Comprendre l’université entrepreneuriale

Comprendre l’université entrepreneuriale

Avec ESSEC Knowledge Editor-in-chief

 Les universités et institutions académiques, dont l’ESSEC, sont dédiées à la formation des jeunes entrepreneurs. De nombreux établissements d’enseignement supérieur cherchent également à devenir eux-mêmes plus entrepreneuriaux, en recherchant différentes sources de revenus et en modifiant leurs démarches. Steven Seggie et ses collègues Baris Uslu, Alper Calikoglu et F. Nevra Seggie ont analysé une sélection de la littérature existante sur les universités entrepreneuriales dans leur récent article paru dans Higher Education Quarterly afin de mieux comprendre l’université entrepreneuriale et l’universitaire entrepreneurial, et ont constaté qu’une grande partie du discours s’est concentrée sur la commercialisation des activités universitaires.

Les établissements d’enseignement supérieur ont la responsabilité de contribuer au bien-être économique et social de leurs communautés. La notion d’université entrepreneuriale a évolué en réponse à cela : elle positionne l’université comme un « modèle à triple hélice », dans lequel la contribution au développement économique en appliquant les résultats de la recherche aux pratiques commerciales s’ajoute aux objectifs traditionnels de l’enseignement et de la recherche (Etzkowitz et Leydesdorff, 1997). Cela signifie qu’il y a de plus en plus de liens entre les universités et l’industrie, ce qui aide à transférer les connaissances académiques en résultats tangibles. Les chercheurs en enseignement supérieur ont étudié l’impact de ces activités sur la dynamique interne et sur les objectifs de développement social et économique de l’université entrepreneuriale, tandis que les chercheurs en affaires, en économie et en politique se sont principalement concentrés sur certaines activités telles que le rôle des incubateurs d’entreprises dans le développement de l’entrepreneuriat.

L’entrepreneuriat académique peut être défini comme « la création d’une transformation économique et/ou sociale au-delà des frontières de l’académie » (Mars & Rios-Aguilar, 2010, p. 455). Divers aspects de l’entrepreneuriat académique ont été explorés, notamment son impact sur les politiques de recrutement, la conception organisationnelle et les activités pédagogiques et de recherche.

Les chercheurs ont voulu rassembler l’ensemble des recherches afin d’identifier les activités entrepreneuriales communes des institutions et des universitaires et de mieux comprendre leur valeur pour la transformation organisationnelle.

Une étude de l’université et l’universitaire entrepreneuriaux

Pour mieux comprendre l’entrepreneuriat et le monde universitaire, l’équipe de recherche a réalisé une métasynthèse de la littérature, incluant dans son échantillon final 25 articles publiés dans des revues d’enseignement supérieur. Ces articles portaient sur des universités d’une grande variété de pays, dont l’Australie, le Canada, le Chili, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni, entre autres. Ces articles se concentrent sur le développement économique et social de ces universités entrepreneuriales, soulignant que les universités devaient favoriser une culture entrepreneuriale pour le personnel ainsi que pour les étudiants et établir un soutien interne à l’innovation. Leur analyse a également mis en évidence quatre grands thèmes opérationnels que les universités pourraient mettre en oeuvre pour atteindre leur objectif de contribution au développement social et économique de leur communauté, à savoir :

1.Génération de revenus et de ressources alternatives : y compris des activités telles que la commercialisation de la recherche et des connaissances (la plus courante), les dons des anciens élèves, les services et produits universitaires, et les fonds de recherche.

2. Collaboration avec des organisations externes : collaboration avec des partenaires industriels et le secteur privé.

3. Production et transfert de connaissances/technologies : production et partage de connaissances pouvant être utiles à la société, et mise en place de services d’incubation, de pôles scientifiques, de centres d’innovation et d’entrepreneuriat.

4. Acquisition de propriété innovante et créative : acquisition de marques, de brevets et de licences, et protection générale des droits de propriété intellectuelle.

Étant donné que les universitaires produisent les connaissances et les résultats de recherche évoqués ci-dessus, on attend souvent d’eux, implicitement ou explicitement, qu’ils gèrent ces activités entrepreneuriales. Ici aussi, les chercheurs ont constaté que les quatre mêmes thèmes principaux englobent la manière dont les universitaires peuvent contribuer à leurs institutions, mais avec différentes activités liées à ces thèmes :

1. Génération de revenus et de ressources alternatives : création de nouvelles entreprises, activités de conseil, commercialisation de la recherche, financement de la recherche, revenus d’enseignement externe, création de fonds pour les étudiants diplômés et revenus personnels provenant de leurs innovations et de leurs connaissances.

