Repenser l'innovation par la philosophie

Repenser l'innovation par la philosophie

L’articulation philosophie et entreprise est loin d’être évidente et d’emblée il faut se rappeler que l’entreprise doit servir la philosophie et non l’inverse. La thèse à défendre c’est de tendre vers la sagesse et un meilleur monde et l’entreprise est à utiliser comme un outil pour cela. 

Pour le comprendre, regardons l’usage de la philosophie stoïcienne.

Si le stoïcisme est une philosophie ontologique, elle est également réputée pour sa sagesse que nous pouvons synthétiser avec les Entretiens d’Épictète.  Celui-ci évoque le travail de l’âme en précisant une tripartition des fonctions de l’âme, trois topoi destinés à ce travail. La première fonction est la discipline du désir : renoncer à désirer ce qui ne dépend pas de nous. La deuxième fonction se rapporte à la tendance et à l’action : ne pas se laisser entraîner par des désirs désordonnés qui nuisent au comportement de l’individu mais faire preuve de maîtrise de soi. La troisième correspond au bon usage des représentations ; il s’agit de la discipline de l’assentiment qui nous invite à la rectitude de la pensée et de la parole dans notre jugement.  

La présentation des trois topoi souligne qu’il semble impossible de penser le stoïcisme sans une pratique. D’ailleurs en regardant les maîtres stoïciens nous nous apercevons qu’ils sont de pleins pieds dans les enjeux du quotidien et même de la gestion des affaires. Zénon, fondateur du stoïcisme a hérité d’une fortune de la part de son père. Sénèque est magistrat, prêteur, enseignant, précepteur. Marc Aurèle est empereur et Cicéron, homme d’état, avocat bénévole, multi propriétaireet fréquente les milieux d’affaires.

Dans le stoïcisme, la pensée et l'action ne font qu'un. Les philosophes stoïciens articulaient sans aucune difficulté, la recherche de la sagesse et l’activité quotidienne. En conséquence ne devrions-nous pas l’imaginer de la même manière ? C'est-à-dire en gardant la théorie à l’esprit mais en étant pleinement dans l’action. 

L’innovation nous semble être un terrain particulièrement pertinent. En effet, du fait des innovations, des populations et espèces animales disparaissent. Le développement massif des technologies et des produits ont une conséquence directe sur l’épuisement des ressources naturelles. Sans conteste il y a une dégradation de l’environnement à cause de l’activité humaine, de la recherche permanente de la croissance économique et l’innovation est le principal responsable si ce n’est le seul. 

Où se trouve la pensée philosophique permettant d’avoir sur ces sujets un point de vue stoïcien ? Où se trouvent le discours et l’acte philosophiques, la pensée stoïcienne face à ces enjeux qui changent de manière paradigmatique l’espèce humaine ? 

Face aux crises générées par l’espèce humaine, cette dernière ne devrait-elle pas apprendre à désirer ce qui ne dépend pas de nous et ce qui n’en dépend pas ? Ne devrions-nous pas cesser de nous laisser nous entraîner par des désirs désordonnés, mais reprendre la maîtrise de nous ?  Enfin, ne devrions-nous pas songer au bon usage des représentations, à cette discipline de l’assentiment qui nous invite à la rectitude de la pensée et de la parole dans notre jugement ? 

En aucune manière les outils de la philosophie doivent venir servir la performance des organisations. La philosophie ne doit pour autant pas en être exclue si elle accepte de penser le quotidien qui est celui de la consommation, de la médiatisation, du développement, de l’investissement. Le quotidien n’est pas celui de l’Antiquité, c’est celui des smartphones, d’internet, des jeux vidéo, de la technologie, de l’innovation. Pourquoi la philosophie s’extrait-elle de ces enjeux qui bouleversent l’existence de tous ? La philosophie stoïcienne nous montre qu’enracinée et éprouvée dans le réel, en l’occurrence dans les organisations permet de relever la tête et de s’interroger sur pourquoi nous faisons ce que nous faisons.

Pour en savoir plus 

Pavie, X. (2018). L'innovation à l'épreuve de la philosophie. Presses Universitaires de France. 

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