De plus en plus d’entreprises se posent la question du télétravail. Comment mettre en place des équipes virtuelles efficaces ? Quels sont les facteurs de succès ? Nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés en la matière. Pourtant, il existe des communautés qui collaborent à distance avec succès depuis de nombreuses années et dont nous pourrions prendre exemple : celles du jeu vidéo.
Lorsque Yahoo! a mis fin au télétravail, les commentaires ont été nombreux. Beaucoup hurlaient à la perte d’un acquis social et d’un retour en arrière économique et écologique. D’autres ont salué la décision, qui, d’après eux, mettait en évidence la problématique de la gestion des équipes virtuelles : la difficulté d’établir une culture d’entreprise et le risque que certains employés profiteraient de l’absence de supervision pour tirer au flanc…
Alors que ce débat n’est toujours pas tranché, il existe des communautés qui collaborent à distance d’une manière régulière, en partageant des valeurs fortes, et dans des cadres très structurés : celles des jeux vidéo.
Le cas de World of Warcraft est exemplaire. Ce MMORPG est l’un des jeux en ligne les plus populaires : il existe depuis environ 10 ans et compte plusieurs millions d’abonnés payants qui peuvent se connecter plusieurs fois par jour. Très rapidement, de nombreux groupes de joueurs se sont formés, en faisant parfois preuve d’une coordination digne de commandos. Ceci, alors que la plupart des joueurs ne se sont jamais rencontrés en dehors du jeu. Comment est-ce possible ?
Leçon n°1 "les raids" : avoir un objectif commun, ou "éviter la réunionite"
La première raison qui pousse les joueurs à s’associer est la mise en place d’un raid : moment où les joueurs s’allient pour attaquer une partie plus complexe du jeu. Ces raids sont souvent préparés à l’avance, et, si tout se passe bien, lors du jour J, chacun connait sa place et son rôle.
Lorsqu’une entreprise veut animer une équipe virtuelle, elle doit absolument se rendre compte que la définition de son objectif doit précéder sa création ! Trop souvent, un chef d’équipe voudra organiser des réunions toutes les semaines avec ses collaborateurs, sans pour autant définir un objectif précis à ces réunions. Si un de vos employés ne comprend pas l’objectif de ces réunions, vous pouvez être certain qu’il s’en désengagera petit à petit : rien de plus facile que d’appuyer sur le bouton mute de votre téléphone, alors qu’il peut être beaucoup plus difficile de s’absenter d’une réunion "physique".
Leçon n°2 "Choisir sa guilde" : garantir la cohérence de l’équipe, ou "attacher de l’importance aux valeurs"
Lorsqu’un joueur choisit un groupe (une guilde dans le cas de World of Warcraft), il veillera toujours à joindre une communauté qui correspond à sa manière d’aborder le jeu. Certaines communautés encouragent la compétition entre ses membres, d’autres font au contraire preuve de plus de solidarité. Certaines sont plus orientées "jeu de rôle" et d’autres se concentrent plus sur l’aspect "gagner des points." C’est cette homogénéité en matière de valeurs qui garantit la pérennité des groupes qui se forment.
Trop souvent, lorsqu’on met en place une équipe virtuelle, les valeurs partagées sont mises sur le côté. Penser que "l’avantage des équipes virtuelles est qu’elles ne doivent pas respecter les mêmes règles que les équipes classiques" est une énorme erreur. Bien au contraire : puisque les échanges se feront moins facilement, il faut s’assurer, dès la création de l’équipe, qu’un terreau commun est présent, que des valeurs communes pourront être partagées, et qu’une culture de groupe pourra se mettre en place. Ceci passe par la mise en avant des valeurs du groupe, et une sélection intelligente des membres de l’équipe.
Leçon n°3 "In Real Life" : du rôle de l’empathie dans un groupe
Quelques mois suffisent à un joueur pour atteindre le plus haut niveau et battre la plupart des "boss" de World of Warcraft. Pourtant, des millions d’abonnés continuent à y jouer depuis maintenant presque 10 ans. Ce qui explique cette durée de vie est qu’"on commence pour le jeu, on reste pour les joueurs." De nombreuses personnes y ont rencontré des amis et même parfois leur futur conjoint.
Ce jeu met en effet à disposition des instruments pour le développement de relations empathiques entre les joueurs. Tout d’abord, les joueurs "se créent une personnalité." Ils peuvent développer leur avatar : lui donner un physique particulier ou un habillement unique qui leur permettra d’être identifiés du premier coup d’œil.
Ensuite, de nombreux joueurs sortent du cadre imposé par le jeu. Par exemple, un barde (un type de personnage), plutôt que de communiquer "normalement" avec les autres joueurs, pourra adopter un style beaucoup plus lyrique. Certains iront même jusqu’à composer des musiques et à les chanter lors des phases d’attaque. Enfin, rien ne remplacera jamais la communication non verbale. Les joueurs se donneront l’occasion de se voir aussi régulièrement que possible : par écrans interposés, ou lors de session In-Real Life, "dans la vraie vie."
Dans une relation de télétravail, il faudra veiller à appliquer les mêmes principes. N’oubliez jamais l’adage : "on commence un job, on quitte une équipe". Et si on n’est pas attaché à l’équipe, on quitte d’autant plus facilement le job. Il faudra donc s’assurer que les individus créent des liens empathiques. Tout d’abord, veiller à ce que les outils de partage (par exemple le réseau d’entreprise) permettent de se créer une personnalité : une photo, un pseudonyme, et des informations personnelles…
Ensuite, il ne faut pas hésiter à sortir du cadre imposé : donner quelques éléments sur "qui on est" permettent de dépasser le virtuel et de nous rendre humain. Enfin, il faut permettre à l’équipe d’interagir autant que possible d’une manière non verbale : par vidéo, in-real life, etc.
Gérer votre équipe virtuelle comme vous géreriez une équipe classique, la technologie en plus !
En fait, ces principes sont tout aussi valables pour des équipes "classiques." Malheureusement, beaucoup pensent encore que la technologie permet de consacrer moins de temps à la gestion des ressources humaines. En fait, c’est exactement l’inverse. Sans machine à café, sans "radio-couloir", sans contact visuel ou sensoriel, le chef d’équipe devra d’autant plus veiller à ce que celle-ci dispose du temps nécessaire à la coordination de ses objectifs, à la mise en place d’une culture partagée, et à la cohésion du groupe.