Depuis quelques décennies, la philanthropie se développe en France. Les entreprises ne sont pas en reste dans ce mouvement de fonds, et elles s’engagent nombreuses dans des pratiques de « mécénat ». En témoigne le développement du nombre de fondations d’entreprises et le dynamisme d’organisations, comme l’ADMICAL, qui promeuvent et encouragent le développement du mécénat des entreprises et des entrepreneurs en France.
Cette évolution est certainement une excellente nouvelle, puisqu'elle permet le développement des ressources au service de l’intérêt général. Cependant, cet optimisme ne doit pas exonérer les entreprises et le secteur de se poser une question importante : les fonds alloués par les entreprises au mécénat sont-ils bien utilisés ? Le mécénat est-il « efficace » socialement parlant ?
Cette question est complexe, notamment du fait de la complexité liée à l’évaluation de l’impact du mécénat ex post. Cependant, nous pouvons, ex ante, identifier deux étapes clés permettant de formaliser une stratégie de mécénat efficace.
Définir ses objectifs philanthropiques
Définir une stratégie d’intervention philanthropique c’est avant tout faire des choix sur la cause à soutenir ! Pour les entreprises, effectuer ce choix suppose un double travail d’introspection (qu’est ce qui nous tient à cœur?) et d’extrospection (quels sont les besoins sociétaux auxquels nous pouvons efficacement contribuer ?).
Concernant l’introspection, les questions à se poser sont : Quels sont les moteurs de l’engagement de l’entreprise ? Quelles sont ses valeurs distinctives ? Quelles sont les spécificités de l’entreprise qui pourraient contribuer positivement à la société ? Une expertise ? Une présence territoriale ? Des salariés particulièrement motivés ?
Le travail d’analyse sociétale permet, lui, de répondre aux questions suivantes : quels sont les besoins importants ou urgents ? Quels sont les territoires sur lesquels ces besoins sont particulièrement présents ? Quelles sont les autres réponses existantes ? A part nous, quels sont les autres acteurs pertinents ? En quoi sommes-nous bien placés pour y répondre ?
Dans cette phase de définition, une autre question importante se pose : celle de la spécialisation. Faut-il choisir de se concentrer sur une seule cause, ou s’attaquer à plusieurs causes ? S’il n’existe pas de règle absolue en la matière, une forme de spécialisation reste recommandée car elle permet de développer une expertise approfondie et permet par ailleurs d’éviter la dispersion et le saupoudrage.
Définir une stratégie d’intervention
Les objectifs une fois définis, une stratégie de mécénat se décline ensuite selon quelques grandes modalités :
Les entreprises doivent d’abord définir comment sélectionner les bénéficiaires de leurs dons ? Les sollicitations peuvent être nombreuses et il n’est pas simple de choisir à qui donner ! Il est du coup important pour l’entreprise mécène de se forger une philosophie quant à la manière de sélectionner les bénéficiaires de ses dons, qu’ils soient des individus ou des associations.
Les entreprises mécènes doivent également déterminer le montant des dons à accorder à leurs bénéficiaires. Quel type de montant allouer ? De petites sommes à de nombreux bénéficiaires ou de grosses sommes à quelques bénéficiaires. En règle générale, le saupoudrage de nombreux petits dons à de nombreux projets est généralement très peu utile ou impactant pour la société.
Une autre question importante se pose aux bailleurs de fonds : quel type d’activité soutenir ? Faut-il privilégier des projets ? des investissements ? des frais de fonctionnement ? Il est rare d’effectuer un don sans aucune affectation. Il est donc important, là aussi, de comprendre les implications de ces choix.
Une quatrième question importante concerne la durée du soutien : pour combien de temps un bailleur de fonds doit-il s’engager auprès de ses bénéficiaires ? Cette notion d’engagement dans le temps est souvent liée à la nature des activités financées : le soutien à des projets permet à un bailleur de fonds de ne s’engager que sur le court terme, alors qu’un bailleur ayant choisi de soutenir des frais de fonctionnement pourra être amené à s’engager à soutenir une organisation sur plusieurs années, parfois dans le cadre d’engagements pluriannuels.
A cette question de la durée d’engagement se rajoute l’enjeu du degré d’engagement de l’entreprise mécène. Quelle relation développer avec mes bénéficiaires Cette relation peut être minimale et se traduire uniquement par des interactions à distance (courriers, échanges ponctuels et limités…). Elle peut aussi s’appuyer sur des interactions fréquentes, et intenses, durant lesquels les équipes de mécénat ou des collaborateurs travaillent de manière rapprochée avec le bénéficiaire.
Pour finir, un bailleur de fonds doit se poser la question suivante : « quel est le degré de contrôle que je souhaite exercer sur les bénéficiaires de mes dons ? »Dois-je me limiter à l’utilisation des fonds alloués, ou dois-je m’intéresser à l’effet des dons alloués sur la société ?
Aujourd’hui, il ne fait de doute pour personne qu’une entreprise a besoin d’une stratégie pour atteindre efficacement ses objectifs. Alors que les euros investis dans le mécénat et, plus largement, dans la philanthropie privée se développent, il est important de reconnaitre l’importance de développer des stratégies de mécénat rigoureuses, cohérentes, et totalement mobilisées sur l’impact social des actions engagées. Pour en savoir plus et découvrir des réponses possibles aux questions posées dans cette vidéo, je vous invite à suivre le MOOC que nous avons créé, au sein de la Chaire philanthropie de l’ESSEC.