leur propre spot de campagne, où un avion de la compagnie les amène devant leur porte d’entrée. Le spot officiel a été vu au moins 800 000 fois sur Youtube.
Un autre sponsor du LOCOG, Adidas, s’engage dans une approche différente, basique et faisant peu appel à la technologie, mais qui n’en est pas moins innovante. Parallèlement à leur campagne publicitaire traditionnelle, la marque a lancé une campagne pour renouveler les aires de jeu en Angleterre. « Avec cette campagne, les marqueteurs établissent un lien entre la marque et cette idée de responsabilité sociétale des entreprises, entre l’engagement envers la communauté et le développement durable, qui sont très importants pour l’identité de la marque, explique le professeur Lardinoit. Ils demandent à la fois au public de faire du sport et de s’engager envers la communauté. »
Construire la marque olympique
Mais cette année, les J.O. ne sont pas juste l’occasion pour quelques sponsors officiels de faire bonne impression. Plus que jamais, ils sont aussi l’occasion pour les organisateurs de construire la marque olympique et son lien émotionnel avec les supporters.
Bien sûr, la protection de l’utilisation des anneaux olympiques en fait largement partie. « Tous les ans une entreprise tentera d’utiliser les anneaux, de manière créative, et de contourner les restrictions. Les surveillants olympiques sont très impliqués pour contrôler cela. Des campagnes ont été rapidement arrêtées car leur référence aux anneaux olympiques était trop forte. »
En revanche, cette année la marque cherche à se construire en construisant l’expérience des spectateurs. « La construction de la marque olympique n’est pas achevée et cette année les organisateurs y mettent beaucoup d’énergie. Si les anneaux olympiques sont l’un des symboles sportifs les plus reconnus, ils sont plus liés à un événement qu’à une marque. À présent, les organisateurs essaient de créer une marque qui crée une émotion et qui a un sens durable auprès des supporters. »
Comment créent-il cette expérience durable ? Les réseaux sociaux sont la meilleure plateforme sur laquelle le Comité olympique gère l’expérience des supporters, pendant trois moments –avant, pendant et après. Leur campagne sur les réseaux sociaux, utilisant essentiellement la triade Facebook – Twitter – YouTube, n’y va pas avec le dos de la cuillère pour donner l’impression à ceux qui regardent de faire partie de l’action et pour faire ressentir à ceux qui sont à Londres la montée du suspense et de l’excitation.
D’abord et surtout, en diffusant les vidéos de ce qui se passe dans les tribunes et sur le terrain, YouTube donne l’impression à ceux qui regardent de faire partie des jeux en action et, ensuite, de se rappeler les moments forts. Il suffit de rappeler que le sport est vraiment adapté en termes de contenu pour une plateforme de vidéos telle que YouTube.
Au delà de cet aspect, il s’agit aussi pour le Comité Olympique d’engager les supporters dans une expérience et d’interagir avec d’autres internautes. Par exemple, la compétition « Best of us » incite les supporters à battre les champions olympiques dans différents défis amusants tels que « Pouvez-vous porter autant de balles de tennis que Rafael Nadal ? »
Bien sûr, Twitter permet aux supporters d’être à la page pour les nouvelles de dernière minute. Il s’agit d’un bon moyen pour créer un lien durable avec les supporters et, dans une certaine mesure, créer un dialogue.
Avec plus de 4 millions de fans, Facebook s’avère être un autre très bon moyen de communication pour toucher le public, partager du contenu et créer des interactions. En outre, Facebook aide également à créer un lien émotionnel avec les supporters en leur permettant de poster leurs propres photos et de les partager avec la communauté.
Si l’utilisation sociale du Comité olympique est somme toute classique dans ses applications, le côté national et international des sports olympiques rend ces moyens de communication très efficaces pour frapper au niveau mental et affectif le public. « Une forte connexion émotionnelle avec un événement en particulier, explique le professeur Lardinoit, incite les supporters à s’engager plus ouvertement dans les réseaux sociaux. » Mais, comme la connexion émotionnelle avec le sport est forte, le Comité olympique utilise les réseaux sociaux pour bâtir sur cette connexion et l’étendre au Comité olympique lui-même.
« Créer une marque olympique forte, c’est créer une connexion émotionnelle avec le public. C’est pourquoi les réseaux sociaux sont très adaptés à ce type d’événement, explique le professeur Lardinoit. Les réseaux sociaux donnent aux supporters un sentiment accru d’engagement émotionnel. Selon une étude récente, 60 % des fans de sport qui utilisent régulièrement les réseaux sociaux disent que ceux-ci ont augmenté leur passion pour le sport. »
Les J.O. de Londres sont en effet appelés « les premiers jeux numériques », et le monde virtuel va jouer un grand rôle dans la manière dont les supporters du monde entier vivent les J.O. Et, de la même manière que les spots des campagnes publicitaires s’appuient sur le numérique pour toucher leur public, ce même moyen de communication aide à renforcer la marque olympique.