Comment le savoir-faire français doit-il se moderniser ?

Comment le savoir-faire français doit-il se moderniser ?

Simon Nyeck, Professeur titulaire de la chaire management des savoir-faire d'exception de l’ESSEC Business School, et Directeur du Centre d'excellence Luxe, Arts & Culture, revient dans cette nouvelle vidéo d’ESSEC Knowledge sur la nécessité pour les ateliers et les Maisons de luxe de se moderniser en capitalisant sur l’innovation et en entreprenant une réelle stratégie de management des savoir-faire d’exception.

Avez-vous déjà entendu parler de Sophie Hallette ? Probablement pas. Et pourtant vous connaissez sans aucun doute son travail. Elle est en effet l'une des plus anciennes fabriques de dentelles au monde, dont une des œuvres a orné la robe de mariée emblématique portée par Katherine, Duchesse de Cambridge.

Pourtant, dans l’esprit du grand public, cette robe particulière est plutôt associée à la marque Alexander McQueen ou au designer Sarah Burton, plutôt qu'à Sophie Hallette. Cet exemple illustre l’un des enjeux des savoir-faire d’exception : les artisans, leurs expertise et compétence, restent souvent dans l'ombre des grandes Maisons de luxe, et ce pour diverses raisons, principalement économiques. Se pose dès lors la question de la pérennité et de la valorisation de ceux qu’on nomme « les yeux et les mains de la Haute couture ».

Quels enjeux pour le savoir-faire français ? 

Les ateliers français, tels Lemarié ou Lesage, ont dominé le paysage de la couture pendant des décennies. Mais aujourd’hui, de nombreuses Maisons d’arts disparaissent peu à peu, sauf si elles peuvent bénéficier du support ou sont rachetées par des groupes de luxe comme Chanel par exemple. En restant indépendantes, ces Maisons d’arts sont prises en tenaille entre les fournisseurs de matières premières, comme les tanneries pour le cuir, et leurs clients, les grandes Maisons de luxe.

Leur manque de formation business les amène souvent à négliger l’amont et l’aval de leur chaîne de valeur (négociation, achats, contrats, développement de nouveaux marchés), tout comme l’optimisation des process et des délais de fabrication. La solution à cette situation réside dans le management des savoir-faire : innover, professionnaliser les relations Business to Business, tout en développant des opportunités vers de nouveaux marchés.

Encourager l'innovation 

Les savoir-faire sont bien entendu liés à des traditions séculaires transmises de génération en génération, à travers le compagnonnage par exemple. Toutefois, leur valorisation a toujours été associée à l’innovation technique ou sociale. Ainsi, le luxe et l'innovation ont été liés historiquement : à titre d’exemple, Dom Pérignon a inventé le procédé de vinification du champagne, Rolex a inventé la montre étanche Oyster, Chanel a réinventé la féminité en mettant l’accent sur la liberté, Van Cleefs a inventé le serti mystérieux.

Aujourd'hui, l'innovation consiste à capitaliser sur l’héritage, le réinterpréter pour l’optimiser et le faire entrer dans la modernité. Ainsi, manager et valoriser les savoir-faire consiste, par exemple, en premier lieu à travailler avec des designers pour insuffler une inspiration moderne dans les savoir-faire, à l’instar de Jules Hardouin-Mansart et de Le Nôtre qui renouvellent les traditions du verre vénitien et des jardins pour le plus grand bonheur du Château de Versailles. Par ailleurs, ce management consiste également à travailler avec les ingénieurs pour rationaliser les processus et intégrer les nouvelles technologies. Les joailliers peuvent par exemple s’approprier la CAO pour une partie de leur travail. Les artisans intègrent aussi l’impression en 3D pour un prototypage plus efficient. Enfin, la valorisation des savoir-faire d’exception consiste aussi en la gestion du patrimoine. La constitution et la sauvegarde de la mémoire des savoir-faire par la création et la gestion appropriée de bases de données qui restent une source d’inspiration vitale. 

Promouvoir l'expertise

Le faire savoir est aujourd’hui une des clés de la valorisation des savoir-faire. Les Maisons d’art se doivent également de transmettre et partager leur histoire avec le grand public. Les artisans sont au cœur de la légitimité des Maisons de luxe, légitimité qui nourrit le rêve des acheteurs. Il parait donc aujourd’hui évident que les ateliers ont un réel besoin d’une nouvelle expertise : celle du management des savoir-faire d’exception pour pouvoir assurer leur pérennité, et donc la valorisation du secteur Luxe, secteur économique important pour la France et pour la transmission de la culture française.

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