Les investisseurs ont de nombreuses sources à leur disposition quand ils décident d’investir. Ils disposent d’abord de matériaux provenant de l’entreprise même ; comme les prospectus d’action et les rapports annuels. Mais il existe aussi plusieurs sources d’information provenant de tiers, dont les rapports des analystes financiers et les agences de notation de crédit.
Les analystes financiers analysent les « fondamentaux » d’une entreprise et publient leur évaluation des résultats futurs des actions de l’entreprise visée. Les agences de notation de crédits estiment le risque de crédit en se basant sur la santé financière des entreprises et leur solvabilité. En évaluant et soupesant ces informations de différentes sources, les investisseurs peuvent avoir un aperçu des avantages –et des inconvénients- potentiels s’ils investissent dans une action.
Les analystes financiers et les risques
Bien qu’ils évaluent les risques ou introduisent la notion de risques dans les analyses de leur entreprise, les analystes financiers ont été longtemps vus comme des fournisseurs de nouvelles informations sur le niveau des cash-flows futurs plutôt que sur les risques qu’ils comportent. Même les études académiques qui analysent l’impact des informations données par les analystes financiers n’envisagent pas pour le moment la possibilité que ceux-ci informent le marché sur le risque de prix.
Nous avons voulu explorer plus en avant ce domaine. Nous voulions en particulier savoir si les analystes financiers représentaient une source d’informations importantes sur les primes de risque, auxquels s’ajoutent les futurs cash-flows de l’entreprise. En d’autres termes, est-ce que les évaluations des risques de prix ont un impact sur la bourse ? Est-ce que les investisseurs les considèrent comme valables ? Et comment les comparent-ils avec d’autres sources d’informations sur les risques ?
Regarder les données
Nous avons testé nos théories en analysant 13 384 évaluations des risques de prix publiés entre 2000 et 2006 par Citygroup, un cabinet d’agents de change en vue qui emploie de nombreux analystes financiers. Les agents de change comme Citygroup définissent le risque comme le niveau de volatilité des prix des actions attendus dans le futur. Les actions à risques « faibles » et « moyens » rapportent des bénéfices et des dividendes prévisibles. Les actions à risques « élevés » sont moins prévisibles, ce qui les rend attractives pour investisseurs plus agressifs. Les actions « spéculatives » sont volatiles et imprévisibles, si bien qu’elles sont plus adaptées pour les investisseurs raffinés qui présentent une forte tolérance aux risques. La plupart des actions dans notre échantillon étaient classées « à risques élevés » ou « spéculatives ».
En plus de leurs évaluations sur les risques d’une entreprise, Citygroup publie également des recommandations d’investissements pour ses actions («achetez », « vendez », « gardez » etc.) et une cible pour les prix des ces actions au cours de douze prochains mois. La plupart des actions analysées par Citygroup dans notre échantillon étaient censées générer des retours positifs (en d’autres termes, leur prix était censé monter), avec un retour attendu allant de 14,5 % à 31,5 %.
Impact sur le marché
Afin d’évaluer l’influence des rapports des analystes financiers sur le marché, nous avons observé un retour anormal d’actions durant trois jours, vers la date de publication des rapports. Nous avons découvert que des changements dans les évaluations des primes de risques influaient sur le prix des actions et que cet effet était plus marqué pour les évaluations négatives (c’est-à-dire l’augmentation des évaluations de risques de prix) que pour les évaluations positives (c’est-à-dire a diminution des évaluations de primes de risques). Quand les analystes estimaient qu’un risque était fort, les prix chutaient de 1,65 % à 2,77 %, ce qui dépassait les ajustements de prix dus au mouvement général du marché et aux autres informations données par les analystes sur l’entreprise, au cours des trois jours en question. Mais quand les analystes estimaient que le risque était plus faible, les prix connaissaient une augmentation anormale de 0,59 % à 0,89 %.
Nous avons également découvert que les évaluations de risques pouvaient aider les investisseurs à interpréter les recommandations boursières des analystes financiers et les cibles de prix pour les actions. Une mauvaise recommandation différait pour les actions avec différents niveaux de risque. Par exemple, si une recommandation était tirée vers le bas (passant de « gardez » à « vendez » par exemple), et que l’action était évaluée avec un « risque faible », les prix connaissaient une chute anormale d’environ 4,06 %.
Les cours en bourse réagissent aux informations sur les futurs cahs-flows ainsi qu’au risque de prix. Nous avons cherché à savoir si la réaction des cours en bourse face aux changements des évaluations de risques par les analystes financiers dépendait de ce que les évaluations informaient le marché sur les changements du risque de prix, mais de ce qu’elles signalaient des changements à dans les futurs cash-flows. Ceci a été conformé par notre analyse, basée sur le modèle Fama-French à trois facteurs.
Les évaluations de risques face aux évaluations de crédit
Outre les analystes financiers, d’autres informateurs intermédiaires comme les analystes de crédit fournissent également des informations sur les risques aux investisseurs. Des informations alternatives sur les risques peuvent servir de point de repère pour situer l’importance des évaluations des risques de prix. Nous avons comparé les évaluations de risques de prix avec les évaluations de crédit d’après plusieurs critères : ampleur de la couverture, fréquence / calendrier et impact sur le prix.
Nos conclusions ont montré que les évaluations des risques de prix soutiennent bien la comparaison d’avec les évaluations de crédit comme source d’informations sur les risques. Nous avons notamment trouvé que les évaluations de risques de prix jouent un rôle moteur pour fournir des informations sur les risques. Par conséquent, quand les analystes financiers déclarent que les risques d’une action ont augmenté, il arrive souvent qu’ensuite l’évaluation du crédit pour l’entreprise tende vers le bas. Ainsi, pour les entreprises qui sont étudiées par les analystes financiers, le marché présente moins de réaction aux mauvaises évaluations de crédits. On peut donc dire que les évaluations de risques de prix « mènent » tandis que celles pourtant sur les crédits « suivent ».
Ces conclusions impliquent que les évaluations de risques réalisées par les analystes financiers sont perçues comme une source d’informations plus utile et plus opportune que les évaluations de crédits, même si les premières sont moins fréquentes.
Notre travail n’est qu’une première étape dans la compréhension des relations très complexes entre les informations des analystes et les retours sur investissement. Il montre néanmoins que les changements dans les évaluations des risques de prix sont une source importante de nouvelles informations pour les investisseurs sur les risques de prix. Notre étude, qui examine les évaluations de risques des analystes, a aidé à étendre la littérature sur les analystes financiers et à dépasser la focalisation qui ne portait que sur les revenus ou les cash-flows.
Further Reading:
"Equity Analysts and the Market’s Assessment of Risk", paru dans Journal of Accouting Research.