Dix ans se sont écoulés depuis que les BRIC –Brésil, Russie, Inde et Chine- ont été définis comme ayant l’économie à la croissance la plus rapide. Et en effet, le Brésil a pu se targuer d’une croissance incroyablement élevée pendant la majeure partie des années 2 000. Mais le vent a tourné et les investissements repartent peu à peu vers le monde développé ; l’envolée de ce marché émergent va-t-elle subitement retomber ? Est-ce que le Brésil va entrer en crise ?
« Il est clair que le Brésil présente tous les signes d’un ralentissement économique, déclare Lorenzo Naranjo, professeur de finance. La chute du prix des denrées et le retrait des investissements étrangers a soulevé des interrogations et a révélé un immense déficit des comptes courants. La chute de EIke Batista du statut de milliardaire dépeint très clairement ce qui se passe dans la région. »
La plupart des analystes, dont le professeur Naranjo, se sont attendus à ce qu’il en soit ainsi : la croissance massive n’est pas indéfinie ; comme la croissance repart dans les pays développés, il est normal, si ce n’est souhaitable, qu’elle ralentisse dans les pays en développement. La vraie question est la suivante : est-ce que le Brésil avait suffisamment anticipé ce ralentissement ?
Assez fort pour affronter la tourmente
Face au ralentissement de la croissance, la présidente Dilma Rousseff s’est lancée dans des allègements fiscaux et des bonifications d’intérêt : non seulement ces mesures n’ont pas réussi à faire repartir l’économie stagnante du Brésil, mais surtout elles ont aggravé les problèmes fiscaux. Et comme Rousseff se présente à un second mandat et essaie d’asseoir sa popularité, il est peu probable qu’elle se livre aux coupes budgétaires nécessaires pour stabiliser la situation. Les grandes dépenses pour accueillir la Coupe du monde de 2014 arrivent au mauvais moment et de nombreux analystes ont émis l’hypothèse que le pays n’aille vers une baisse de la cote de crédit en 2014.
« Comme de nombreux pays en période d’expansion économique, le Brésil a dépensé comme si l’expansion était indéfinie ; à présent le pays est en difficulté, déclare le professeur Naranjo. Néanmoins, la situation n’a rien à voir avec celle d’il y a dix ans. Dans les années 1990, le Brésil était dans une situation catastrophique en termes d’inflation ; dans les mauvais moments, le real pouvait être dévalué de plusieurs points de pourcentage en une semaine seulement. À présent le Brésil est plus fort et mieux paré pour affronter la tempête.
Il faut encore que le pays se développe et, normalement, cette période de ralentissement serait une bonne occasion pour améliorer les infrastructures et diffuser le développement. La Coupe du monde cause beaucoup de problèmes à cet égard : le public –surtout les populations les plus pauvres qui n’ont pas vu beaucoup de changements à leur vie quotidienne- est furieux que le gouvernement ait de l’argent à dépenser, et surtout qu’il le dépense pour un évènement unique qui ne donnera probablement pas lieu à des retombées économiques. »
Un pays toujours à développer
L’histoire des économies émergentes est soudainement devenue sombre et triste, mais le professeur Naranjo met en garde contre la sinistrose persistante. N’oublions pas que c’est quand les attentes sont faibles que le moment est opportun pour investir.
« Quand les prix sont bas c’est le bon moment pour investir. Même si le marché est très particulier et qu’il faut parler une langue locale, je dirais que l’Amérique du Sud est un terreau d’opportunités, notamment pour les jeunes diplômés d’écoles de commerce. En outre, je vois plusieurs indices d’un nouveau départ, car les entreprises brésiliennes continuent à investir en dehors du Brésil. »