2. Collaboration avec des organisations externes : travailler sur des projets de recherche avec l’industrie et maintenir des relations positives, et diriger des séminaires et des ateliers pour les partenaires industriels.

3. Production et transfert de connaissances/technologies : diffusion de leurs recherches et de leurs connaissances, développement de recherches innovantes, transfert de connaissances et de technologies, et direction du développement d’incubateurs et de centres scientifiques.

4. Acquisition de propriété innovante et créative : conserver leurs droits de propriété intellectuelle et acquérir des brevets et des licences.

Les activités opérationnelles des universités entrepreneuriales et des universitaires entrepreneuriaux coïncident et peuvent être classées dans la catégorie de la diversification des revenus et de l’ouverture sur l’extérieur. Il en résulte un paysage universitaire en mutation, les universités vivant ce changement différemment selon les circonstances.

L’avenir de l’université entrepreneuriale et ses universitaires entrepreneuriaux 

Cette analyse nous fournit une compréhension holistique des domaines opérationnels et des activités d’une université entrepreneuriale et des universitaires entrepreneurs. Les universités sont devenues plus entrepreneuriales, souvent comme un moyen de générer des revenus en réponse aux coupes budgétaires publiques (par exemple, De Zilwa, 2005). L’entrepreneuriat est également considéré comme un moyen d’accomplir la mission de l’université, qui est de rendre à la communauté en augmentant sa valeur économique et sociale, une forme d’entrepreneuriat social. Les universités entrepreneuriales cherchent à insuffler aux étudiants un esprit d’entrepreneur, et à produire et transférer des connaissances pratiques et des innovations aux partenaires industriels et à la société en général. Il est toutefois important d’examiner comment les activités peuvent entrer en conflit avec cette mission sociale, si l’université se concentre trop sur les revenus et moins sur ses objectifs pédagogiques et sociaux. De nombreux universitaires sont, à juste titre, intéressés par la génération de revenus externes et l’acquisition de propriété intellectuelle, ce qui peut conduire à un esprit individualiste et à une concentration diminuée sur l’enseignement (par exemple, Provasi et coll., 2012). Cela dit, leurs collaborations externes créent de la valeur pour l’université, ce qui signifie que les universités tiennent compte des réseaux lors du recrutement du personnel, créant ainsi un marché du travail très compétitif. Ces réseaux sont également pris en compte lors des décisions de promotion. Les chercheurs ont formulé quelques suggestions pour travailler à la création d’une valeur sociale en plus de la valeur économique, afin de rester fidèle au cœur de l’université.

S’orienter vers l’entrepreneuriat social

- Une suggestion serait d’encourager les universitaires des disciplines dites « douces » à réaliser des projets sociaux avec des acteurs externes (dans les sciences « dures », cette pratique est plus courante).

- Il serait également intéressant que les acteurs universitaires développent des stratégies pour évaluer et récompenser les projets entrepreneuriaux qui ont un impact positif sur la communauté.

La création de connaissances et l’entrepreneuriat vont ensemble, et de plus en plus d’universitaires et d’universités s’essaient aux activités entrepreneuriales pour un certain nombre de raisons, notamment la création de valeur, la diffusion des connaissances et l’augmentation de leurs revenus. À mesure que ces activités gagnent en popularité, les acteurs universitaires doivent s’assurer que leurs activités entrepreneuriales ne les éloignent pas des objectifs fondamentaux que sont la recherche, l’enseignement et l’impact social positif. Cet article nous fournit un aperçu concis et un cadre pour comprendre l’université entrepreneuriale et ses perspectives d’avenir.

Références

De Zilwa, D. (2005). Using entrepreneurial activities as a means of survival: Investigating the processes used by Australian universities to diversify their revenue streams. Higher Education, 50(3), 387-411. https://doi.org/10.1007/s10734-004-6359-

Etzkowitz, H., & Leydesdorff, L. (1997). Universities and the global knowledge economy. A triple helix of university-industry-government relations. London: Pinter.

Mars, M. M., & Rios-Aguilar, C. (2010). Academic entrepreneurship (re)defined: Significance and implications for the scholarship of higher education. Higher Education, 59(4), 441-460. https://doi.org/10.1007/s10734-009-9258-1

 Uslu, B., Calikoglu, A., & Seggie, F.N., & Seggie, S. (2019). The entrepreneurial university and academic discourses: The meta‐synthesis of Higher Education articles. Higher Education Quarterly, 73. 285-311. 10.1111/hequ.12198. 

ESSEC Knowledge sur X

Suivez nous sur les réseaux