Pourquoi l’anti-mondialisation n’est pas la solution

Pourquoi l’anti-mondialisation n’est pas la solution

Dans cette série d’ESSEC Knowledge Live, le professeur d’économie Estefania Santacreu-Vasut parle de l’importance de la mondialisation. Cette discussion lui permet d’expliquer le concept de la nature des biens et son importance dans ce qui semble être l’époque de l’anti-mondialisation.

Danielle Steele : En janvier 2019, le Forum économique mondial a tenu sa réunion annuelle à Davos. Selon le Forum économique mondial, nous traversons une époque d’incertitude, de fragilité et de controverse sans précédent, et nous nous rapprochons à grands pas d’une nouvelle phase d'une nouvelle étape des entreprises mondiales. C’est pourquoi le thème de la conférence était « La mondialisation 4.0, construire une architecture mondiale à l’époque de la quatrième révolution industrielle ». Aujourd’hui, rien qu’en regardant l’actualité, les questions sur la mondialisation sont au premier plan de la conversation. Pourriez-vous nous dire un peu plus sur comment les fondamentaux de la pensée économique soutiennent la mondialisation ?

Professeur Santacreu-Vasut : Quand on pense à la mondialisation, on pense à des flux de biens, on pense au commerce, à des flux de personnes, à des flux migratoires, à des flux de capitaux ou d’investissements, et surtout, on pense à des flux d’idées ou de connaissances. Si on regarde comment la mondialisation marche, on se rend compte que les institutions jouent un rôle très important. Dans mes recherches, j’ai largement étudié comment les institutions peuvent favoriser ou bloquer ces flux de connaissances. L’exploration de la nature des biens, des flux migratoires ou d’idées sont des sujets que j’aborde dans un livre récent, co-écrit avec le romancier Tom Gamble.

Danielle Steele : Pourquoi pensez-vous que le Forum économique mondial a choisi ce thème et pourquoi est-ce si important maintenant ?

Professeur Santacreu-Vasut : Le Forum économique mondial est conscient que nous sommes dans une phase transformatrice de la mondialisation, et il est conscient également qu’il y a une réaction de rejet contre l’ouverture, malgré les opportunités créées par la technologie. En ce sens, le Forum économique mondial a décidé d’aborder les facteurs économiques autant que narratifs qui sont derrière la mondialisation ou l’anti-mondialisation, en prenant en compte les aspects pluridimensionnels de la mondialisation.

Danielle Steele : Et si on ne réussit pas à faire cet effort de mondialisation, quelles sont les conséquences négatives de l’anti-mondialisation qu’on pourrait ne pas anticiper ?

Professeur Santacreu-Vasut : Alors, dans notre livre, La nature des biens et les biens de la nature, nous avons essayé de fournir au lecteur le panorama le plus vaste possible de l’impact de la mondialisation. Nous soutenons qu’il y a souvent un manque de perspective sur le long-terme. Fermer les frontières peut sembler une bonne idée à première vue, mais en fait ça peut être très néfaste sur le long-terme. Les recherches en histoire et en histoire de l’économie montrent que les pays qui ont fermé leurs frontières ont dû affronter les pires conséquences économiques pour les générations futures. C’est très simple : si vous faites moins confiance aux gens aujourd’hui, vous échangerez moins avec les autres dans le futur et la confiance est un facteur très important, comme l’ont montré les économistes. Par conséquent, si nous revenons à notre exemple, fermer les frontières est néfaste autant pour les générations actuelles que pour les générations futures. La dynamique de l’ouverture ou de la fermeture culturelle est très importante pour les échanges économiques, et dans notre livre, nous mettons en valeur l’importance de la culture, des institutions, mais aussi des valeurs pour qu’une économie réussisse ou échoue.

Danielle Steele : Si on prend le Brexit comme exemple, pouvez-vous identifier quelques-unes des conséquences négatives de l’anti-mondialisation ?

Professeur Santacreu-Vasut : Il y a une question de flux de connaissances, et il y a aussi un manque de sensibilisation. Lorsque les gens ont voté pour le Brexit, ils ne savaient pas vraiment à quoi allait ressembler l’accord, et maintenant des discussions sont en cours pour savoir s’ils doivent voter une nouvelle fois. Cela montre que les liens créés par les nations sont forts ; ils sont difficiles à rompre.

Danielle Steele : J’ai une autre question pour vous. Comment les revendications identitaires sont-elles montées si vite ?

Professeur Santacreu-Vasut : Je pense que la crise financière en 2008-2009 a accéléré la montée des revendications identitaires. Dans une période de récession, les hommes politiques ont du mal à faire des promesses qu’ils savent impossibles à tenir ; jouer sur et avec les revendications identitaires est un moyen facile pour gagner des votes, car l’« identité » est un concept très vague. Par conséquent, je pense que la crise financière et le ralentissement économique peuvent expliquer en partie la montée des revendications identitaires.  

Danielle Steele : Au-delà des biens de la nature et de la nature des biens, d’autres concepts économiques soutiennent-ils la mondialisation ?

Professeur Santacreu-Vasut : Ce que nous sommes aujourd’hui, ce que nous mangeons et ce que nous faisons aujourd’hui est le témoignage des échanges entre nos ancêtres. Parfois, ce que nous considérons comme notre identité est le témoignage de nos ancêtres – le commerce, les flux d’idées, les flux de personnes et de biens.

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